Claude Scasso, scénariste et directeur de collection depuis la saison 2, connaît Caïn comme s’il l’avait fait ! Il revient sur cette nouvelle saison tout en rebondissements et en décors inattendus.
Vous n’avez pas épargné vos protagonistes dans la saison 3, et vous remettez ça dans la saison 4 ? Vous leur en voulez ?
On n’allait quand même pas laisser Caïn gentiment assis là, à observer les autres et les juger avec cynisme. Il aurait trop aimé ça. Caïn a le cuir solide, et Lucie apprend à s’endurcir à son contact. C’est ce qui leur permet d’affronter un quotidien composé de crimes et de suspects tordus. On aime leur solidité, mais pour les aimer encore plus et qu’ils nous touchent, il faut qu’ils ne paraissent pas être des surhommes. Alors oui. Caïn, Lucie... On cherche leurs failles, et il faut frapper fort pour les atteindre. Percer les défenses de Caïn par le biais de son fils, et celles de Lucie en réveillant les vieilles culpabilités qu’elle se trimballe dans la saison 3. Et les éprouver de nouveau en s’immisçant dans leurs rapports intimes dans cette saison 4. La magie, c’est que quand on croit donner un uppercut aux personnages, ceux-ci se relèvent plus forts encore.
Aviez-vous une ligne directrice pour cette saison ? Laquelle ?
Les sentiments. Depuis la première saison, on a joué au classique « cours après moi que je t’attrape » entre Caïn et Lucie. On a en main deux aimants positifs qui ne trouvent un équilibre qu’en restant à distance raisonnable. Dans cette saison, il était temps de les forcer à se rapprocher pour tester leur résistance à l’amour. À la fin de la saison 3, Lucie se retrouve dans un marasme intérieur et professionnel très pénible. Elle plonge plus profond encore en début de saison 4. Ce qui pousse Caïn à s’investir et à s’avouer qu’elle compte pour lui. Mais dans le même temps, un nouveau personnage, Sonia, journaliste, offre à Caïn une alternative sentimentale moins risquée, plus tranquille. Le test de cette saison pour les deux personnages est de savoir qui l’emportera de leurs sentiments respectifs ou de leur soif d’indépendance. En fin de saison, leur décision pourrait bien être lourde de conséquences…
Inviter des guests est une constante dans la série. Pourquoi ?
Parce que plus les suspects sont intelligents, forts, retors, plus nos héros sont valorisés. Or, pour dessiner en quelques séquences des suspects puissants, il faut de grands comédiens.
Pour reprendre les propos de Bruno Debrandt : « Nous nous sommes retrouvés face à des comédiens, dont les rôles ont mis en péril l'arrogance et l'assurance de nos personnages principaux. » Était-ce ce que vous recherchiez particulièrement cette saison ?
Oui. Nous veillons en permanence à trouver un effet miroir entre les suspects que rencontrent Caïn et Lucie et leur humeur au moment où se déroule l’enquête. Des points communs, des oppositions, des réflexions parallèles autour de thèmes profonds… Ces suspects sont le quotidien de nos flics. Ils nourrissent donc leur capacité à comprendre le monde et à se comprendre. Et leurs réactions. Par ailleurs, l’arrogance est un des traits caractéristiques de Caïn. Ça le rend très déstabilisant. Il faut bien qu’il rencontre des guests capables d’y résister pour obtenir des duels de haute volée.
Comment travaillez-vous avec Bertrand Arthuys ?
Comme deux artisans qui cherchent en permanence à bousculer les choses pour ne pas s'installer dans le confort d’une série qui dure. Écrire cette série nous force à chercher le Caïn qui repose en nous. Comme lui, on se lance des défis, des paris impossibles, on oublie le bien-pensant et le politiquement correct. On ausculte nos contemporains (et nos personnages) avec détachement et amusement. Et on finit par en faire des histoires.
Cette année, vous avez choisi de placer l'action au sein de l’opéra de Marseille, sur des bateaux (dont un ferry)… Avez-vous discuté en amont avec Bertrand Arthuys des difficultés techniques que ces scènes allaient entraîner ?
Ce genre de défis est collectif, et la paternité ne nous en revient pas forcément. Dans les cas que vous citez, il s’agit justement de propositions de la production. « Eh, les gars, on peut tourner à l’opéra de Marseille ou sur un ferry de croisière... Pondez-nous une histoire là-dessus. » Crime à l’opéra, cela paraît évident. Déplacer Caïn sur un ferry hors de sa juridiction, ça l’est déjà moins. Mais les défis stimulent. Puis on part en repérages, on s’imprègne des lieux, on écrit en fonction. Et quand arrive le tournage, les difficultés commencent : l’opéra n’est pas libre aux bonnes dates ou pas assez longtemps ; le bateau prévu n’est plus disponible... Alors, on réadapte nos scénarios et la réalisation jusqu’au bout. Cela nous pousse à nous dépasser. C’est très excitant.
