Le Monde sous les bombes ©Cie des phares et balises

Le monde sous les bombes

De Guernica à Hiroshima
Documentaire - Inédit - Lundi 23 janvier 2017 à 20.55

De Guernica à Hiroshima, comment est née et a été appliquée, au mépris de toute humanité comme de toute logique militaire, une idée absurde et monstrueuse : c'est en bombardant les populations civiles que l'on peut gagner une guerre ! C'est ce que racontent Emmanuel Blanchard et Fabrice Salinié dans ce documentaire saisissant. 

Les premiers développements de l’aviation, au tournant du XXe siècle, ressemblent à l’accomplissement d’un vieux rêve poétique de liberté et d’affranchissement. À peine atteint, cependant, le rêve a viré au cauchemar. Le bombardement aérien a ses pionniers, tels l’Italien Giulio Gavotti qui, dès 1911, à bord de son biplan, largue à la main des bombes sur des villages de rebelles libyens. Il a aussi ses artisans : parvenu au pouvoir en 1933, Adolf Hitler comprend que l’arme aérienne sera l’outil de ses ambitions de conquêtes et fait en conséquence accomplir un bond technologique sans précédent à la Luftwaffe. Le bombardement aérien a son laboratoire : le 26 avril 1937, tirant prétexte du soutien nazi à la rébellion du général Franco, 24 bombardiers allemands larguent 40 tonnes de bombes sur la petite ville espagnole sans importance militaire de Guernica (7 000 habitants). Succès certain, quoique encore embarrassant... Il a enfin ses visionnaires : sorti sur les écrans en 1936, le film britannique Les Mondes futurs (Things to Come) de William Cameron Menzies (adaptant H.G. Wells) prophétise, dans une débauche des meilleurs effets spéciaux de l’époque, une guerre de bombardements frappant dans un proche avenir la ville d’Everytown (N’importe-quelle-ville). La guerre future amènera la terreur par les airs.
On connaît la suite. L’appel du président Roosevelt enjoignant les pays belligérants à épargner les populations civiles et pourtant la dévastation de Rotterdam par les Allemands, la reddition de Paris, afin de ne pas subir le même sort, etc. Maîtres de la France, les nazis veulent abattre l’Angleterre. Des raids aériens quotidiens sur Londres, Birmingham, Liverpool, etc., doivent faire basculer les civils dans la folie et la démoralisation. Il n’en sera rien. La stratégie du Blitz s’avère inefficace, voire contre-productive. Elle est abandonnée par les Allemands en mai 1941. Il est difficile d’expliquer que les Anglais, pourtant bien placés pour connaître son inefficacité, la fassent renaître dès 1942. Le maréchal de l’air Arthur Harris – bientôt surnommé « Bomber Harris » – est chargé par Churchill de diriger le pilonnage des principales villes allemandes. Des opérations, certes dévastatrices (ici 1 000 morts en un seul raid, là 350 000 habitations soufflées en une nuit), coûteuses en vies humaines (y compris celles des pilotes anglais), mais qui n’affaiblissent pas le régime nazi. La foi dans les bombardements demeure pourtant intacte.
Les Américains, après leur entrée en guerre, semblent un moment remettre en question cette croyance, au nom d’une recherche de la précision et de l’efficacité des frappes. Ils finiront pourtant par embrayer le pas. Comment libérer l’Europe en épargnant les civils « amis » ? C’est l’époque des arbitrages finalement vite réglés. 60 000 morts en France du fait des Alliés, 15 000 en Belgique : les populations, au sol, ont du mal à comprendre. La destruction d’une gare de triage vaut-elle mille vies ? Les militaires semblent avoir répondu. Cela donne la mesure de ce qu’on réserve aux ennemis. Le 14 février 1945, 1 300 bombardiers rayent la ville de Dresde – sans importance militaire – de la carte. 25 000 morts. Quelques jours plus tard, après la capitulation du Reich, les Alliés découvrent avec effarement que la production industrielle, dans une Allemagne couverte de 400 millions de mètres cubes de décombres, parcourue par 7 millions de sans-abris, était toujours en augmentation ! Et si tout cela n’avait servi à rien ?
Le dernier acte, pourtant, de cette histoire du bombardement aérien se joue au Japon. C’est celui de la consécration à la fois technologique et morale, de l’utilisation du napalm et de l’arme nucléaire à une échelle jamais atteinte dans l’histoire de l’humanité... et surtout de sa justification – au prix d’une réécriture de l’histoire, puisqu’on sait aujourd’hui que le Japon était vaincu avant Hiroshima – par la mystique du « mal nécessaire » : des vies anéanties pour en sauver d’autres. Des milliers de Guernica, en somme, sans plus d'embarras désormais ni guère de réprobation morale.

Christophe Kechroud-Gibassier

90 minutes. Documentaire
Un film d'Emmanuel Blanchard et Fabrice Salinié
Conseiller historique Patrick Facon
Voix Didier Bezace
Produit par Compagnie des Phares et Balises
Avec la participation de France Télévisions
Et de Planète +, RTBF, Al Arabya News Channels, Foxtel Networks, ICI RDI, RSI, Polsat, RTVS
Avec le soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée, du ministère de la Défense, de la Procirep et de l'Angoa

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