Portrait d'Eddy Mitchell
LUNDI EN HISTOIRES

Eddy Itinéraires

Documentaire - Inédit - Lundi 14 mars à 20.55

Cinquante ans de carrière. Bien remplie. Un sacré crooner au déhanché de rocker. Eddy Mitchell continue sa route de France jusqu’à Memphis. Toujours et encore. Un portrait chapeau bas bien mérité à ce grand monsieur de la chanson. Sincérité oblige !

« Où sont mes racines… Nashville ou Belleville ?… »

 

Claude Moine est né en 1942 à Belleville, dans une famille de milieu modeste. Sa mère est employée de banque et son père travaille à la RATP. Le p’tit Claude, son certificat d’études en poche, à l’âge de 13 ans, va lui aussi travailler à la banque. Mais le p’tiot préfère, et de loin, s’amuser au flipper que flipper dans la banque à l’ambiance kafkaïenne.

Il grandit dans le Paris populaire d’après-guerre. « La zone de la rue coule aussi dans son sang »… Il l’a dans le sang, oui, ce Belleville… Cet arrondissement bigarré. Il y trimballe son âme d’enfant avec joie et quelques Globo en poche, avec Guy Marchand, un copain de classe de quelques années de plus que lui. « Et dans les Globo, il y avait quelque chose d’extraordinaire, il y avait des photos de films. On collectionnait les photos de Gary Cooper dans Les Tuniques écarlates. » Tiens, tiens, le voilà déjà inspiré. Des chewing-gums en Cinémascope. Une sorte d’avant Dernière Séance (émission animée par Eddy, et diffusée pour la première fois en 1982). 

Eddy Mitchell dans La Dernière Séance

De sa mère, il prend goût pour la chanson, l’opérette, Luis Mariano…  « J’allais voir Luis Mariano, dans Le Chanteur de Mexico… Maman et moi, on rentrait en métro, station Opéra direction Lilas… » Et, de son père, il tient son amour immodéré pour le cinéma américain, comme Les Indomptables avec Robert Mitchum (1952), ou les films avec John Payne. Eddy voit déjà tout en couleurs et sur un écran blanc. « Entre 14 et 18 ans, c’était au minimum trois films par jour », déclare le chanteur. Alors, rien d’étonnant de le retrouver des années plus tard derrière l’écran. Endossant par exemple le rôle d’un Momo particulièrement éblouissant dans Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981). « Il fallait prendre quelqu’un d’intelligent pour jouer un crétin », déclare le cinéaste. Ou dans À mort l’arbitre de Jean-Pierre Mocky (1983). Mais il y a aussi la littérature. Eddy lit beaucoup, et toutes sortes de livres : de Proust à Peter Cheney… Cinéma, littérature, bande dessinée, il croque aussi quelques dessins pour des magazines… Ce gamin baigne dans un monde populaire et imaginaire. Une enfance heureuse. « Fils de parents honnêtes, donc honnête lui-même, études succinctes et rapides… », avoue-t-il.

« Mam, j’viens tout juste d’avoir mes 14 ans, j’veux plus d’école, j’veux devenir grand… » Alors, c’est vers ses 14 ans qu’il découvre la musique, celle qui sévit outre-Atlantique, avec un certain Elvis. « La voix d’Elvis chantait ‘Good Rockin’ tonight’, et ça a révolutionné toute une jeunesse », déclare Eddy dans l’émission animée par Denise Glaser Discorama.

Les itinéraires d'Eddy Mitchell

La voie est toute tracée pour le p’tit Claude. Et, en ce début des années 50, on se retrouve dans un certain dancing : « Le Golf Drouot, c’est le tremplin du rock and roll », déclare Johnny…  Des amitiés pour la vie s’y nouent avec Jean-Philippe Smet et Jacques Dutronc (qui deviendra l’un de ses guitaristes quelques années plus tard).

