L'adaptation du roman best-seller de Yasmina Khadra.
Algérie, années 1930.
Younes a 9 ans lorsqu'il est confié à son oncle pharmacien à Oran, par son père, dont la terre a été incendiée et saisie par un créancier. Rebaptisé Jonas et élevé comme un pied-noir, le jeune garçon grandit parmi les jeunes de Rio Salado, petite ville à forte population pied-noire, dont il devient l'ami. Jonas devient proche de trois enfants de cette communauté, Jean-Christophe, Fabrice, et Simon. Dans la bande, il y a aussi Emilie, la fille dont tous sont amoureux.
Entre Jonas et elle naîtra une grande histoire d'amour, qui sera bientôt troublée par les conflits qui agitent le pays.
(- 10 ans)
Un film d'Alexandre Arcady
Genre : Drame, Historique, Romance
Nationalité : France
Durée : 159 min
Année : 2012
Avec : Nora Arnezeder (Emilie), Fu'ad Ait Aattou (Younes / Jonas), Anne Parillaud (Madame Cazenave), Vincent Perez (Juan Rucillio), Anne Consigny (Madeleine), Mohamed Fellag (Mohamed), Nicolas Giraud (Fabrice), Olivier Barthélémy (Jean-Christophe)...
Alexandre Arcady, comment avez-vous découvert le livre de Yasmina Khadra et qu’est-ce qui vous a donné envie de l’adapter ?
Alexandre Arcady – C’est en vacances à l’étranger il y a trois ans, en lisant une critique dans un journal. J’avais déjà lu plusieurs des livres de Yasmina Khadra et j’aimais cet auteur pour son écriture et la façon qu’il avait d’aborder les sujets les plus brûlants de notre société avec force, vérité et talent. Le sujet de ce nouveau roman ne pouvait que m’interpeller. Il s‘agissait de l’Algérie et du destin « incroyable » d’un petit garçon « Younes » devenu « Jonas », dans l’Algérie française des années 40 à 62. L’histoire d’une vie et d’un amour impossible… Je suis immédiatement conquis par le résumé. Il y avait là un film… Mais comment me procurer ce roman en plein mois d'août ? Mon fils [le réalisateur Alexandre Aja] doit me rejoindre et je lui demande de regarder si par hasard ce livre est en librairie à l'aéroport. Hasard, mais pas seulement, je crois aux signes ! Dans la librairie, un employé était en train de défaire un nouveau colis et c’était celui de Ce que le jour doit à la nuit ! J’ai passé trois jours à dévorer ce roman. J’étais totalement transporté. Je me sentais tellement en osmose avec cette histoire. J’avais l’impression que ce livre était arrivé comme le destin, et que si j’avais fait du cinéma, c’était pour porter à l’écran un tel sujet.
Pourquoi ?
A. A. – Tout simplement parce qu’un auteur algérien faisant fi des a priori, raconte cette Algérie, cette terre qui est ma terre natale, dans l’apaisement, dans la fraternité. Et que cette histoire d’amour incroyable nous projette vers des images inouïes de symbolisme. Comme si Emilie, cette jolie fille, représentait la France et Younes, ce bel Arabe, l’Algérie. Entre ces deux pays, ça a toujours été un amour fou et passionné. J’ai été happé, capté, subjugué, décontenancé, j’étais dans un état d’excitation que je n’avais jamais connu. Je n’avais qu’une hâte : rentrer très vite à Paris pour obtenir les droits. Sitôt arrivé à Paris, j’ai cherché à rencontrer Yasmina Khadra pour lui dire combien j’étais désireux d’adapter son roman, combien je sentais que c’était moi, et personne d’autre, qui devais faire ce film !
Yasmina Khadra, avez-vous vu dans son désir de faire ce film comme un prolongement de votre roman qui, d’une certaine manière, est une histoire de réconciliation ?
Yasmina Khadra – Tous les deux, nous nous rejoignons en effet dans ce livre. Déjà, il y a Jonas / Younes, un personnage qui est en lui-même une dualité terrible mais sereine. C’est une dualité qui n’a jamais cherché à inverser le destin. Un peu comme dans le poème de Omar Khayyam : « Si tu veux t’acheminer vers la paix définitive, souris au destin qui te frappe et ne frappe personne… ».
