« La légende dit que le volcan YASUR est à l’origine du monde, lieu sacré où se trouvent les pierres magiques du savoir ».
En Océanie, à Tanna dans l'Archipel du Vanuatu, la science, l'art contemporain, la littérature et la poésie puisent l'inspiration dans le souffle du volcan Yasur, un des plus actifs de la planète. C'est autour de cette énergie créatrice que Daniel Martin réunit des artistes européens, et un vulcanologue pendant cinq semaines de résidence où chacun se laissera investir par la puissance de ce lieu pittoresque. Des artistes vanuatais, notamment un dessinateur sur sable, Art classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, se joignent au projet. La rencontre de deux civilisations, à la source de toute création, élève une incantation « au ventre de la mère » porteuse d’espoir.
Film réalisé par
OSWALD DA CRUZ
Auteur
DANIEL MARTIN
Durée :
52 minutes
Producteurs
Les films du Yasur
Photos à retrouver sur phototele.com
© David Becker
Comment vous vient cette idée d’entraîner des artistes sur le cratère d’un volcan aux fulgurances redoutables ?
Originaire de Nouvelle-Calédonie, ma vie a toujours été partagée entre l’Europe et le Pacifique Sud. L’idée de créer un événement autour de l’art dans le Pacifique avec des artistes européens
m’habitait depuis longtemps.
Á l’origine, j’avais conçu le projet d’une manifestation itinérante « Migrations »© qui devait faire escale en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu, en Australie et en Nouvelle-Zélande et que j’ai finalement abandonné en raison du calendrier trop soutenu de la tournée. Il était primordial que les artistes aient suffisamment de temps pour bien s’ imprégner de l’environnement afin de s’immerger dans leur travail de création. Je me suis donc concentré sur une seule destination et mon choix s’est naturellement porté sur le Vanuatu, dont je suis le Consul depuis 1993. Le Vanuatu est un pays qui est humainement loin de toutes les préoccupations matérielles dans laquelle est plongée notre civilisation occidentale, et qui malheureusement n’épargne pas le monde de l’art. Je suis très attaché à cet archipel mélanésien aux coutumes millénaires et m’y rends fréquemment depuis de nombreuses années. Ce choix répondait aux attentes des artistes d’aller à la rencontre d’un peuple ancien, qui était en totale adéquation avec mon projet.
Ma vision de la création artistique naît de la pensée immédiate, que je qualifie d’éruptive. Je souhaitais confronter les artistes à la source de toute création, le magma terrestre et leur lancer un défi en les mettant en présence du volcan Yasur, au bord de son cratère en constante éruption. Je pense que les acteurs de cette expédition, qui fut une belle aventure, gardent et garderont longtemps l’empreinte de la lave en mémoire.
Les génériques de début et de fin sont explosifs, la voix du comédien Jean-Luc Debattice déclame deux poèmes de Frédéric Jacques Temple, parrain de l’expédition avec le peintre Jean Cortot, au son du violoncelle d’un jeune créateur, Gaspar Claus et vous dédiez ce film à Blaise Cendrars. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces choix ?
Je suis un admirateur de Blaise Cendrars et j’ai eu la chance de rencontrer Frédéric Jacques Temple qui fut son ami. J’ai l’intime conviction que Cendrars vivant, dont l’oeuvre est placée sous les signes du voyage et de l’aventure et le nom qu’il s’était choisi faisant allusion aux braises et aux cendres, nous aurait accompagné dans cette bourlingue d’exception. Quand j’ai fait part à Frédéric Jacques Temple
de ma décision de dédier le film à Blaise Cendrars et de mon souhait qu’il en soit le parrain, il m’a tout de suite donné son assentiment et m’a proposé d’écrire un poème inédit, « Le Volcan Yasur » afin qu’il soit
propulsé à la mémoire de « l’homme à la main amie », dans la fournaise du cratère. À mon retour, il m’a remis un deuxième poème « Sur un tapis volant », ce poème à l’intitulé magique, laisse entendre que Temple nous a suivi sur « les pentes lépreuses » du volcan, son écriture précède la réalisation du film et le ramène également soixante sept ans en arrière dans l’enfer de la terrible bataille du Monte Cassino. Pour le remercier de sa précieuse participation, j’ai demandé à Gaspar Claus de créer une oeuvre pour la bande son du film et de l’interpréter au violoncelle, instrument qui tient une place privilégiée dans la vie de Frédéric Jacques Temple. Le comédien Jean-Luc Debattice, déclame les poèmes de Temple avec justesse, sa voix est en parfaite résonance avec le volcan. Un livre de bibliophilie, édité aux éditions "Rencontres" par Philippe Coquelet réunit ces deux poèmes, enrichi de sérigraphies rehaussées du peintre Jean Cortot.
