LA CONSOLATION
Soirée continue

La Consolation

Fiction suivie d'un documentaire et d’un débat animé par Carole Gaessler
Fiction - Mercredi 22 novembre 2017 à 22:10 - Sur Mayotte 1ère

Sacré meilleur téléfilm au Festival de la fiction TV de La Rochelle 2017, la libre adaptation de l’autobiographie de Flavie Flament, La Consolation, est portée par la saisissante interprétation de Léa Drucker, magistrale dans le rôle de la mère perverse. La fiction sera suivie du documentaire Viols sur mineurs : mon combat contre l'oubli et un débat animé par Carole Gaessler.

Flavie, la quarantaine, est animatrice de télévision. Un soir, avant de prendre l’antenne, elle s’effondre, terrassée par des vertiges dont elle souffre depuis longtemps. Le psychanalyste qu’elle consulte lui propose d’apporter un album photo de son enfance. Ainsi, Flavie peut dérouler sa vie d’adolescente. Au début des séances, elle évoque sa famille tout à fait normale, ses vacances heureuses au bord de la mer. Puis, des détails lui reviennent sur sa mère toute-puissante, sur son père dont elle n’a pas beaucoup profité. Sa mère, une insatisfaite permanente, frustrée, malheureuse et manipulatrice, s’est montrée pleine d’ambition pour elle, lorsqu’elle était une jolie petite blonde au charme discret. Cette mère l’a admirée autant que maltraitée, à coups de paroles cinglantes et de régimes draconiens, la transformant ainsi en objet du désir, en proie facile pour les hommes d’âge mûr et plutôt célèbres. Ceux-là même qu’elle aurait rêvé de mettre à ses pieds pour vivre sa propre vie par procuration. Chez le psy, c’est une photo Polaroid échappée d’un album où pose Flavie à 13 ans qui va lui raviver la mémoire... Elle est signée David Hamilton. La photo montre Flavie en robe décolletée fluide, l’été de ses 13 ans, celui où il l’a violée.

LA CONSOLATION

Soirée continue dans le cadre de la mobilisation contre les violences faites aux femmes dans l’espace familial et intime

Fiche technique La Consolation
Avec Léa Drucker, Lou Gable, Émilie Dequenne, Philip Schurer, Xavier Mathieu, Hervé Pierre 

D’après l’ouvrage de Flavie Flament aux Éditions Jean-Claude Lattès


Adapté par Magaly Richard-Serrano et Flavie Flament

Réalisé par Magaly Richard-Serrano

Produit par Nicole Collet, Image et Compagnie, avec la participation de France Télévisions – TV5 Monde

Durée : 90'

Crédit : GUYON Nathalie

 

Qu’est-ce qui vous a convaincue de prendre part à cette fiction ?

L. D. : Plusieurs paramètres m’ont attirée. D’abord, je connaissais et appréciais le travail de la productrice du film, Nicole Collet, avec laquelle je n’avais jamais encore collaboré. Puis la participation de la réalisatrice Magaly Richard-Serrano, qui m’avait déjà dirigée dans Crapuleuses (sur France 2, en 2013), et son engagement dans la coécriture du scénario aux côtés de Flavie Flament ont fini de me convaincre. Le livre de Flavie m’avait beaucoup touchée, surprise aussi, car plus qu’une plainte, elle y décrit surtout le passage de l’enfance à l’âge adulte dans un contexte familial tragique. J’étais à la fois confiante et intriguée par la manière dont Magaly allait mettre en images l’adaptation de l’histoire de Flavie. C’est une cinéaste très intelligente, sensible, je savais qu’elle n’irait jamais vers quelque chose de voyeuriste, de graveleux.

Comment avez-vous composé votre personnage ?

L. D. : Je ne voulais pas juger cette mère, en la prenant de haut, en montrant mon point de vue moral sur cette femme, ce n’était pas intéressant et surtout pas la question. Il fallait que j’endosse ce rôle en comprenant ce qui fait que ce qu’elle dit soit possible quand elle traite sa propre fille de « boudin », de « moche »… Je devais trouver la porte d’entrée de ce personnage et adopter un point de vue qui me permette de le justifier. En gros, c’est un travail presque d’avocat. Un acteur doit trouver la chair du rôle qu’il incarne, son cœur. Et le personnage de Ghislaine en a un. Il m’a même touché. Sinon, je n’aurais pas pu l’interpréter. Comme Flavie nous a laissé beaucoup de liberté dans le scénario – il ne s’agissait pas de faire un copier-coller de tout ce qu’elle avait vécu –, j’ai donc cherché à faire vivre ce personnage à ma façon, de lui construire une psychologie qui pouvait me parler, à laquelle je pouvais m’identifier. J’ai imaginé ses rêves, ses motivations. Pour moi, Ghislaine est une femme frustrée, complexée. Elle ne se sent pas forcément jolie alors qu’elle a une fille qui, elle, l’est. À travers Flavie, elle peut vivre quelque chose qu’elle aurait voulu connaître. Ce rêve prend une place dévorante et, lorsqu’un obstacle se présente, celui-ci la plonge dans une profonde détresse et l’amène à une certaine folie, à des situations catastrophiques sur lesquelles elle ferme les yeux ; elle s’accommode en faisant de petites négociations avec elle-même. Je pense que consciemment elle ne veut pas détruire son enfant, mais, en même temps, elle ne veut pas voir ce qui peut nuire à ses ambitions personnelles. Il y a de l’amour, de la tendresse, mais c’est une femme qui aime résolument mal.