 

Ses débuts en Chaussettes noires

 

Des débuts en « Chaussettes  noires », à la fin des années 50. Claude impose sa silhouette longiligne et une gestuelle particulière. Ce Frenchie aux allures d’Elvis dégaine pas mal quand il bouge… très classe, sexy. « Je trouvais ça sympa, il faisait ces gestes extravagants, des trucs que j’adore », dit Alain Souchon.

La passion prend des allures de réussite immédiate. Les Chaussettes noires sont ces cinq garçons dans le vent. ça plaît. ça décoiffe.

 

La voi(e/x) d’Eddy

 

Claude part en solo et devient Eddy… un prénom qu’il emprunte à Eddy Constantine, et le nom à Robert Mitchum. Voilà les deux passions de sa vie réunies en un nom de scène. Un coup de maître, monsieur Eddy.

Rocker dans l’âme, il n’en reste pas moins un sacré crooner. Il n’est pas un simple chanteur, il écrit aussi ses chansons. « La voix d’Eddy est une voix très chaude, très chaleureuse. C’est une voix de crooner », déclare Laurent Gerra.

Après les Chaussettes noires, il se raconte, en effet, plus en profondeur. Ses chansons deviennent plus puissantes… « On dirait des airs traditionnels, avec des paroles qui coulent de source, et qui sont tellement bien faites… Toutes ses jolies chansons parlent un peu de sa mère, de Belleville…, il y a une vérité, un truc dense et fort, un truc humain qui sort de tout ça », explique Souchon. Il devient un chroniqueur des états d’âme. « Je pense que ‘chroniqueur’, c’est un mot qui lui va excellemment », affirme l’admirateur Pierre Lescure. Oui, il a ce je-ne-sais quoi d’intime et de généreux. « La justesse de son regard sur le monde, sur la société, sur les sentiments », renchérit Alain Souchon.

« C’est un mec qui est au-delà des modes, au-delà des temps, il a tout connu, il a tout fait, il a tout vu, il a tout bu, tout su… », dit Thomas Dutronc.

Il connaîtra, bien sûr, quelques désillusions. Mais très vite, il remonte la pente en partant se ressourcer à la source : à Nashville. Là-bas, où tous les grands du rock et de la country ont débuté — au pays de tous les possibles, Sur la route de Memphis

Les années 80, Eddy fait fondre son public avec « Couleur menthe à l’eau », « Le cimetière des éléphants », « La peau d’une autre »…

Plus Eddy vieillit, plus ses chansons résonnent avec intensité. Il a quelque chose d’un sage. Une vieille canaille extrêmement sincère. Qui ne renie rien… car personne ne peut passer à côté de l’actualité : « Il ne rentre pas ce soir… Il n’a plus d’espoir espoir… » Il sait dénoncer, raconter, comme cet hommage rendu à Martin Luther King dans son dernier album, Time for Gold…

 

Un portrait saisissant, d’un homme d’une grande culture, discret quant à sa vie intime, un homme bien, comme on dit. Un documentaire extrêmement sincère comme ce chanteur tant admiré. Quoi de mieux que de conclure sur un « J’ai oublié de l’oublier », composé avec son compère Pierre Papadiamandis. Car, Eddy, on n’est pas près de l’oublier. « Son intelligence, c’est justement de ne pas forcément respecter l’histoire de la chanson, mais respecter le swing de la chanson, quitte à en changer les mots, et comme c’est un auteur, il refait l’histoire, mais au service du swing de la chanson  », comme le dit Chatiliez.   

Et puis, enfin et surtout, il n’y a « Pas de boogie woogie » sans Eddy.

Françoise Jallot

Durée : 110 min

Réalisateur : Bernard Faroux

Production : Kcraft & Co, avec la participation de France Télévisions

 

Pictogramme francetvpro
Pictogramme Phototélé
Pictogramme France.tv Preview
Pictogramme Instagram france 3