Mais de quel jeu parle-t-on ? L’adaptation de la pièce aux cinq Molière va nous l’apprendre dans ce vaudeville grinçant porté par des comédiens bien inspirés.
Claire et Bruno forment depuis 12 ans un couple établi, une “institution”. Au cours d’une journée à la campagne réunissant tous leurs proches, ils vont, par jeu, prétendre qu’ils se séparent. A leur grande surprise, ils s’aperçoivent que personne ne croit plus à leur couple. La famille et les amis se chargent de trouver de bonnes raisons à cette “rupture”.
Claire va prendre conscience de son insatisfaction et Bruno de la nécessité d’être plus vigilant à l’avenir. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Bruno
Il est amoureux de Claire comme au premier jour et sans doute jusqu’au dernier. Il a la triste capacité d’être tout simplement heureux. C’est un ami de la béatitude.
Intelligent, prévenant, sympathique, ouvert, bon camarade. Beaucoup de qualités, peu de passion… En un mot, c’est un « mari ».
Serge :
Vous avez toujours été une référence pour ma mère.
Bruno :
Pour les études ?
Serge :
Non, ça non.
Mais pour votre stabilité. Toujours au même endroit, le même boulot avec la même femme.
Pour ma mère ce sont des qualités. Bruno est en ligne droite, ce jour-là, il va louper un virage…
Claire
Du charme. Le genre de fille à qui on a envie d’adresser la parole puis de glisser une main sous la jupe. Ou inversement. Seulement, elle est en couple avec Bruno. Un vrai couple, on ne les imagine plus l’un sans l’autre.
Claire :
Regarde-nous, on fait bloc. On est toujours associés l’un à l’autre comme un couple de petits vieux. Comment veux-tu que je séduise d’autres hommes ?
Bruno :
C’est à moi que tu demandes des conseils pour séduire d’autres hommes ?
Claire :
Pourquoi pas ? Parce qu’un jour c’est toi que je n’exciterai plus. Est-il concevable qu’une fille aussi charmante ait terminé sa vie affective à 35 ans ? Non. Sa seule crainte dans l’existence : l’ennui. Souci que ne partage pas Bruno. Depuis douze ans, les copains de Bruno, la mère de Bruno, le cousin de Bruno, tout est à sa place. Il y aurait bien une solution…
Axelle
La meilleure amie de Claire, plus discrète, plus réservée, mais pas moins résolue pour autant… Sans se l’avouer, elle convoite la place de Claire. En fait, elle convoite Bruno et elle sait reconnaître les bonnes occasions.
Claire :
Elle attend son tour !
Bruno :
Son tour de ?
Claire :
Son tour ! Elle la guettait notre séparation. Comme une buse, elle tournait au-dessus de sa proie.
Bruno :
C’est qui sa proie ?
Claire :
Toi ! C’est toi ! « Il est facile d’esquiver la lance, mais non l’épée cachée ». C’est un proverbe chinois que Claire aura le loisir de méditer.
Serge
Bruno dit de lui que c’est « un gros con ». Expression lapidaire mais qui résume parfaitement
sa pensée. Il y a longtemps, ils avaient passé un bout de vacances ensemble, à Marlotte :
Serge :
Moi j’avais cette petite chambre.
Bruno :
Ah bon ? Non, on dormait ensemble dans celle-ci.
Serge :
Au début, oui. Mais comme on se battait et que vous m’aviez blessé à l’oeil, votre mère m’a installé là… J’étais bien tranquille.…
Serge a un avantage sur Bruno : il goûte l’art de la manipulation, donc de la séduction.
Soit on a envie de le gifler violemment, soit on tombe dans ses bras…
Patrick
Le cousin de Bruno. Si on disait de lui qu’il a tout raté dans sa vie, on prendrait le risque d’être en dessous de la vérité.
Bruno :
On le soupçonne même d’avoir provoqué l’Alzheimer de mon grand-père.
Claire :
En faisant quoi ?
Bruno :
Rien, en discutant avec lui. Méfie-toi ! Pas de chance avec les filles, peu de réussite dans les affaires et peu d’espoir d’embellie. Pourtant, il reste infailliblement joyeux. C’en est exaspérant.
Durée : 1h28
Réalisation : Bernard Rapp
Avec : Sandrine Kiberlain, Yvan Attal, Jean-Paul Rouve, Marina Foïs, Lionel Abelanski, Michel Vuillermoz…
Production : Arena Films, France 3 Cinéma, Everybody on deck, avec la participation de Canal+ et de Cinecinema
Année : 2004
Interview de Bernard Rapp
Comment avez-vous découvert la pièce "Un petit jeu sans conséquence" ?
J'étais en mixage de mon précédent film, en Belgique, lorsque Bruno Pesery m'a appelé en me demandant d'aller voir cette pièce dont il avait acquis les droits. Lorsque j'y suis allé, la salle était comble, comme chaque soir. Le public s’ amusait beaucoup de cette histoire de séparation, pourtant très cruelle. C'est cette cruauté, mélangée au rire qu'elle suscite, qui m'a beaucoup intéressé.
La transposition d'une pièce de théâtre au cinéma est un exercice difficile…
Dans la mesure où "Un petit jeu sans conséquence" repose sur un dialogue à la fois drôle et omniprésent, et où l'action est tenue à l'unité de temps (une journée) et de lieu (une maison), je devais m'appuyer sur ces caractéristiques. Ma démarche s'est inscrite dans une simplicité et une humilité qui avait pour but de laisser place à la performance des comédiens. Cela produit un sentiment de mise en scène classique que certains jugeront peut-être peu inventive. Mais je
me suis attaché à trouver du rythme en associant des plans presque toujours en mouvement (au steadycam) et en privilégiant l'accompagnement des acteurs. Au montage, j'ai choisi de laisser certains plans en longueur pour mettre parfois en valeur le rythme naturel de la comédie. En revanche, la règle était de ne jamais passer à côté d'un regard ou d'une intention comme savent en offrir les comédiens qui tiennent aussi bien leur personnage.