Anne Fontaine adapte Perfect Mothers, une nouvelle de Doris Lessing (sortie en France en 2005 sous le titre "Les Grands-mères"). Le portrait de femmes engagées dans des liaisons passionnelles cachées et croisées, chacune éprise du fils de l'autre. Pour l'occasion, elle dirige Naomi Watts et Robin Wright. Avec leurs interprétations subtiles de ces amours transgressives, les deux actrices n’hésitent pas à se révéler sous un nouveau jour...
Lil et Roz sont deux amies d’enfance. Les maris absents, elles s’éprennent de leurs fils respectifs...
Amies depuis l’enfance, Lil et Roz vivent en parfaite osmose. Mariées au même âge et aussitôt mères de« deux petits garçons blonds, adorables, on aurait dit qu’ils étaient frères ». Les deux femmes partagent tout, beauté, confort, argent, métier valorisant, Narcisses en fleurs qui se délectent de leur propre reflet. Dans cet Eden balnéaire où la plage, le soleil et les nourritures terrestres rythment l’existence, les enfants bientôt grands, jeunes Dieux à la beauté quasi surnaturelle, prolongent cette belle ordonnance dont les maris absents- l’un mort, l’autre parti ailleurs -, sont exclus.
Inexplicablement, et pourtant comme à l’évidence, chaque femme se rapproche du fils de l’autre, nouant avec lui une relation passionnelle. Parfaites belles mère et parfaites grand-mères en apparence mais toujours passionnément transgressives. Car dans cette histoire folle, l’amour est plus fort, et leurs amants sont aimants.
A l’abri des regards, le quatuor va vivre une histoire hors norme jusqu’à ce que l’âge vienne mettre un terme au désordre. En apparence, du moins…
Un film d'Anne Fontaine (1h52 - 2013)
Nationalités Français, Australien
Avec Naomi Watts (Lil), Robin Wright (Roz), Xavier Samuel (Ian), James Frecheville (Tom), Ben Mendelsohn (Harold), Sophie Lowe (Hannah), Gary Sweet (Saul), Jessica Tovey (Mary),…
Genre drame
C’est en Australie et avec des actrices anglo-saxonnes que la réalisatrice française Anne Fontaine a adapté la nouvelle de Doris Lessing. Elle raconte la genèse du film, le tournage en Australie et son casting.
D’où est née l’idée d’adapter la nouvelle de Doris Lessing ?
Dominique Besnehard est arrivé un jour avec l’édition française des « Grand-Mères ». « C’est un sujet pour toi », m’a-t-il dit. J’ai tout de suite été conquise par ce quatuor néo-incestueux. J’y voyais l’opportunité de dépasser le thème de la triangulation, une des obsessions qui courent dans mes films. Je me suis mise au travail avec le projet d’adapter la nouvelle en France. Je sentais profondément que ce sujet devait se dérouler dans un cadre d’une beauté éclatante. Il y a vraiment l’idée du paradis perdu dans la nouvelle de Doris Lessing. Et finalement, j’ai tourné le film en anglais, parce que cela correspondait beaucoup mieux aux personnages et à leurs situations.
J’étais particulièrement intriguée par l’origine de la nouvelle de Doris Lessing. Avant de la rencontrer, j’ignorais qu’il s’agissait d’une histoire vraie. Et cette information m’a guidée tout au long du film. Durant trois ou quatre nuits de beuverie, un jeune Australien, ami des deux héros, lui avait raconté par le menu leur histoire d’amour avec leurs mères respectives. Comment les deux femmes avaient grandi ensemble dans un rapport quasi homosexuel ; comment elles avaient ensuite poursuivi ce rapport avec leurs fils. Doris insistait beaucoup sur la jalousie que le garçon éprouvait à l’égard de ses deux amis : il jugeait idyllique la relation qu’ils avaient vécue.
En l’écoutant, je me suis sentie confortée dans mon désir : réussir à mettre le spectateur dans le même état d’esprit que celui du jeune Australien. Qu’il soit suffisamment envoûté par l’histoire pour transcender le point de vue moral. Je voulais l’installer dans une atmosphère presque surnaturelle, faire en sorte que ce soit presque trop beau. Créer une légère anesthésie pour que, petit à petit, on découvre en dessous, comme des pelures d’oignon, le sentiment de solitude de ces deux femmes, quelque chose de douloureux qui se désintègre.
