A vos pinceaux

À vos pinceaux - La Finale

Divertissement - Inédit - Mardi 17 janvier 2017 à 20.55

C'est l'heure de la finale pour À vos pinceaux ! Il ne sont plus que quatre artistes amateurs en lice à tenter de séduire le jury et espérer décrocher le sésame pour exposer ses œuvres au Grand Palais. Fabrice Bousteau, le juré critique d'art qui ne jure que par le style, nous explique pourquoi il a accepté de participer à cette émission unique en France et comment l'art peut changer notre façon de voir la vie. Entretien.

Comment ce projet d'émission s'est présenté à vous et pourquoi l'avoir accepté ?
BBC World m'a contacté pour me proposer de participer à cette émission. J'avoue que, même si je passe régulièrement dans les médias, j'avais des réticences face à ce qu'on pouvait appeler un jeu de téléréalité. Mais elles sont tombées quand j'ai compris que l'émission s'intéressait à des peintres amateurs. On estime à plus 2 millions le nombre de Français qui ont une pratique amateur du dessin, de la peinture. À vos pinceaux est la première émission de télévision en France, à une heure de prime time, à montrer l'art comme quelque chose de simple, de normal. On a réalisé les épreuves sur des sites, des paysages, des espaces très différents. Cette émission désacralise toutes les formes d'art, de l'impressionnisme au street art, et montre comment l'art fait émerger une énergie, un désir, un plaisir, un bonheur insoupçonnés qu'on a tous en nous.

Peut-on dire que l'un des enjeux de l'émission est de démocratiser l'art ?
Je suis profondément, intimement convaincu que l'art, à la fois par sa pratique et sa contemplation, transforme totalement un individu. Moi-même, lorsque j'étais adolescent et alors sans aucune culture artistique, j'ai été totalement bouleversé par une œuvre, l'Improvisation 14 de Kandinsky. Elle a transformé ma manière de penser, de voir et de vivre. Peu de choses peuvent faire ça. Produire une œuvre, c'est une manière d'exprimer sa pensée humaine, sa manière d'être. Je pense que, dans un certain futur, nous serons tous des artistes amateurs parce que l'art est, quoi qu'on en dise et quels que soient notre éducation, notre milieu social, très accessible. Beaucoup d'expositions permanentes sont gratuites, et, du fait de sa capacité à déranger, à déstabiliser, par une émotion, une très grande beauté ou un rejet, l'art nous atteint tous.

Avez-vous participé à l'élaboration des épreuves ?
Oui. Bruno et moi, on a élaboré les épreuves de façon à entraîner, challenger, former et susciter l'énergie créatrice des artistes amateurs. Au fur et à mesure, ils apprennent et commencent à se surpasser. De cette manière, on se rend compte que le contact de l'art, y compris pour les artistes amateurs, est bénéfique : plus on pratique, plus on devient meilleur, plus on cultive une vision de l'art. Je pense que c'est ce qui se passera chez les téléspectateurs.

Sur quelle épreuve avez-vous particulièrement aimé challenger les candidats ?
Sur le street art, à Toulouse. La majorité des candidats, à l'exception de 2 ou 3 d'entre eux, n'avaient jamais utilisé une bombe, un pochoir. Ils n'avaient jamais peint sur un mur. Ces nouveaux outils, ces nouveaux supports, ces nouvelles pratiques leur ont permis d'envisager de nouvelles manières de concevoir l'art. Je pense notamment à Martine, une jeune retraitée qui s'est révélée au cours de cette épreuve. La pratique du pochoir et de la bombe l'a totalement libérée dans son expression artistique. Elle qui faisait une peinture plutôt classique, plutôt plan-plan, s'est soudainement déchaînée au niveau des couleurs et des formes ; une nouvelle créativité a émergé.

Qu'attendez-vous d'un candidat pour qu'il fasse la différence ?
Il faut qu'il ait un style, une personnalité unique, différente des autres. Ce qui est intéressant chez les amateurs, c'est que, souvent, ils ont tendance à reproduire, à faire « à la manière de ». Quand un candidat explose, éclate, même si on n'est pas vraiment d'accord avec ce qu'il fait, on le remarque parce qu'il est différent. Ce qu'on attend d'un candidat, c'est qu'il apporte quelque chose qui va étonner, questionner. La technique, c'est important, il faut maîtriser les bases. Mais le génie ne relève pas de la technique, ça vient d'ailleurs. Un candidat va faire la différence en exprimant quelque chose qu'on n'a pas vu ailleurs, qui va perturber.

Le subjectif intervient-il dans le jugement d'une œuvre ? Est-ce que, dans le cadre de ce concours, vous avez eu des difficultés à juger ?
Non. Ce n'est pas difficile. C'est toute l'histoire de l'art qui le montre. Plus on a vu d'œuvres, plus il est facile de critiquer. Un historien d'art aura une analyse plus sérieuse, plus nourrie parce qu'il a dans ses références des centaines et des centaines d'œuvres. Plus on a vu d'œuvres, plus on sait ce qu'est l'art, où l'art va. Donc, cette subjectivité dont vous parlez est fausse. Quand on ne connaît pas ce qui a été fait avant, on a évidemment du mal à juger de la valeur de ce qu'on a en face de soi...

Vous avez été très ému par l'un des candidats...
Oui, Jordan a failli abandonner lors d'une épreuve. Il s'est retrouvé face à sa toile et s'est rendu compte lui-même que c'était raté. C'est normal de rater quelque chose, on passe tous par là, mais ce n'est pas une raison pour arrêter. Jordan en était presque à vouloir arrêter l'émission. Ce qui m'a ému, c'est qu'il s'est repris et est parvenu à faire quelque chose de réussi. C'est une philosophie de vie qui concerne tout le monde, ça dépasse l'art. On peut se tromper, on peut faire une erreur, on peut même se planter totalement, mais on a toujours cette capacité en nous de reprendre les choses en main et de réussir.

Un dernier mot ?
Je pourrais résumer cette émission par une phrase d'un grand artiste français décédé dans les années 80, Robert Filliou, qui disait : « L'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art. » C'est exactement ça. À vos pinceaux montre comment le contact avec l'art améliore notre vie. L'émission parle d'art, mais aussi de la vie, et montre comment l'art peut être un moteur essentiel dans la vie et rendre les gens heureux.

Propos recueillis par Aline Guyard

Présenté par Marianne James
Avec la participation de Fabrice Bousteau et Bruno Vannacci
Réalisé par Sébastien Zibi
Produit par BBC Worldwide France pour France 2
Producteur exécutif BBC : Géry Leymergie 

Fabrice Bousteau © Nathalie Guyon

Fabrice Bousteau / © Nathalie Guyon

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