Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Quels rapports entretiennent-ils avec les femmes et leurs client(e)s ? Comment voient-ils leur masculinité ? Sans tabous, la réalisatrice Sarah Lebas est allée à la rencontre d’hommes qui vendent leurs charmes.
Ils s’appellent David, Jay ou Aymeric, utilisent parfois des noms d’emprunt, comme Prince. Hétéros, homos ou bisexuels, tous monnayent — par choix ou par nécessité — leurs services d’accompagnement, sexuels ou autres, auprès de clients féminins et masculins. Certains assument pleinement leur choix de vie, d’autres en souffrent jusqu’à en exprimer de la honte et à le cacher à leurs proches. On les a longtemps surnommés gigolos. Aujourd’hui, ils préfèrent s’intituler escorts. Mais quel que soit le terme employé pour les désigner, ils pratiquent, occasionnellement ou non, le plus vieux métier du monde. Plusieurs d’entre eux ont accepté de se confier à la réalisatrice de ce documentaire. À visage découvert ou anonymement, ils se confient sans tabous ni fausse pudeur.
Beatriz Loiseau
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Paroles d’escorts
Prince, ancien trader : « L’escorting, en ce qui me concerne, c’est être au service de la personne qui me paie. Elle me dit ce qu’elle veut que je fasse et je le fais, point. Ça va de rendre un mari jaloux à séduire une maîtresse, faire un massage, du shopping, du sexe… »
« Aujourd’hui les filles consomment comme des mecs. Internet est là, ça change tout. Tu peux commander un escort comme tu commandes un sushi. Les femmes ont le même appétit sexuel que les mecs, simplement, ce n’était peut-être pas assumé, maintenant ça l’est. »
Un fonctionnaire anonyme : « Ça restera un secret (…) je viens d’un milieu de province très conservateur, vieille France… Mener une double vie, dire des mensonges… c’est très fatigant psychologiquement. »
David, lycéen : « C’est quelque chose que je fais discrètement, je ne peux pas en parler. Ça m’est arrivé d’avoir le frigo et les placards vides, de ne pas manger pendant deux jours, (alors) j’essaie de me débrouiller. »
« (Les clients) ça peut aller de 22 à 61 ans, l’âge de mon grand-père. Là, ça devient un peu plus compliqué. Quand je n’ai plus de clients qui viennent à moi, je baisse mes tarifs et je ne me fixe plus à l’âge mais à l’argent. Tant que je suis payé à la fin, qu’il soit petit, mince, gros… »
« Après, je vais à la douche, je me lave deux ou trois fois, ça dépend, et puis je nettoie tout parce que leur odeur reste partout. J’ai besoin de ne plus les sentir. Je n’ai pas envie de me les rappeler. L’argent en main me donne le sourire : je peux payer l’électricité à la fin du mois, à manger… »
Jay, graphiste : « Ça ne m’a jamais dérangé d’être une espèce d’objet. J’ai toujours eu conscience de ma couleur de peau et je sais que pour cette population de la haute, ces petites minettes de l’avenue Montaigne, j’étais un peu exotique, ce Black qui sait parler, qui a un peu de culture… Je n’aurais pas eu autant de succès si j’avais été blanc. »
« Ça pouvait monter à 2 000-3 000 € la nuit. Quand tu fais ça deux ou trois fois par semaine, tu arrives facilement à des montants proches de 10 000 €. »
« Le pire qu’on m’ait fait, c’est de me demander de jouer l’esclave. Quand tu te retrouves dans un appart attaché, tu te dis “je suis tombé bas”. C’est ça qui me fait mal aujourd’hui : pour du fric et des sensations éphémères, je me suis retrouvé dans des situations sacrément humiliantes parfois. »
Aymeric, fleuriste : « Escort, c’est un boulot éphémère, c’est comme un plan cul, mais avec de l’argent de poche. »
« Le profil du client, c’est le mec marié qui s’assume pas et qui paie des escorts parce que c’est plus discret. Escort, c’est pas strass et paillettes (…). Tu couches avec un mec qui sort du boulot, à peine lavé, qui ne t’emmène pas dans des endroits beaux. Ça se passe en une heure et basta. T’es traité comme une merde. »
Hugo, artisan : « J’ai une entreprise et je fais ça en plus ; c’est un complément de salaire, (mais) j’ai du mal à avoir une relation et faire ce job, à concilier les deux (…). Quand je suis avec une cliente, je pense à la fille que j’aime, je me dis que c’est pas bien parce qu’elle n’est pas au courant. »
Documentaire
Durée 52 min
Auteure Sarah Lebas
Réalisation Sarah Lebas et Damien Vercaemer
Production Capa, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
Déconseillé aux moins de 10 ans
#LMEF