J'irai dormir chez vous : Colombie

S’attaquant à la Colombie par sa face nord, Antoine de Maximy entame son périple dans la ville portuaire de Carthagène des Indes. Au cœur de l’ancienne cité fortifiée, ouverte sur la mer des Caraïbes, le dédale des ruelles animées l’attire comme un aimant : impossible de ne pas y faire de belles rencontres. Après un échange nourri avec un groupe de catholiques professant la bonne parole, il engage la discussion avec Alfonso, bijoutier de son état, à qui il quémande une visite guidée de son logis. Invité à partager son repas familial, Antoine y savoure des rouleaux de farine de maïs et de fromage, un plat traditionnel de la cuisine amérindienne. « En Colombie, il y a encore des tribus nomades, des gens qui n’ont pas de maisons et voyagent dans la jungle », rappelle Alfonso. Sa curiosité piquée, Antoine pourrait-il s’y aventurer sans craindre les rebelles des Farc ? « C’est possible d’y aller avec un guide, mais pas tout seul, parce qu’on risque d’avoir des problèmes. » Alors que la soirée s’étire agréablement, le globe-trotteur finit par se résoudre à prendre congé, tout dépité d’avoir réservé une chambre dans une guest-house et, surtout, de l’avoir avoué à ses hôtes.

Ambiance tendue

Au petit matin, frais comme un gardon, Antoine prend le volant pour rejoindre Cocorná, une grosse bourgade à 80 kilomètres de Medellín. À peine est-il sorti de l’auto qu’un inconnu l’apostrophe : « Si tu filmes sans autorisation, tu pourrais avoir des ennuis. » Peu amène, un policier lui déconseille à son tour d’immortaliser les représentants des forces de l’ordre. L’accumulation des menaces et les mines plus ou moins revêches qu’il croise produisent leur petit effet : « Je ne suis pas tout à fait détendu », reconnaît-il. Pas question pour autant de ne pas tenter d’approcher des « locaux ». Ce qu’il fait en abordant un paysan qui décharge des pains de sucre de canne. Comme l’homme, qui vient d’effectuer 40 kilomètres à cheval pour sa livraison, se montre peu disert, Antoine s’aventure dans la petite boutique où il a fait changer sa pile de montre. Envahis d’appareils hétéroclites, les lieux ont un air de joyeux capharnaüm. Dans un coin, une jeune femme y pousse même des vocalises. Quand l’électricien-répare-tout, qui a de bon cœur partagé pour son 53^e anniversaire des verres, un gâteau, des rires et des chansons, ferme son échoppe, Antoine insiste pour poursuivre la soirée en sa compagnie. De nouveau chou blanc : le bonhomme doit rendre visite à sa propriétaire, une mamie de 90 ans : « Tu risquerais de lui faire peur… » lui assure-t-il en partant dans un grand rire.

En pleine cambrousse

Dès le lendemain, Antoine file vers Medellín. Réputée pour son célèbre cartel de la drogue, la deuxième ville la plus peuplée de Colombie après Bogotá, la capitale, n’a rien d’une paisible cité : « La nuit, ici, c’est dangereux, surtout dans le centre », le prévient un habitant. Après s’être échappé en métro vers la périphérie, Antoine finit par profiter de l’ambiance festive d’un restaurant tenu par un couple. Mais là encore, pas moyen de se faire inviter à squatter sur un coin de canapé. Poursuivant sa route, le voilà à San Francisco, un village perdu au milieu de nulle part. Apparemment cordiaux, une poignée d’agriculteurs lui offrent un café avant de l’amener chez eux. « T’es gonflé de venir ici tout seul. […] On peut te voler ta caméra, ta voiture et comme t’es pas d’ici… » « Peu détendu », Antoine va devoir l’être jusqu’au bout de la nuit…

Christine Guillemeau