Alors que la grand-messe du cinéma mondial célèbre, du 11 au 22 mai, les nouveaux rois et reines du 7e art, la collection « Duels » invite à découvrir les antagonismes de deux maîtres français, inventeurs de la Nouvelle Vague, dans ce documentaire signé Claire Duguet. À noter aussi cette semaine, « Le Dernier Métro » dans « Place au cinéma ».
« Êtes-vous plutôt truffaldien ou godardien ? » Si, aujourd’hui, cette question paraît totalement décalée, dans les années 1970, elle lançait d’emblée une conversation à couteaux tirés. Au gré des témoignages de personnalités du monde cinéphilique, Claire Duguet revient dans ce documentaire sur l’amitié entre ces deux monolithes du cinéma français et surtout sur l’origine de leurs antagonismes.
Comment ces deux amoureux fous du 7e art ont-ils réussi à mettre autant de talent en synergie pour donner naissance à la Nouvelle Vague ? Puis utilisé cette même force pour s’éloigner l’un de l’autre et se nuire ? Fondu enchaîné.
Flash-back
Piliers du ciné-club de Rohmer, passionnés par un art encore jeune, ils ferraillent au sujet de Hawks, Rossellini, Renoir ou Hitchcock. À leurs débuts de critiques aux Cahiers du cinéma, Truffaut est la grande gueule et Godard, le discret. Et lorsqu’ils quittent le magazine « comme on sort de Normale sup », souligne le cinéaste Claude de Givray, ils portent en eux l’énergie d’un tsunami ; une nouvelle vision du cinéma, à l’instar de John Cassavetes, la même année, outre-Atlantique.
François Truffaut. © Morgane Production
La Nouvelle Vague
François Truffaut fait gonfler cette déferlante avec Les Quatre Cents Coups. Il entraîne à sa suite Chabrol, Rivette et Godard : « Il ne voulait pas réussir tout seul. Il voulait que cela devienne un véritable mouvement », continue Claude de Givray. Dans son sillage, Jean-Luc Godard suit de très près son ami avec À bout de souffle. La critique de 1959 est dithyrambique et élève les deux hommes au Panthéon du renouveau du 7e art français. Marin Karmitz : « J’aurai appris avec François Truffaut comment on raconte une histoire, de même que j’ai appris avec Jean-Luc Godard comment on détruit une histoire. Et c’est aussi bien l’un comme l’autre. »
Champ contre champ
L’acteur Jean-Pierre Léaud maintient le lien entre les deux cinéastes pendant des années. Pourtant, leurs visions de l’art s’éloignent de plus en plus. Truffaut, le titi parisien, a soif de culture. Godard, le bourgeois helvète, initie, lui, une contre-culture en créant le groupe Dziga Vertov, un collectif d’orientation maoïste. Tous deux voient le cinéma comme perdu. « Godard pense qu’il faut avancer pour trouver autre chose et Truffaut qu’il faut se retourner pour retrouver le cinéma d’avant. La Nuit américaine est le fantasme de ce cinéma perdu », synthétise le réalisateur Olivier Assayas. Comme des frères d’armes, ils se liguent encore en 1968 contre le limogeage d’Henri Langlois de la Cinémathèque et, à Cannes, pour l’arrêt du Festival pendant les événements de mai.
Jean-Luc Godard. © Morgane Production
Godard ou Truffaut ? Beatles ou Rolling Stones ?
À la sortie de La Nuit américaine, la rupture entre les cinéastes est définitive et donne lieu à cet extraordinaire échange épistolaire qui résonne en off sur des images d’archives. Jean-Luc Godard : « J’ai vu hier La Nuit américaine. Probablement personne ne te traitera de menteur, aussi je le fais… » François Truffaut répond cash : « Je me contrefous de ce que tu penses de La Nuit américaine, qui ne correspond ni à ton idée du cinéma ni à ton idée de la vie. Comportement de merde sur un socle. » Dans un extrait du film Tournée, de Mathieu Amalric, ce dialogue est repris à la manière d’un clin d’œil et d’un questionnement : où se situe la place de la résistance ? Hors ou dans le système ? L’historien et biographe des deux hommes, Antoine de Baecque, explique : « Leur rupture marque un point dans l’histoire du cinéma et entérine le fait qu’il y a deux manières de faire du cinéma. » L’un ou l’autre, libre à chacun de choisir ou pas, comme Mathieu Amalric : « C’est absurde de devoir choisir. On aime les deux pour des raisons différentes. » Fondu au noir.
Diane Ermel
Collection documentaire
Durée 52 min
Auteurs Claire Duguet et Arnaud Guigue
Réalisation Claire Duguet
Production Morgane / INA, avec la participation de France Télévisions et de la RTS
Année 2015
Disponible en audiodescription
france5.fr/duels
#duelsF5
Le Dernier Métro (F. Truffaut – 1980) vu par Dominique Besnehard
Diffusion : lundi 9 mai 2016 à 20.45
« C’est le film qui a obtenu le plus de César : dix, dont les quatre plus importants (meilleurs acteur, actrice, réalisateur et film). Deneuve et Depardieu, rassemblés à l’écran pour la première fois, forment un couple absolument magnifique, fatal. Truffaut y parle de l’amour du théâtre, de l’Occupation avec toutes ses privations, des situations précaires. Les gens devaient être rentrés chez eux à minuit, donc, pour respecter ce couvre-feu, les théâtres commençaient très tôt. Les Parisiens allaient beaucoup au théâtre, pour être ensemble et parce qu’il y faisait chaud. On retrouve toutes ces petites touches de vie dans le film. »
À l’occasion du Festival de Cannes, les magazines de la chaîne suivent aussi de près ce qui se passe sur la Croisette.
Entrée libre
Du 11 au 22 mai, Entrée libre se met au diapason du Festival de Cannes. Lundi 9 mai, Claire Chazal reçoit Juliette Binoche (sous réserve) et, lundi 16, l’acteur Laurent Lafitte, maître de cérémonie de cette 69e édition, également à l’affiche du film Elle, de Paul Verhoeven, en sélection officielle.
Pendant toute la durée du festival, le magazine culturel proposera chaque jour de revenir, dans sa une, sur la montée des marches de la veille. Un sujet cinéma (Pedro Almodóvar, Jodie Foster, Marion Cotillard…), ainsi qu’un focus tourné à Cannes sur un film, un événement, un acteur ou un réalisateur (Xavier Dolan, Steven Spielberg, Woody Allen…) seront mis en avant et des personnalités comme Isabelle Huppert, Denis Podalydès, Nicole Garcia, Philippe Katerine raconteront leur meilleur souvenir du Festival de Cannes.
Diffusion : du lundi au vendredi à 20.20
C à vous
L’actualité cannoise sera quotidiennement relayée par l’équipe de C à vous.
Diffusion : du lundi au vendredi à 19.00