Charles le catholique 1958-1969

Les politiques Jean-Luc Méléchon, François Fillon, Florian Philippot, Razzy Hammadi, le philosophe Michel Onfray et les historiens Frédérique Neau-Dufour et Jean Bauberot explorent la manière dont Charles de Gaulle, fondateur de la V^e République, a inscrit la laïcité dans sa Constitution et comment, en tant que croyant, il a réussi à pratiquer sa foi exclusivement en privé. En témoignent les messes officielles auxquelles il a assisté au nom de la France sans jamais communier. « Il avait en effet le souci d’être un arbitre impartial au niveau des convictions philosophiques et religieuses de chacun », affirme l’historien Jean Bauberot.

Ce documentaire pertinent tente de définir les contours de la laïcité dans notre pays, « historiquement de tradition chrétienne », comme le soulignait Bernard Cazeneuve lors des États généraux du christianisme à Strasbourg le 3 octobre 2015. L’accent est mis sur le patriotisme et la foi du président de Gaulle dans une France en pleine décolonisation, sur les valeurs humanistes du catholicisme social qu’il a toujours défendues et portées, mais aussi sur les symboles, et particulièrement la figure chrétienne que représente Jeanne d’Arc, celle-là même qui a lutté pour sa foi et pour sa patrie. Selon l’historienne Frédérique Neau-Dufour, Charles de Gaulle s’est inspiré de « celle qui a réussi à maintenir l’espérance quand il n’y avait plus d’espoir ». Ce symbole mystique très fort a d’ailleurs été progressivement récupéré par le Front national. Aujourd’hui, à son tour, Emmanuel Macron s’en empare. En ce sens, Razzy Hammadi, le député PS de Seine-Saint-Denis, pense que « si la France ne se réapproprie pas ses symboles, nous serons dans l’incapacité d’affronter ce siècle qui s’ouvre ».

De Gaulle et les papes

L’enquête met aussi en lumière les liens étroits établis entre le président de Gaulle et le Vatican. Il est intervenu pour que Monseigneur Roncalli soit élu pape (Jean XXIII) et a marché main dans la main avec son successeur, Paul VI, pour placer comme priorité mondiale l’aide aux pays en voie de développement. De Gaulle fut dans les années 1960 le seul chef d’État à prôner une meilleure répartition des richesses et fut acclamé pour cet engagement dans le monde entier. Sa préoccupation majeure était de sauver l’Homme.

Inspiré par les encycliques des papes sur la doctrine sociale de l’Église, il s’est également attaqué au capitalisme financier, imposant la participation des travailleurs à la conduite et au résultat des entreprises.

Tout proche des hautes sphères de l’Église qu’il était, il a cependant imposé que l’école privée soit au service de la république et refusé que l’Église choisisse ses programmes scolaires. En ce sens, la loi Debré votée en 1959 place les écoles libres sous contrat avec l’État. C’est lui aussi qui, discrètement influencé par sa femme, a légalisé la contraception en 1967, avec la loi Neuwirth, abrogeant ainsi la loi de 1920, dans un climat de tension opposant partisans et adversaires de l’usage de la pilule.

L’enquête ne révèle pas grand-chose de la vie privée de cet homme pudique et digne, si ce n’est son détachement pour les fastes de la monarchie républicaine, sa demeure reculée à Colombey-les-Deux-Églises, sa chapelle privée et son troisième enfant, Anne : sa petite trisomique chérie décédée à l’âge de 20 ans. Elle était pour lui « un don du ciel ». D’où certainement son effroi devant l’extermination systématique des handicapés physiques et mentaux par Hitler.

Richement documenté, ce film montre que de Gaulle n’a pas voulu être un homme d’État chrétien, mais qu’il s’est évertué à agir en homme d’État et en chrétien. Dans le contexte politique et religieux actuel, l’homme providentiel du 18 Juin et le fondateur de la V^e République ne pourrait-il pas être considéré comme un exemple en matière de respect des principes de la laïcité de la République ?

France Hatron