Les grands magasins nous proposent désormais de rapporter nos vêtements usagés en échange de coupons de réductions. Que se cache-t-il derrière cette pratique ? Sur le Front a remonté la filière des vêtements de seconde main. Quant aux habits déposés dans les bennes de collecte, il sont rarement proposés à des familles en difficulté, ils alimentent en réalité un business mondialisé.
Éditorial d'Hugo Clément - Journaliste
J’ai été surpris récemment de recevoir autant d’e-mails de marques de mode me proposant de reprendre mes vieux vêtements. C’est vrai que nous achetons 10 kilos de vêtements par an – c’est la moyenne pour les Français – et que nous avons tous des habits qui dorment au fond de nos placards.
Nous avons demandé aux marques ce que devenaient ces vêtements collectés. Impossible d’avoir une réponse claire : ils ne nous ont pas ouvert leurs centres de tri.
Nous avons alors décidé de cacher des balises GPS dans des vêtements et j’ai découvert la face cachée de la filière de seconde main. Alors qu’on pense faire une bonne action en donnant nos vieux habits, une grande partie de ces articles sont en fait revendus à l’étranger. La majeur partie d’entre eux n’aident pas des familles françaises en difficulté, mais sont exportés dans les pays pauvres où ils sont commercialisés. Et comme nous envoyons trop d’articles de très mauvaise qualité, beaucoup finissent leur long voyage dans des décharges à ciel ouvert et… dans les océans.
Nous savons tous que la mode est une industrie extrêmement polluante ; elle rejette deux fois plus de CO2 que tout le transport mondial aérien. Mais j’étais loin de me douter que même dans leur deuxième vie, nos habits continuent d’endommager les écosystèmes en polluant les cours d’eau et les plages africaines.
En même temps, j’ai pris conscience que le monde de la mode est en train de changer. Bien loin du greenwashing des marques de fast-fashion, de nouveaux créateurs militent pour des vêtements vraiment plus propres. Ils veulent produire moins et mieux. Dans le Tarn, un entrepreneur français a même inventé une machine révolutionnaire. Elle peut transformer n’importe quel vieil habit en fil pour fabriquer de nouvelles pièces.
Surtout, j’ai découvert que nous produisons de la matière première dans notre pays. Nous sommes en effet les premiers producteurs mondiaux de lin. Grâce à lui et à d’autres matières locales et végétales, nous pouvons nous habiller en réduisant notre impact sur l’environnement. Nous avons suivi un entrepreneur incroyable qui se bat pour relocaliser toute cette filière.
Séquences exceptionnelles
Des vêtements donnés à la Croix-Rouge sont revendus à des entreprises
Vous déposez vos vêtements dans une benne estampillée Croix-Rouge en étant convaincus qu’ils seront donnés à une famille dans le besoin près de chez vous. Ce n’est malheureusement que très rarement le cas. La majeure partie de ces dépôts est revendue sur des marchés…en Afrique. Mais ceux de trop mauvaise qualité sont jetés dans la nature et finissent par polluer les plages et les océans.
Immersion dans l’un des plus grands centres de tri de vêtements usagés
Tournage exceptionnel dans ce monde industriel. Nos vieux vêtements sont triés avant d’être exportés. Ce centre gigantesque en Belgique réceptionne 320 tonnes chaque semaine en provenance de la France et de toute l’Europe.
H&M récupère nos vieux vêtements contre des bons d’achat et les envoie… à l’étranger
Grâce à une balise GPS déposée dans un pantalon, nous découvrons que les habits déposés à H&M en échange de bons de réduction finissent en réalité dans le plus grand centre de tri de vêtements d’Europe, près de Berlin. Bien loin de la promesse de démarche éthique du géant du prêt à porter pas cher.
L’invention française révolutionnaire qui permet de recycler les fibres de nos vieux habits
Au fin fond du Tarn, un Français a mis au point une machine unique au monde qui permet de récupérer les fibres de n’importe quel vêtement pour en refaire du fil. Il fournit déjà plusieurs marques en France et aux États-Unis. Grâce à ce procédé, nos vêtements connaissent réellement une seconde vie.
EXCLUSIF : au Bangladesh, des stations d’épuration flambant neuves jamais utilisées
Les cours d’eau du Bangladesh sont pollués par les teintures utilisées pour la fabrication des vêtements portés dans les pays développés. Pourtant ce désastre pourrait être évité car des stations d’épurations ont été installées près des usines de textile. Mais elles ne sont pas en service car les entreprises ne veulent pas voir augmenter leur coût de production. Pour rester les plus compétitifs, ils continuent de polluer.
La France : premier producteur de lin au monde
Le lin produit en Normandie est envoyé en Asie pour être tissé et revient en France sous forme de bobines de fils. Pour mettre fin à cette absurdité, un homme a décidé de relocaliser cette industrie. Il a proposé à des salariés du textile à la retraite de faire redémarrer des machines tombées en désuétude.
Portraits et Verbatim
Julia Faure, 33 ans, créatrice de mode
Julia Faure a créé « En mode climat », un collectif d’acteurs du monde de la mode qui milite pour plus de régulation dans l'industrie textile. Elle a co-fondé une marque de vêtements éthiques et pourtant elle est la première à inciter les consommateurs à acheter le moins possible. Julia nous emmène au Bangladesh pour nous dévoiler la face cachée des usines du prêt à porter bon marché.
« Mon message c’est : arrêtez d’acheter des habits. Je préfère que tu uses tes chemises jusqu'à la moelle. »
Pierre Schmitt, 67 ans, entrepreneur
Pierre Schmitt ne rêve que d’une chose : faire renaître l’industrie textile en France. Cet infatigable entrepreneur Alsacien parcourt l’Europe pour récupérer de vieilles machines à tisser le lin. Il sollicite même des retraités français pour relancer une filière dans notre pays.
« Le textile a été le moteur de la révolution industrielle. Les nouveaux matériaux naturels seront le moteur de la transition écologique. La grande révolution c’est de créer une industrie textile qui n’est plus dépendante du coton, c’est-à-dire de l’étranger et d’utiliser de nouvelles fibres locales et écologiques. »
Cette ancienne créatrice de mode new-yorkaise a créé « Or Fondation » pour dénoncer une situation catastrophique au Ghana. Liz Ricketts a découvert que chaque semaine, 15 millions de vieux vêtements arrivent dans ce pays dont 40% finissent directement dans les décharges à ciel ouvert. Elle veut alerter le monde entier sur l’absolue nécessité de réduire notre consommation de vêtements.
« La seconde main sert d’excuse aux habitants des pays riches pour consommer toujours plus, sans se poser de questions sur les conséquences de leurs achats. »
Ridwan Haq, 34 ans, militant bangalais
Au Bangladesh, Ridwan Haq apporte de l’eau potable aux populations car elles ne peuvent plus boire celle des rivières, entièrement polluées par la production textile. Il nous révèle que les stations d’épuration toutes neuves installées près des usines ne sont pas utilisées. Les entreprises continuent de déverser les déchets toxiques et les teintures directement dans les rivières pour garder au plus bas leurs coûts de production.
« Augmenter un petit peu les prix permettrait de changer la vie de millions d’habitants. »
Présentation
Hugo Clément
Production
Winter Productions
Avec la participation de
France Télévisions
Production
Régis Lamanna-Rodat
Hugo Clément
Rédaction en chef
Pierre Grange
Réalisation
Jawar Nadi
Direction des magazines
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Patricia Corphie
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