Comment avez-vous choisi les artistes du film ?
Depuis quelques années j’assistais à tous les événements artistiques et littéraires organisés au Centre d’Art & de Littérature de Montolieu, La Coopérative, dirigé par Philippe Coquelet, et qui s’est joint au projet en qualité de directeur artistique.
À l’occasion de ces rencontres, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec de nombreux artistes, et j’ai arrêté mon choix sur une vidéaste, plasticienne et performeuse, Chiara Mulas, et un poète écrivain imprégné de
chamanisme, Serge Pey. Chiara Mulas travaille sur les rites anciens de son île natale la Sardaigne, une île située aux antipodes ne pouvait qu’apporter à sa création un regard riche et novateur. Serge Pey, proche de l’ethno-poésie dont une performance m’avait impressionné, j’avais en effet remarqué sa façon très particulière de scander ses poèmes dans une rythmique qui me remémorait les danses traditionnelles des mélanésiens frappant la terre du pied. Marc Gerenton, plasticien et sculpteur m’a été
recommandé par Philippe Coquelet, qui connaissait bien le travail de cet artiste qui nous a rejoint et a su s’impliquer avec beaucoup de justesse dans sa perception du monde mélanésien. Pour la sélection des artistes ni-vanuatais, j’ai fait confiance à Georges Cumbo, Directeur de l’Alliance Française de Port Vila depuis vingt cinq ans. Il a fortement contribué à la réussite et au bon déroulement du tournage, sans lui le
projet n’aurait pas vu le jour. Il ne me restait plus qu’à demander à une personne hautement qualifiée d’acheminer sur le volcan Yasur plus de vingt personnes et d’assurer leur sécurité. Je ne connaissais
qu’un seul « acteur » ayant à la fois des qualités scientifiques et artistiques, mon ami de longue date, le volcanologue, Guy de Saint Cyr, qui est photographe et écrivain, avec l’âme d’un poète, il accepta de nous accompagner avec son enthousiasme habituel.
Quels sont les moments qui vous ont le plus marqués lors du tournage?
J’en vois deux. Le premier, c’est le jour de notre arrivée, sur le sommet du Yasur, nous sommes au bord du cratère, les fulgurances sont impressionnantes et redoublent de puissance, soudain une incroyable onde de choc glaçante, suivie d’une terrible explosion déchire l’air, des milliers de bombes magmatiques de toutes tailles sont propulsées à une hauteur vertigineuse et retombent du côté où nous sommes alignés, blocs de lave rougeoyants se déformant en de longues courbes ondulantes. J’entends la voix de Guy, forte et posée « ne courrez pas, gardez les yeux sur les objets qui viennent sur vous, restez calme, ne reculez pas, déplacez vous latéralement pour les éviter », l’adrénaline est au maximum, une certitude m’envahit, « nous allons avoir un drame » ! Les monstres de feu sont au dessus de nos têtes, des bruits sourds d’écrasements se font entendre, une lourde pluie de lave fumante retombe sur la pente du Yasur, 30 m derrière nous, un grand calme s’ensuit, je jette un regard autour de moi, toute l’équipe est debout silencieuse, pétrifiée, mais saine et sauve. « Grand père Yasur », comme le nomme les gens de Tanna, a décidé de nous protéger, nous partagerons trois semaines de vie explosive avec lui, sans aucun autre incident !
Le deuxième, a été notre rencontre exceptionnelle avec les sept clans de la tribu de Yenapuas, située au coeur des montagnes, où nous avons eu la chance d’être invité par Bosen Napu, originaire de ce village
traditionnel, vivant toujours selon les coutumes ancestrales, élève de David Becker photographe de notre expédition. À notre arrivée, nous avons été dirigé par le porte parole du village au centre du Nakamal, lieu sacré d’une écrasante beauté, entouré de bagnans géants où prennent place les grands événements coutumiers, dont les palabres, passage obligé des règles de bonne conduite dans la culture mélanésienne. En fraternisant par la symbolique des échanges de dons, de la danse et de la cérémonie du Kava mâché, nous avons été adopté par la tribu comme un clan ami. Cette extraordinaire et riche expérience avec le peuple ancien de Tanna fut un moment de grande émotion.
