Experts et économistes sont formels : dans les années à venir, 40 % des métiers d’aujourd’hui vont disparaître. À l’approche de cette période électorale, L’Angle éco se penche sur l’une des préoccupations majeures des Français, le travail. Un secteur en pleine mutation qui suscite bien des questions… Explications de Sébastien Vibert, rédacteur en chef aux côtés de Gilles Delbos.
Pourquoi avoir choisi de consacrer une émission au travail ?
Tout est parti d’une simple observation du monde qui nous entoure, où des métiers sont en train de disparaître à vitesse grand V : les secrétaires, les chauffeurs – avec l’apparition de la voiture connectée –, les photographes de quartier, les métiers juridiques, de comptabilité… Nous assistons aujourd’hui à une accélération du progrès, de la robotisation et du big data. Une puissance que l’on ne pouvait pas imaginer il y a encore quelques années. Des chercheurs ont même estimé à 40 % le nombre de professions qui allaient disparaître dans les 10-20 prochaines années.
Est-ce qu’il faut s’en inquiéter ?
104 000 postes de secrétaires ont disparu en 10 ans. Dans le secteur de la métallurgie, du textile, le chiffre se porte à 280 000. Ce phénomène s’explique non seulement par la concurrence chinoise mais aussi par la modernisation, la numérisation et l’informatisation. Avec les mails, par exemple, on n’a plus besoin d’envoyer une lettre avec un timbre. Ce phénomène, qui a débuté il y a quelques années, est en train d’exploser.
De tous temps, des métiers ont disparu…
Oui, c’est le propre de l’économie. Quand la voiture est arrivée, par exemple, les cochers ont disparu. Cette évolution a toujours eu lieu et n’est pas nouvelle. Sa rapidité est en revanche inédite. D’autant qu’elle touche toutes les économies du monde.
A contrario, les nouvelles technologies font aussi apparaître de nouveaux métiers…
Absolument. C’est l’autre versant de la révolution technologique. Pour ce numéro de L’Angle éco, nous sommes, par exemple, aller tourner un reportage chez Michelin, l’un des leaders mondiaux du pneu dans le secteur de l’industrie de l’innovation. Depuis l’après-guerre, ils sont parvenus à fabriquer de plus en plus de pneus avec de moins en moins d’ouvriers grâce aux progrès techniques. Si l’entreprise investit aujourd’hui dans des machines haut de gamme – qui lui fait gagner des parts de marché –, elle a actuellement besoin de superviseurs, d’électroniciens, de calculateurs, de gestionnaires pour faire fonctionner ces nouvelles machines en question. Du coup, Michelin emploie des salariés avec un niveau de qualification plus élevé, forme les gens, les fait travailler autrement. Et si cette transformation permet de supprimer la pénibilité de certains métiers, c’est peut-être un mal pour un bien. Ce n’est ni tout blanc ni tout noir. D’autant que certaines tâches exigent, encore et toujours, une qualification humaine.
Cette émission dresse donc un grand état des lieux du travail…
Oui, le travail est en train d’être bouleversé. Faut-il s’en réjouir ? S’en inquiéter ? Comment va t-on s’en sortir ? Nous nous sommes rendus dans une classe de BTS secrétariat, où les élèves apprennent là aussi à avoir des qualifications supérieures, à gérer des réunions, la communication. D’ailleurs, on ne les appelle plus secrétaires mais assistants manager. Nous avons également rencontré un photographe de quartier devenu… chocolatier ! Nous consacrons aussi un reportage à ceux qui ne supportent plus leur travail. Ceux qui, du fait de la suppression d’emplois, sont amenés à travailler plus… Ce regain d’activité se paye aussi : dépressions, troubles musculo-squelettiques… La disparition des métiers « casse » les salariés, provoque aussi une souffrance. À l’étranger, en Californie, dans la Silicon Valley, explose le « travail en miettes », ces contrats commerciaux ponctuels. Aux Pays-Bas, on a anticipé cette réduction de travail en le partageant. Le travail à la carte est à l’initiative du salarié. Au patron de s’adapter. Résultat : un salarié sur deux est désormais à temps partiel choisi, et non contraint.
