LA FRANCE FACE AUX REPENTIS DU DJIHAD
Le Monde en face

La France face aux repentis du djihad

Documentaire - Mercredi 6 décembre 2017 à 20.50

Que faire des jeunes gens rentrés de Syrie ou d’Irak, aujourd’hui incarcérés ? Comment les conduire vers la réinsertion tout en protégeant la société, à l’heure où la menace terroriste reste très présente ? Entourée d’invités, Marina Carrère d’Encausse lance le débat après la diffusion du documentaire de Clarisse Feletin.

« Tout a commencé à l’école. J’ai rencontré un homme dont je suis tombée amoureuse. […] À sa sortie de prison, son objectif c’était de mourir martyr pour rejoindre Allah. […] J’ai décidé de le suivre par peur de perdre ma fille et des représailles. Quand on se retrouve là-bas, qu’on voit des têtes coupées et que ma fille les voit aussi, on se demande ce qu’on fait là. C’était pas facile à vivre, surtout pour elle. » Après deux ans passés en Syrie, Louisa parvient à s’enfuir avec l’aide de sa famille en 2016. Placée en garde à vue et auditionnée pendant trois jours par la DGSI, elle est une des rares revenantes à avoir été laissée en liberté, la justice ayant estimé qu’elle était partie sous la contrainte. Contrairement à Louisa, près de 300 hommes et femmes ont été incarcérés dès leur retour sur le territoire national pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En l’attente de jugement, plus question de les laisser libres de leurs mouvements, après la vague d’attentats qu’a connue le pays.

Certains, pourtant, ne sont jamais passés à l’acte. C’est le cas de sept jeunes de la filière dite « des Strasbourgeois ». Partis en Syrie, en décembre 2013, pour combattre, selon leurs dires, le régime de Bachar el-Assad, ils reviennent en France, trois ou quatre mois plus tard, avant même la création de Daesh. Leur procès, qui s’ouvre le 30 mai 2016, est très médiatisé, et pour cause : sur le banc des accusés, on retrouve le frère de l’un des auteurs du massacre du Bataclan. Devant la presse, son avocate, maître Françoise Cotta, soulève une question cruciale : « À partir de quels éléments peut-on dire que quelqu’un est terroriste puisqu’il n’y a pas eu commencement de début d’exécution ? Ils seraient terroristes en soi mais sans jamais avoir commis aucun acte ? » Pour autant, comment être sûr de la bonne foi de ces jeunes gens contre lesquels le procureur a requis des peines entre huit et dix ans ? Comment mesurer le risque de radicalisation lors de leur séjour en prison ? Est-il possible de leur donner une deuxième chance sans mettre en danger la société ?

Que faire ?

Face à cette situation inédite, l’État tâtonne à la recherche des « bonnes » solutions. En 2015, on a ainsi vu la création, dans plusieurs établissements pénitentiaires, d’« unités dédiées » destinées à regrouper les détenus radicalisés de manière à les isoler des autres afin d’enrayer le prosélytisme. Sans résultat. Autre expérience : la mise en place, par la sociologue Ouisa Kies, de groupes de parole hétérogènes d’une douzaine de personnes permettant à chacune de s’exprimer librement. Bien que s’étant révélée plutôt concluante, cette mission, achevée au printemps 2016, n’a pas été prolongée par le ministère de la Justice. Dernier plan d’action des pouvoirs publics contre la radicalisation : disperser les prisonniers sur vingt-sept établissements et placer à l’isolement renforcé les plus dangereux.

À l’extérieur, dans la société civile, on mise surtout sur la prévention. Des réseaux se développent grâce à des structures existantes : missions locales, maisons des adolescents, conseils départementaux, associations de terrain… Pour « empêcher les jeunes de tomber dans le sectarisme » comme lui, qui a consacré quinze ans de sa vie aux Frères musulmans, Farid Abdelkrim joue sans relâche son spectacle, dans lequel il pointe avec humour les travers d’une interprétation extrémiste de l’islam. Sans jamais oublier de lancer le débat. Tout comme Ahmed, travailleur social dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, qui n’hésite pas à convier aux réunions qu’il organise régulièrement des terroristes repentis. À l’instar de Farid Benyettou, l’ancien mentor des frères Kouachi, qui tente depuis sa sortie de prison, en 2009, de se reconstruire. Non sans peine, car comme il le résume : « Chaque fois que tu vas dire aux gens : “Voilà j’ai été un monstre mais aujourd’hui j’ai envie de changer”, on te renvoie simplement au fait que t’étais un monstre et que tu le resteras toute ta vie. » Entre répression, prévention et éducation, les réponses restent à trouver.

Beatriz Loiseau

LA FRANCE FACE AUX REPENTIS DU DJIHAD

Documentaire

Durée 70 min

Réalisation Clarisse Feletin

Production Chrysalide et Éléphant Doc, avec la participation de France Télévisions

Année 2017

 

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