Lorsque Daniel Martin m’a contacté pour me faire part de son projet et me proposer de réaliser le film « Incantation au feu des origines », j’ai immédiatement été séduit par le caractère inédit et l’intérêt humain de l’aventure. Il m’a paru évident qu’un tel sujet s’accommoderait mal d’un traitement conventionnel et qu’il convenait d’apporter à la réalisation une vision singulière. J’ai souhaité réaliser ce film tournant autour de l’art, d’une manière contemplative qui mette en exergue la force créatrice de l’homme face à la puissance tellurique du volcan. Il était primordial que ma vision serve la création dans son déroulement, la caméra toujours au plus près des artistes afin de
saisir l ’essence onirique de leurs réalisations.
Mais également capturer leurs témoignages hors de la pression physique et mentale occasionné par l’acteur principal du film, le Yasur, lors de leurs performances. Le montage a été délibérément épuré, tandis que l’image, prend forme et s’anime sous nos yeux , le son, véritable métronome, cadence le film, accroît l’expérience sensorielle et sublime l’atmosphère du lieu et permet au
spectateur de s’imprégner du monde nivanuatais dans son authenticité et de partager pleinement l’aventure humaine et culturelle que ce projet a inspirée.
La biographie du réalisateur
OSWALD DA CRUZ
Oswald Da Cruz est né en France en 1983. Enfant, ses parents possède un caméscope, avec lequel il se prête au jeu de réaliser des petits films avec ses amis. Il abandonne ses études après son bac, et suit une formation d’horloger, pratiquant son métier avec rigueur et passion. Plus tard, il abandonne l’horlogerie pour suivre des cours d’art dramatique à l'école franco-américaine Acting International du metteur en scène et cinéaste Robert Cordier. Il séjourne aux États-Unis et s’inscrit à des sessions de travail dans de grandes écoles de théâtre telles que l’Actor Studio (New York), et la Lee Strasberg Institut (Los Angeles).
De retour en France, Oswald Da Cruz intègre la maison d’artistes Actor’s Factory. Il participe à des courts-métrages, tient des rôles dans des pièces de théâtre et films télévisés. Il s’implique avec ferveur dans le cinéma il se découvre un intérêt très vif pour la réalisation et décide d’en faire son métier. Autodidacte, il écrit, réalise et joue dans « LA MASSUE », court-métrage qui sera présenté au Festival de Cannes (2011), puis primé au Sunset Film Festival de Los Angeles (2012). En 2011, invité à se joindre à une expédition artistique montée par Daniel Martin qui lui confie la réalisation du film documentaire, «INCANTATION AU FEU DES ORIGINES», performances artistiques tournées sur le cratère du Volcan Yasur à Tanna, archipel du Vanuatu dans le Pacifique sud. Réalise en 2015 le documentaire« LA ROUTE ET LE TEMPS, l’oeuvre-vie de Frédéric Jacques Temple » actuellement en post-production, long métrage produit par la société Les Films du YASUR.
Les personnages du film par ordre d'apparition
Guy de Saint Cyr
Né à Lyon, en 1941.
Volcanologue passionné, a passé 40 ans de sa vie sur tous les volcans du monde. Il a un talent particulier pour partager son savoir et l’a prouvé avec succès avec 14 films diffusés, entre autres, sur Arte et France 5 en 2008, 2009 et 2010. Le Yasur fait partie de ses volcans favoris. Il s’y rend deux à trois fois par an. Guy de St Cyr a écrit plusieurs livres sur les volcans, le dernier paru D’un volcan l’autre.
Marc Gerenton
Né à Noyon, en 1961.
Plasticien et sculpteur. Après des études aux Beaux- Arts de Reims de 1979 à 1984, il obtient en 1990, le prix de la Villa Médicis hors les murs et en 1993, le prix de la Casa Velasquez. Il effectue plusieurs séjours en R.F.A. à Berlin en 1985 (bourse de l’OFAJ) et à Cologne en 1993. Depuis 1985, il expose régulièrement à des expositions personnelles et collectives en France, en Allemagne, en Angleterre, en Pologne, en Croatie, au Portugal, en Suisse et au Vanuatu.
