Howard Carter-Pierre Lacau — L’Affaire Toutankhamon

C’est la plus importante découverte archéologique au monde. En novembre 1922, l’autodidacte anglais Howard Carter trouve le tombeau de Toutankhamon dans la Vallée des Rois. Après cinq années de recherches intensives financées par lord Carnarvon, un aristocrate anglais, et le Metropolitan Museum of Art de New York, l’opiniâtre fouilleur met au jour un trésor de 5 000 pièces. « C’est une découverte fabuleuse par le contenu et la variété des objets, souligne Christian Leblanc, directeur de recherche au CNRS et responsable de la mission Thèbes-Ouest. C’est la première fois qu’on retrouvait dans la Vallée des Rois un mobilier funéraire aussi complet, car la plupart des autres tombes avaient déjà été pillées dans l’Antiquité. »

Mais, pour Carter, la joie sera de courte durée. Il tombe vite sur un os en la personne de Pierre Lacau, installé au Caire comme directeur du Service des antiquités égyptiennes depuis 1914. Un poste attribué aux Français depuis que Champollion a déchiffré les hiéroglyphes, même si le pays est sous occupation anglaise. Pour ce chercheur issu d’un milieu aisé, « l’idée, c’est de mettre fin à la loi de 1912 qui dit que, quand il y a une découverte, les objets sont répartis en deux lots d’égales importance et valeur. Un pour le fouilleur, un pour le gouvernement égyptien, explique Éric Gady, historien à l’académie de Dijon. Pierre Lacau veut que tout reste en Égypte. » Un problème pour Carter, qui a promis de rétrocéder une partie des merveilles de la tombe du pharaon à ses mécènes. Englué dans un scandale public avec la presse internationale et égyptienne — Carnarvon ayant monnayé l’exclusivité des informations et images concernant les travaux avec le quotidien londonien The Times —, il doit aussi faire face à une montée du nationalisme dans le pays.

Cette hostilité envers les Britanniques ne va pas faciliter le catalogage détaillé et minutieux des milliers d’objets présents dans la sépulture royale. « Les tensions entre Lacau et Carter se sont amplifiées au fur et à mesure que se déroulait l’inventaire de la tombe et elles se sont durcies jusqu’à aller carrément à l’affrontement, précise Pascal Vernus, égyptologue et professeur émérite à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il y avait vraiment une antinomie qui était infranchissable entre l’un et l’autre. » De ce conflit sur fond de rivalité politique sont nés non seulement une nouvelle loi qui interdit de sortir du territoire tout objet trouvé sur le sol égyptien, mais aussi la légende du prince Toutankhamon, assuré d’entrer à jamais dans l’éternité.

Amandine Deroubaix