A.A. – A la fin de notre déjeuner, tu m’as dit - je ne sais pas si tu t’en souviens - une phrase qui a résonné dans ma tête pendant toute l’écriture : « Younes c’est toi et tu vas faire le film ! » En me disant ça, tu m’as projeté évidemment des années en arrière. J’ai compris que tu me passais le relais. Comme si tu me disais : « Non seulement le Younes que j’ai imaginé pourrait ressembler physiquement à ce que tu étais à son âge, mais il y a en toi cette dualité, ce déchirement, cette force, cette frénésie, ce destin qui fait que tu vas porter ce film ! » Yasmina m’a envoyé ensuite un texto que j’ai gardé : « Cher frère, belle rencontre de deux enfants d’Algérie pour une belle reconquête des rêves éconduits. Inch’Allah. »
Quelle a été la réaction en Algérie à la parution de Ce que le jour doit à la nuit ? Une telle histoire de réconciliation, ce n’est pas si courant dans la littérature algérienne…
Y.K. – Le roman a été tout de suite épuisé et les critiques ont été excellentes. Je ne sais pas si j’ai cherché la réconciliation. Je voulais tout simplement parler d’une époque telle qu’elle fut, avec ses hauts et ses bas, son côté obscur et ses joies. J’ai écrit un livre pour les Algériens d’hier et d’aujourd’hui, des Algériens que j’aime malgré leurs défauts. Pour moi, être écrivain c’est être utile à quelque chose. C'est pourquoi j’ai voulu offrir aux Algériens un livre capable de les rassembler, de les aider à surmonter les traumatismes de l’Histoire. En Algérie, Ce que le jour…est le titre le plus demandé aussi bien par l’ancienne génération que par ses petits-enfants.
A.A. – J’ai ressenti effectivement qu’en Algérie, ce livre a, d’une certaine manière, ouvert la parole. J’ai même entendu pour la première fois certains Algériens me dire : « Quand vous êtes montés sur les bateaux, vous les Français d’Algérie, vous pleuriez parce que vous partiez mais savez-vous que nous, de l’autre côté de la grille du port, on pleurait aussi, parce qu’on perdait nos amis, nos voisins, nos compagnons de travail ? » J’ai l’impression que ce livre a permis d’ouvrir une brèche, de montrer un autre aspect que celui qu’on a l’habitude de voir.
Y.K. – Au fond, les gens n’ont pas peur de la vérité. Parfois, elle est désobligeante, parfois un peu vieux jeu. C’est difficile de négocier avec le fait accompli. Et puis un jour, on s’aperçoit que la vérité est comme un être humain. Lorsqu’elle montre son vrai visage, on peut se familiariser avec elle. En revanche, lorsqu’elle reste un tabou, cette façon de la repousser dans l’obscurité en fait une ogresse. Puis vient la lumière et nous nous apercevons que l’ogresse que nous redoutons est nous-mêmes. Le reconnaître est déjà le début de la rédemption. A force d’essayer de conjurer nos vérités, de divorcer d’avec nos passés, on finit par se mutiler. Mon roman est un peu le rebouteux qui réconcilie les fractures…
Dans le livre et donc aussi dans le film, ce qui est frappant – et plutôt rare en ce qui concerne la guerre d’Algérie - c’est que l’histoire romanesque l’emporte sur l’Histoire tout court…
Y.K. – C’est la petite histoire qui a raison et pas l’Histoire avec un grand H ! Dans la petite histoire, nous sommes tous des héros, les héros de nos prouesses et de nos désillusions. Dans la grande Histoire, nous ne sommes que des figurants, des otages, des victimes, des anonymes.
Qu’est-ce qui vous touche le plus dans le film ?
Y.K. – D’abord sa sincérité ! Ensuite, sa générosité. J’ai été étonné par sa générosité, par son approche vigilante, ses choix judicieux, d’une grande intelligence et sa direction millimétrée des acteurs !
Qu’est-ce qui était le plus compliqué dans l’adaptation ?
A.A. – C’était de rendre crédible le personnage de Younes/Jonas, qu’on ne le rejette pas, qu’on ne dise pas : « Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il a la plus belle fille du monde entre les bras et il ne veut rien faire ! » et qu’au contraire, on le comprenne, qu’on soit en empathie avec lui, avec ses déchirements, avec ce respect de la parole donnée. C’était cela le plus compliqué et le plus délicat. Comment présenter ce personnage que tout le monde aime et qui fait croire qu’il n’aime personne alors qu’il aime tout le monde, et qu’il est tenu par son serment.
Y.K. – Il s’agit d’une époque où la parole donnée avait valeur de serment. Si on ne tenait pas parole, on perdait la face et le reste avec.
A.A. – Ensuite, en travaillant sur l’adaptation, j’ai fait attention de ne pas tomber dans le folklore. Ce qui était fondamental aussi, c’était la cohésion de ce groupe, de cette bande des copains avec ces deux filles. Et puis aussi de rendre en images les visions si chères à l’Algérie française : la plage, les vignes, les terres mais aussi le soleil, la vision de la douleur, de la violence, sans tomber dans le didactisme. Je m’autorise quelques dates dans le film mais pas davantage… Ce sont les vertus du cinéma : quand on voit Emilie avec un enfant de 3 ans dans ses bras, on n’a pas besoin d’expliquer que le temps a passé.
Y.K. – Avec le recul, les raccourcis que tu as pris sont habiles, bien négociés. Je n’ai aucun reproche à faire même si tu as permuté des personnages et des situations. Ton adresse à le faire devient autorité.