Temps fort semaine 37
Au bord d’une piscine gorgée de soleil, Romy Schneider, Alain Delon, Maurice Ronet et Jane Birkin réinventent une version funeste du jeu du chat et de la souris. Summum de sensualité et d’ambiguïté, le thriller moite de Jacques Deray ouvre la nouvelle saison de « Place au cinéma », présenté par Dominique Besnehard.
Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort, fût-elle bleue et chlorée… Les héros de La Piscine, thriller hypnotique de Jacques Deray (1969), sont là pour le rappeler. Dans leur villa perchée sur les hauteurs de Saint-Tropez, Marianne et Jean-Paul (Romy Schneider et Alain Delon, summum de sensualité vénéneuse jamais égalé au cinéma) voient leurs vacances en amoureux perturbées par la visite impromptue de leur ami Harry (Maurice Ronet, déjà opposé à Alain Delon huit ans plus tôt dans Plein soleil de René Clément) et de sa fille Pénélope (Jane Birkin, pour son premier rôle en France). Le premier, hâbleur et suffisant, est l’ancien amant de Marianne. La seconde, 18 ans à peine, est toute d’ambiguïté et de séduction, fausse ingénue mais vraie lolita. Il n’en faut pas plus pour réveiller désirs, jalousies, aigreurs et frustrations de toutes sortes. Et l’eau bleue dormante de la piscine se brouille soudain, comme contaminée par le poison que distille ce quatuor trouble et troublant.
Personnage à part entière, la piscine est la scène autour de laquelle chacun se jauge et se juge, réinventant une version funeste du jeu du chat et de la souris, où les uns et les autres sont tour à tour félin et rongeur, prédateur et proie. Sous la surface tranquille grouillent les pires névroses et les plus noirs desseins… Le pari réussi de La Piscine tient à sa manière de rester, justement, à la surface, tout en faisant ressentir en permanence la menace de la tempête. La réalisation de Jacques Deray (qui retrouvera l’année suivante Alain Delon pour le non moins célèbre Borsalino) et le scénario, signé Jean-Emmanuel Conil et Jean-Claude Carrière, jouent habilement sur l’allusion et l’élision. Rien n’est jamais dit. Et ambiguïté et malaise se dessinent presque sans bruit, en creux, grâce à l’immense talent des comédiens, capables de maquiller une pudique caresse en menace, une pose langoureuse en provocation ou un silence soudain en insulte voilée. Huis clos à ciel ouvert, film noir gorgé de couleurs, La Piscine n’a, près de cinquante ans après sa sortie, rien perdu de son envoûtante puissance.
Cyrille Latour
Film (France-Italie)
Durée 120 min
Scénario Jean-Emmanuel Conil, Jean-Claude Carrière
Réalisation Jacques Deray
Musique Michel Legrand
Production Société nouvelle de cinématographie et Tritone Cinematografica
Année 1969
Avec Romy Schneider, Alain Delon, Maurice Ronet, Jane Birkin…
#placeaucinema