Était-il important de consacrer une émission au travail à l’approche de la campagne présidentielle ?
Après la sécurité, le travail et le chômage restent une préoccupation majeure. Il s’agit de notre vie quotidienne. L’activité est au cœur de notre existence et impacte notre santé morale et physique. Et aujourd’hui, les règles ne sont plus tout à fait les mêmes. On ne fait plus de carrières linéaires, on ne travaille plus de la même manière. Le système est bloqué, et la révolution numérique va faire bouger les choses. Il faut que les politiques s’emparent de cette problématique et proposent des solutions. Voilà pourquoi L’Angle éco essaie modestement de montrer ce qu’il se passe ici et ailleurs.
Comment s’annonce cette nouvelle saison ?
Nous allons essayer d’être plus présents sur Internet. En l’occurrence, l’émission du 27 octobre va d’abord être diffusée sur le Net, le 21 octobre. Nous allons également davantage nous concentrer sur les grandes questions économiques françaises, tenter d’apporter notre contribution sur les grandes questions soulevées lors de la campagne électorale. Nous bénéficions de deux mois pour préparer une émission. Un temps précieux qui nous permet d’aller en profondeur, de prendre du recul, de rencontrer des acteurs économiques, à même de déceler les grandes tendances et de nous en parler.
Qu’est-ce qui fait la force de cette émission ?
Ce magazine est très « concernant » car il aborde les grandes questions à la fois économiques et politiques, au cœur des préoccupations des Français. Avant de rejoindre les équipes de l’émission cet été, j’étais rédacteur en chef adjoint au Journal de 20h et, chaque soir, une grande partie du journal était consacrée à l’économie : la fermeture d’une usine, la loi Travail… Tous ces thèmes passionnent les téléspectateurs. Il s’agit de notre vie quotidienne ! Et puis, François Lenglet est un excellent vulgarisateur pour décrypter les grands enjeux économiques. Il va sur le terrain, avec tout son bagage, ses connaissances, à la rencontre des acteurs de l’économie. Enfin, je trouve la réalisation très innovante. Graphiques, courbes, chiffres... Nous n’hésitons pas à attirer l’œil du téléspectateur et à nourrir sa curiosité et son intelligence. En bref, à essayer de comprendre, sans parti pris, ce qu’il se passe dans notre monde, avec tous les outils que nous offre la télévision d’aujourd’hui.
Propos recueillis par Céline Boidin-Lounis
Pour ce numéro de rentrée, diffusé d’abord sur le site web de France Télévisions le 21 octobre, puis sur France 2 le 27 octobre, L'Angle éco se penche sur la question du travail, en pleine mutation.
Le travail tel que nous le connaissons, c’est fini ! Il suffit d’ouvrir les yeux : caissières de supermarché remplacées par des bornes, secrétaires qui disparaissent des bureaux (104 000 postes supprimés en 10 ans), facteurs supplantés par les courriels et les applications de nos portables, métros et bus sans chauffeur, ouvriers remplacés par des machines… La liste est longue ! Robots dotés d’intelligence artificielle, logiciels aux capacités de calculs presque illimitées : c’est une révolution qui bouleverse tous nos métiers.
Experts et économistes sont formels : dans les années qui viennent, 40 % des professions d’aujourd’hui vont disparaître ! Des millions d’emplois supprimés, en France et dans le monde ! Mais aussi de nouveaux métiers à inventer… et des salariés à former ! Un incroyable défi. Faut-il s’en inquiéter ? Faut-il s’en réjouir si le travail qui fait souffrir disparaît ?
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Présenté par François Lenglet
Rédaction en chef : Gilles Delbos et Sébastien Vibert
Réalisé par Vincent Manniez