À l’occasion de la grande exposition « René Magritte – La Trahison des images », qui se tient au Centre Pompidou jusqu’au 23 janvier 2017, ce documentaire inédit propose un parcours dans l’œuvre picturale de l’un des peintres les plus populaires du XXe siècle.
« J’avais enfin trouvé ce qu’il fallait peindre et je m’y suis tenu. Mes tableaux sont des pensées visibles, formées exclusivement par les figures que le monde m’offre. Ces figures sont réunies dans un ordre qui évoque le mystère. » En 1923, René Magritte (1898-1967) découvre dans une revue une reproduction du Chant d’amour de Giorgio De Chirico. « Il a été très impressionné, à tel point qu’il en a eu les larmes aux yeux », témoigne sa femme Georgette, disparue en 1986. Bouleversé, l’artiste belge comprend qu’il est possible de « penser en images » et de les assembler. Un choc fondateur qui pousse Magritte à quitter son pays natal pour se rapprocher des surréalistes parisiens. En 1927, il s’installe en banlieue, au Perreux-sur-Marne. Pourtant Magritte reste en marge du groupe et est soigneusement écarté de toute publication pendant deux ans. Créé et animé par des poètes (Breton, Éluard, Aragon, Artaud, Desnos, Queneau…), le surréalisme affirme la prédominance du mot sur l’image. Pour l’écrivain Pierre Naville, « il ne saurait exister de peinture surréaliste ».
Jeux de mots et jeux de sens
En réponse, l’artiste signe La Trahison des images, dans laquelle il montre le décalage entre un objet — une pipe devenue mondialement célèbre — et sa représentation. Il multiplie alors les jeux de mots et les jeux de sens. Dicté par un questionnement sur le statut des images et des mots, chaque tableau est une expression de la mécanique de la pensée.
Au début des années 1930, ses réalisations témoignent d’un renoncement à l’arbitraire et deviennent aussi précises qu’une formule mathématique. Elles sont les réponses à ce que Magritte nomme un « problème », c’est-à-dire la résolution méthodique d’une équation visuelle entre « trois données : l’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de [l]a conscience et la lumière où cette chose doit parvenir ».
Une recherche rigoureuse que l’on retrouve aussi dans les titres de ses toiles auxquels le peintre prête un intérêt majeur. « Il faut qu’il surprenne aussi le spectateur. Qu’il corresponde au tableau, non pas d’une manière rationnelle, logique, mais poétique », explique-t-il. Dans Le Mois des vendanges, Le Tombeau des lutteurs, Le Bal masqué, La Folie des grandeurs, Les Vacances de Hegel… chapeaux, grelots, nuages, rideaux, souliers, oiseaux, portes, fenêtres peuplent une œuvre insolite et énigmatique. « Il ne s’agit pas pour lui de dire que nous vivons dans un monde fantastique, analyse Chaïm Perelman, philosophe. Le quotidien est un univers mystérieux, mais nous sommes tellement habitués à vivre avec lui que nous ne nous en rendons pas compte. Le rôle du poète est de susciter l’existence de ce mystère en chacun d’entre nous. »
Amandine Deroubaix
Documentaire
Durée 52 min
Auteurs Didier Ottinger et Sylvain Bergère
Réalisation Sylvain Bergère
Production Artline Films et le Centre Pompidou, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
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