Pourquoi avoir choisi de tourner en Australie ?
Outre ses paysages magnifiques, l’Australie évoque un sentiment à la fois universel et intemporel. On ne sait jamais très bien où on est (en tout cas, du point de vue des étrangers), ni à quelle époque. Notre directrice de casting à Sydney, Nikki Barrett, dit d’ailleurs : « Ce n’est pas vraiment un pays, mais une réalité parallèle... », ce qui est très bien vu. Mais l’Australie est aussi un lieu vraiment sauvage, et il était évident que la nature devait participer à la sensualité des personnages.
Il passe dans le film une sensualité folle. On a vraiment l’impression que la caméra est entre l’eau et la terre.
Cela crée un sentiment de volupté. J’adore l’eau, la mer... J’ai toujours trouvé très érotique de voir une épaule de femme (ou d’homme) sortir de l’eau. L’environnement australien contribue aussi à rendre cette sensualité. Il y a cette sensation d’être au bout du monde, plongé dans une nature exacerbée, ensorcelante, et parfois presque irréelle. C’est un personnage à part entière du film. Et il y a ce ponton, le lieu récurrent où, depuis l’enfance et donc comme innocemment, les corps se retrouvent.
Naomi Watts et Robin Wright sont très étonnantes dans le film. Comment les avez-vous choisies ?
Il me fallait créer un couple, qu’il y ait une gémellité entre les deux femmes quoiqu’elles soient très différentes : Roz est une sorte de commandant en chef ; Lil est plus fragile, moins cérébrale. Lors de notre rencontre, Doris Lessing m’avait mise en garde : « Ne prenez pas des actrices trop vieilles ! Pour que le côté sexuel de l’histoire ne vire pas au sordide. ». C’était encore une indication à aller vers le beau.
J’ai envoyé assez vite un premier traitement du scénario à Naomi Watts qui s’est montrée emballée. Elle savait que j’avais travaillé avec Isabelle Huppert qu’elle connaît très bien, j’ai senti qu’elle me ferait confiance. C’est Julianne Moore qui, la première, m’a parlé de Robin Wright. J’adore cette actrice mais j’ai mis un peu de temps à me décider. Jusque-là Robin n’avait joué que des rôles de victimes et je craignais son côté mélancolique. Dans sa nouvelle, Doris Lessing insiste beaucoup sur le fait que le personnage de Roz lutte en permanence contre la mélancolie. Allais-je être capable de l’emmener vers quelque chose de plus solaire ? Pour compliquer les choses, d’autres grandes actrices, s’étaient montrées intéressées par le film. Ça a été le casting le plus long et le plus difficile qu’il m’ait été donné de faire.
Et James Frecheville et Xavier Samuel, les deux acteurs australiens qui interprètent Tom et Ian ?
Le processus a été assez long, là aussi. D’abord parce qu’on ne trouve pas si facilement des « fils » à ces deux femmes-là... Robin et Naomi, outre leurs évidentes qualités d’actrices, ont une aura physique qui sort de l’ordinaire. La caméra ne les aime pas par hasard... Leurs « enfants » devaient donc avoir une présence singulière, et pouvoir exercer une sorte de fascination immédiate. Et la transgression centrale du récit se nourrit de l’effet de « miroir filial » : Roz cède à Ian parce que, entre autres raisons, celui-ci ressemble à Lil, parce qu’il est beau et attirant comme elle. Idem pour l’autre « couple »... En outre, il était indispensable qu’ils aient eux aussi des tempéraments très différents. James est plus animal, Xavier, plus cérébral. J’avais repéré le premier dans Animal Kingdom, dans lequel il joue un jeune homme pris au piège d’une famille de criminels. Xavier Samuel a davantage d’expérience : il a notamment tourné dans Twilight. J’ai beaucoup travaillé avec eux avant le tournage - les acteurs anglo-saxons ont un peu tendance à surjouer. Mais j’ai été étonnée par la façon dont ils arrivent préparés sur un film : je n’ai jamais vu un tel investissement en France.