Temps fort
Elle est depuis quarante ans la plus pop-rock des chanteuses des variétés françaises. À travers les témoignages de ses proches et des archives inédites, Laurent Delahousse raconte le parcours intime et artistique de Véronique Sanson, avant de la recevoir pour un entretien.
De la pop, elle a pris le meilleur et le pire. L’intensité, la liberté... mais aussi les excès et les gouffres. Née dans le XVIe arrondissement parisien dans une famille de la bourgeoisie – parents anciens résistants gaullistes, plutôt stricts mais mélomanes –, Véronique Sanson n’est encore en 1972, telle qu’elle se présente à Denise Glaser lors de l’un de ses premiers passages à la télévision, qu’une « jeune fille sage qui écrit des paroles et de la musique et qui les chante ». Remarquée à 17 ans par un producteur alors qu’elle participe à un éphémère trio musical avec sa sœur et un ami, elle sort un premier album. Son directeur artistique s’appelle Michel Berger. Leur collaboration est à la fois le début d’une carrière et celui d’une grande histoire d’amour. La jeune femme a un ton personnel, un son anglo-saxon, un voix et un vibrato qui ne ressemblent à personne.
La même année, Véronique Sanson croise la route du chanteur et guitariste américain Stephen Stills (Crosby, Stills, Nash & Young, Manassas...), alors en tournée. Coup de foudre mutuel, passion, emprise amoureuse. Il est beau, talentueux, follement rock’n’roll. Elle le retrouve en secret, le rejoint à Londres, s’enfuit le retrouver à New York. En mars 1973, elle l’épouse. Pour le meilleur et pour le pire. « Il en est qui laissent des poisons, d’autres des remèdes. Difficiles à déchiffrer. Il faut goûter » : René Char. Les tournées, les amis, la musique, une vie de fêtes et d’excès, mais aussi la solitude d’un ranch perdu dans les montagnes Rocheuses. Il y aura des bons et des mauvais jours. Parfois, ce seront les mêmes. Stills est maladivement jaloux, il carbure à la cocaïne, il est violent. Les choses iront jusqu’à un couteau planté dans la main. Et puis, un album sombre où elle évoque sa vie et le poids de la culpabilité envers celui qu’elle a abandonné et avec lequel une sorte de dialogue se poursuit par chansons interposées – il écrit Seras-tu là ? Elle écrit Je serai là... Et puis, un divorce, ou plutôt une bataille judiciaire à l’américaine pour obtenir la garde de son fils et le droit de le ramener en France. Mais le dialogue lointain avec Michel Berger se brise en août 1992. Le chanteur meurt d’une crise cardiaque. L’année suivante, Stills et Sanson enterrent la hache de guerre. Père, mère et fils se produisent ensemble en concert à Los Angeles.
Les années 1990 et 2000 seront chaotiques. Doutes, angoisses, panne d’inspiration, mariage raté, le tout ponctué de retours sur scène où elle semble revivre et où elle se met à nu – « Je me suis tellement manquée / Je me suis tellement fait mal » –, à sa manière, à la fois pudique et franche. Avant de replonger. Avec les années, l’alcool, puisqu’il faut appeler un chat un chat, est devenu nettement moins festif...
Celle qui témoigne face à Laurent Delahousse semble avoir réussi à repousser ses démons. Mais elle ne renie rien de sa drôle de vie rock’n’roll, de ses passions, de ses contradictions. Si c’était à refaire, il faudrait juste s’y prendre un peu autrement. Et il est finalement une addiction dont elle se dit loin d’être guérie : celle de la musique et de la scène.
C.K.G.