La Vie extraordinaire de Fernand Legros, roi des faussaires

Provocateur, marchand véreux, agent de la CIA, danseur, figure des nuits parisiennes… Qui était vraiment Fernand Legros ? Dans les années 1970, accusé d’avoir vendu de faux tableaux à un milliardaire texan, il fait les gros titres de la rubrique judiciaire. Avec son chapeau à large bord, son manteau de fourrure et ses nombreuses voitures de luxe, celui qui revendique une absence totale de sens moral ne laisse pas les médias indifférents. La presse est sous le charme de cette personnalité atypique et participe à la création du mythe. Legros est l’objet d’une biographie romancée écrite par l’écrivain Roger Peyrefitte, il inspire Hergé pour le bandit de son album inachevé, Tintin et l’Alph-Art. Dans son film Vérités et Mensonges (1973), Orson Welles évoque l’escroquerie magistrale orchestrée, dans les années 1960, par cet audacieux marchand d’art. Car on ne saura jamais combien de prétendus Picasso, Modigliani, Derain, Dufy écoula Legros avec la complicité des faussaires Real Lessard et Elmyr de Hory.

L’art du mensonge

Trompant leurs clients et les autorités, les trois acolytes établissent un trafic à grande échelle, ridiculisant même les meilleurs experts de l’époque. Il faut dire que l’excentrique Legros n’avait pas son pareil pour obtenir les certificats d’authenticité permettant de faire circuler les contrefaçons. Durant plus de dix ans, Fernand Legros achemine en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud de fausses lithographies de grands maîtres. Doté d’un culot monstre, il vend au Premier ministre japonais Eisaku Satō une cinquantaine de toiles, toutes dûment certifiées. Entre 1964 et 1967, il plume Algur Hurtle Meadows, un magnat du pétrole qui acquiert cinquante-quatre tableaux, dont trente-huit seront ultérieurement identifiés comme des faux. Ce dernier sera l’instigateur d’un procès retentissant qui mit un terme à la course de Legros. Difficile à cerner, ce mythomane endurci fit de sa vie une légende dont lui seul sait s’il l’a vraiment vécue. Comment, alors, démêler le vrai du faux…

Amandine Deroubaix