Son comportement, ses propos, sont parfois tellement surréalistes qu’on a envie de rire. Vous en aviez conscience en l’incarnant ?

L. D. : Oui, c’est très étrange comme le rire est aussi une défense, une façon de se protéger. Le personnage de Ghislaine est capable de dire très sérieusement des phrases complètement dingues. Il nous arrivait parfois d’éclater de rire sur le tournage. Quand elle dit à Flavie « Tu crois que je vais t’emmener à Codec avec moi ?… T’es grosse, t’es moche, tu finiras caissière de toute façon… J’ai honte de me trimballer un boudin comme toi », elle le lâche avec une telle violence. Ou « si j’avais eu ta gueule, ma fille, ou toi, mon intelligence »… c’est tellement fou et démesuré.

Pour interpréter Ghislaine, en aucun cas je me disais « je vais jouer une scène comique ». Il fallait absolument être convaincu de ce que je racontais pour que cela passe, sinon c’était grotesque. Je pense que le résultat est « drôle », parfois parce que c’est cruel, et que la cruauté fait parfois rire. Mais dans le fond, si des situations peuvent apparaître comme surréalistes, elles ont hélas vraiment existé. C’est une femme tellement animée par cette obsession de réussir, de briller, que cela la conduit à faire n’importe quoi, et parfois c’est tragiquement drôle.

Comment s’est passée votre collaboration avec Lou Gable, la jeune comédienne qui interprète Flavie ?

L. D. : Notre binôme a extrêmement bien fonctionné. Lou a été une partenaire idéale, je n’aurais jamais pu construire mon personnage sans elle. Concentrée, à l’écoute, réactive, elle m’a vraiment facilité les choses. Je redoutais que les situations ne soient pas toujours crédibles entre la mère et la fille, mais Lou parvenait à rentrer immédiatement dans le jeu, le comprenait et répondait avec subtilité à ce que je lui proposais, comme si elle avait fait ça depuis vingt ans. Elle a un rapport très rigoureux et sincère au jeu. Sur les scènes où elle devait se dénuder devant David Hamilton (Philip Schurer), on s’inquiétait toujours de savoir comment elle allait les prendre en charge. Lou était toujours juste et à la bonne place. Malgré sa jeunesse dans le métier, elle a fait preuve de beaucoup de professionnalisme et d’intelligence. Quand on joue la comédie, il y a toujours un moment où il faut un peu se sacrifier, dépasser ses limites, elle a très bien intégré cette nécessité et l’a fait de manière très généreuse. De même, dans le personnage que j’interprétais, je ne pouvais pas me laisser aller à trop de sentimentalisme, trop de chaleur sur le plateau, et en même temps je savais qu’on avait parfois besoin de rigoler, donc je ne me gênais pas. Lou a très bien compris ce décalage. C’est une comédienne, j’en suis convaincue.

Participer à ce film, est-ce aussi pour vous une manière de rompre le silence autour de ces drames, de libérer la parole ?

L. D. : Le combat de Flavie sur l’allongement du délai de prescription des crimes sexuels commis sur mineurs est essentiel. Alors, sûrement, ce n’était pas conscient au départ quand j’ai décidé de prendre part au film, mais ma participation est un engagement personnel sur un sujet qui me touche, car je connais des personnes à qui c’est arrivé. Au-delà du traumatisme, de la douleur, le pire pour les victimes est, en plus, de s’être enfermées dans le silence. Elles ont été en mesure de pouvoir exprimer quelque chose à un moment où on leur a dit « non, c’est trop tard ». Et ça, ce n’est pas possible, et injuste. Je ne parle même pas de condamner les coupables, mais de rendre leurs histoires aux victimes, et que ce ne soit pas une autre peine qui s’ajoute à celle qu’elles ont déjà vécue.

Propos recueillis par Sylvie Tournier

LA CONSOLATION

En 2016, Flavie Flament racontait, dans un livre, son agression sexuelle à l’âge de 13 ans par le célèbre photographe David Hamilton. Dans ce documentaire, qui donne largement la parole à d’autres victimes, l’animatrice revient sur son combat pour rallonger le délai de prescription en matière de viol sur mineurs. La diffusion du film sera suivie d’un débat de 40 minutes animé par Marina Carrère d’Encausse.