Chiara Mulas
Née à Gavoi, en 1972, sur l’île de Sardaigne.
Vidéaste, photographe, performeuse, et plasticienne, Chiara invente un nouveau rapport à l’art contemporain, aussi bien dans les performances que lors de ses installations vidéos dans lesquelles elle se met en scène. Spécialiste des rituels de la mort et de l’euthanasie sacrée pratiqués jadis dans sa région de Barbagia, elle a réalisé plusieurs courts-métrages autour de cette problématique.
Serge Pey
Né à Toulouse, en 1950.
Poète, adulé pour ses performances chamaniques aux quatre coins du monde, ethno-poète et plasticien. Il est maître de conférences à l’université de Toulouse, où il enseigne la poésie. Explorateur des phénomènes de ritualisation du langage dans la pratique orale du poème, ce poète visuel rédige ses textes sur des bâtons avec lesquels il réalise ses scansions ainsi que des installations qu’il nomme «pièges à infini ». Il est un poète hors limite qui brise les frontières qui bordent le monde de l'art. Il est l'auteur d’une trentaine d’ouvrages.
Emmanuel Watt
Né en 1947 à Port-Vila sur l’île d’Éfaté, Vanuatu. Sculpteur Après avoir parcouru l’Europe pendant plusieurs années il rentre au Vanuatu en 1974. A son retour, il pose un regard nouveau sur son pays et prend lors conscience de la richesse et de la source d’inspiration infinie que sont les formes créées par la nature. En 1976, il expose ses premières oeuvres Dans les années 90, il participe avec l’association Nawita à de nombreux échanges internationaux avec la France, l’Australie, la Nouvelle-Calédonie et la
Chine. Il est le premier artiste contemporain Ni-Vanuatu. Son travail et sa recherche sont un hommage à la nature.
Georges Cumbo
Né à est né à en 1966 à Casablanca (Maroc).
Georges Cumbo est marié et père de 3 enfants. Il a grandi à Aix-les-Bains et a fait ses études à l’Université de Savoie où il a obtenu une Maîtrise de Lettres modernes et de Linguistique. Il est arrivé au Vanuatu en 1991 en tant que Volontaire du Service National. Il a alors enseigné le français au Lycée Bougainville, à l’INTV et au CMFS qui allait ensuite devenir l’Institut de Formation des Enseignants du Vanuatu. Au terme de son service national, il a été recruté par l’Alliance française de Port-Vila qui venait d’être créée.
Il en est le directeur depuis 1994. Il a ainsi participé à son développement et à la diversification de ses actions. Il est également le Délégué général de la Fondation Alliance française au Vanuatu. Persuadé que le milieu associatif est un vecteur essentiel de socialisation et de développement, il s’est impliqué dans la création et le management d’associations (Fondation Suzanne Bastien, Fédération nationale de Musique, Fédération nationale de Judo, Comité national de la Francophonie…). En 2007, il a été nommé au grade de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres. En mai 2014, Georges Cumbo a été élu Conseiller consulaire des Français du Vanuatu.
Sero Kuautonga
Né en 1961 sur l’île de Futuna, Vanuatu.
Peintre, seul représentant de l’art abstrait dans son pays.Il entreprend des études artistiques et fait partie dés 1984 du premier cercle des jeunes artistes Ni-Vanuatu à l’origine de l’association Nawita, dont il actuellement Président. L’année suivante il expose au Centre Culturel du Vanuatu, sa carrière le mène ensuite en Nouvelle-Zélande, à Tonga en France et en Suisse. A travers ses peintures, Sero aborde des sujets qui le touchent, comme le réchauffement climatique, mais aussi les problèmes liés à la vie quotidienne.
Juliette Pita
Née en 1964 sur l’île d’Erromango, Vanuatu.
Peintre, spécialiste du tapa. Au collège son professeur l’oriente vers le dessin, elle décide alors de poursuivre sa scolarité au Lycée d’Enseignement Professionnel de Port-Vila. Elle y affirme son goût pour l’art et s’inspire d’Erromango, son île natale, pour se lancer dans la création contemporaine. Elle apprend
la technique du tapa et réalise ses premières oeuvres en 1980, devenant la première artiste Ni-vanuatu à maîtriser ce savoir. Elle collabore ensuite avec l’association Nawita et expose avec divers artistes à partir de 94, notamment lors d’expositions en Australie, Nouvelle-Calédonie, Suisse, Angleterre et France.