VIOLS SUR MINEURS, MON COMBAT CONTRE L'OUBLI

"J’ai 13 ans et je passe mes vacances avec ma mère au camp naturiste du Cap-d’Agde. Pas de plage pour moi aujourd’hui, je vais poser pour un photographe mondialement connu, David Hamilton. Cet été-là, l’été de mes 13 ans, des heures entières de ma vie d’adolescente ont disparu de ma mémoire, laissant en moi comme un abîme. Un secret enfoui au plus profond de mon cerveau verrouillé par des années d’amnésie. Comment ai-je pu oublier ? Pourquoi ai-je mis tant de temps à retrouver mes souvenirs ?"

Après des années de souffrance, mentale et physique, Flavie Flament a enfin pu remonter le fil de son histoire, la raconter dans un livre – La Consolation – et libérer sa parole, y compris dans les médias. Mais, pour l’animatrice, âgée de 43 ans, les portes de la justice sont définitivement fermées. En France, la loi Perben de 2004 stipule qu’un mineur victime de violences ne peut porter plainte contre son agresseur que pendant vingt ans après sa majorité, soit jusqu’à l’âge de 38 ans. À l’instar de Flavie, combien sont-ils, garçons et filles, à ne pas être capables de mettre des mots, des décennies durant, sur le traumatisme qu’ils ont subi ? Ne faut-il pas rallonger le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs ? Concernée par la question, la ministre des Familles Laurence Rossignol met en place, en janvier 2017, une mission de consensus dont elle confie la coprésidence à l’animatrice. Pendant trois mois, elle va recueillir la parole d’autres victimes, ainsi qu’interroger médecins et magistrats. Ce documentaire, jalonné de témoignages poignants, la suit dans sa démarche et dans son combat contre l’oubli.

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EXTRAITS

Alice, 46 ans, agressée par David Hamilton : « Je me suis sentie piégée, je faisais partie des élues, donc il fallait que je m’estime heureuse. La nuit où il y a eu le viol avec pénétration, je me suis dit, ça y est, j’ai plus rien, et au matin il m’a dit : “T’es plus vierge, champagne !” […] C’était la pire honte de ma vie et j’aurais pas pu le dire à mes parents. »

Élodie, 28 ans, agressée par David Hamilton : « Pour lui, il nous faisait vivre quelque chose d’exceptionnel, il nous sortait du caniveau. Moi, il me l’a clairement dit comme ça. Il avait plus de 70 ans, j’en avais 15. Il a fait paraître normal le fait de regarder des enfants […]. C’est quand même atroce d’avoir donné un nom artistique à un violeur multirécidiviste. »

Philippe, 60 ans, chef entreprise, violé à 12 ans par un inconnu : « Tu te retrouves avec un doigt dans le derrière, une b… dans la bouche ; je me souviens, très clairement, d’avoir mangé de l’herbe pour enlever le goût du sperme. J’utilise des mots crus, mais je ne supporte plus d’en entendre parler autrement. Le viol, c’est ça ! Dès le moment où il y a crime sur enfant, le mot prescription n’a pas de sens. »

Christophe, 52 ans, journaliste, violé pendant cinq ans par un ami de ses parents : « J’avais 9 ans. En fait, j’aurais dû le dire la première fois, après c’était très difficile […] parce que j’étais un enfant et que les enfants se sentent toujours coupables. […] Je trouve ça dingue que personne n’ait jamais rien vu. »

Alexandre, 43 ans, analyste financier, agressé dès 8 ans par un prêtre : « J’avais entre 8 et 12 ans et il pesait déjà 100 kg, c’était un grand bonhomme de 1,90 mètre, là pour le coup c’était une contrainte assez forte, c’est-à-dire que quand il vous serrait dans ses bras, vous ne pouviez vraiment plus bouger… »

Anthony, 36 ans, agressé dès 7 ans par un prêtre : « Les souvenirs me sont revenus il y a un an… La souffrance que j’ai endurée, avec mes crises qui sont très violentes, m’a beaucoup gêné dans ma vie scolaire, sociale, relationnelle, surtout avec les femmes et dans ma vie professionnelle aussi. »

Andy, 43 ans, footballeur professionnel, violé dès 11 ans par son entraîneur : « Encore aujourd’hui je peux visualiser la position dans laquelle j’étais, l’endroit où ça se passait. Quand je vais me coucher, je m’endors le dos contre le mur. Il n’existe pas de bon âge pour parler de tels traumatismes. »

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Documentaire

Durée 75 min

Auteure Flavie Flament

Réalisation Karine Dusfour

Production Chrysalide Productions et Éléphant Doc, avec la participation de France Télévisions

Année 2017

Déconseillé aux moins de 10 ans