Souhaitez-vous à l’avenir reconduire ce type de tournage ?
À l’évidence, oui. Le spectateur est comme nous, il n’a pas envie d’une série qui ronronne entre les trois mêmes décors. On a encore quelques bons repérages de côté pour de futurs épisodes.
Dans l'épisode Tout sur Lucie, vous lorgnez clairement vers le fantastique ou, tout au moins, le fantasmagorique. D’où vous viennent vos inspirations ou influences ?
Je dirai plutôt le « fantasmatique ». Cet épisode naît du constat que Lucie est depuis le début un personnage secret, discret, pudique. Pour violer son intimité et en apprendre plus sur elle, nous n’avions pas d’autre choix que de rentrer dans sa tête et d’explorer ses fantasmes et ses rêves. Pas d’influence donc, juste une idée folle de Bertrand Arthuys : et si Lucie menait une enquête dans sa psyché pendant que, dans la réalité, Caïn œuvre pour mieux la connaître et comprendre ses zones d’ombre ?
À propos d’inspiration, où trouvez-vous vos idées d’enquêtes ?
Dans nos cerveaux malades et dans ceux des autres scénaristes… Plus sérieusement, il n’y a hélas pas de réponse possible à cette question. Les scénarios de Caïn peuvent naître d’un fait social (la prostitution étudiante), d’une envie de personnage (un prof de philo manipulateur), d’un décor (opéra, ferry) ou du développement du fil rouge de la saison qui définit le cadre, notamment du dernier épisode.
Qu’apporte l’arrivée de Sonia dans le duo et, de manière plus générale, dans la série ?
Difficile de parler de Sonia sans trop déflorer cette saison. À l’évidence, c’est une femme qui sait ce qu’elle veut mais qui commet aussi beaucoup d’erreurs. Journaliste à sensation, elle s’en prend à Lucie qu’elle croit sincèrement coupable d’une bavure policière dans l’affaire Carsenti. Couche-t-elle avec Caïn pour lui tirer les vers du nez ou parce qu’elle le trouve attirant ? Cette femme clame sa liberté, son indépendance. En cela, c’est un peu son double. Elle va bousculer le rapport de Caïn avec Lucie en entrant avec force dans leur intimité. Mais deux événements vont rebattre les cartes et obliger Sonia à lâcher ses défenses et à remettre en question profondément toutes ses valeurs…
Pouvez-vous me parler de l’évolution des personnages de Caïn et Lucie et de leur relation cette saison ?
Lucie attaque la saison dans la continuité de la précédente : elle est en danger. La mort de Carsenti débouche sur l'ouverture d'une enquête qui peut conduire à sa destitution, voire pire. D’autant que Sonia, journaliste, fait campagne contre elle. Or, moralement, Lucie se sent coupable de la mort de son vieil ami. Il va donc falloir qu’elle trouve de nouvelles ressources, qu’elle passe par la colère, la déprime, une prise de recul, puis l’action, même suicidaire, pour arriver à s’en sortir et remonter la pente.
Caïn, lui, est entièrement absorbé par les problèmes de Lucie, ce qui le pousse à s’interroger sur la teneur des sentiments qu'il éprouve envers elle. Dans cette saison, il veut la protéger, puis protéger Sonia. Malgré son handicap, il se croit capable d’être un héros protecteur. Mais, oups ! Même en fauteuil, on peut se prendre les pieds dans le tapis !
Épisode 7 : Justice 2.0
Caïn et Julie enquêtent sur le meurtre de Mathieu Dorléac, un étudiant en psychocriminologie, retrouvé mort après une chute du toit de sa cité U suite à un coup de Taser. Une plongée dans l’univers de la fac, où Caïn va retrouver Anna Becker, son ex-prof de psychocriminologie et ex-profileuse notoire, dont les cours galvanisent les étudiants. Deux d’entre eux, Chloé et Thomas, vont s’unir pour tenter d’éprouver la question centrale des cours d’Anna Becker : le crime est-il inné ou acquis ? Peut-on profiler les futurs criminels ? Chloé et Thomas ont-ils tué Mathieu, après l’avoir profilé comme un potentiel criminel sexuel ? Ont-ils été manipulés par Anna qu’ils admirent ? À moins que ce ne soit Anna Becker, elle-même, qui a franchi la ligne jaune après avoir décidé que seule une justice d’anticipation pouvait permettre à la société civile de vivre en toute sécurité… Une enquête où manipulation et machination sont au cœur de l’intrigue. Une enquête où Caïn va avoir du fil à retordre dans un face-à-face psychologique de haut vol avec son ex-mentor, tel un rite initiatique. Une enquête qui pose une question morale qui plane dans nos sociétés modernes : peut-on prévenir le crime et peut-on arrêter les potentiels criminels en devenir avant qu’ils ne passent à l’acte.
Épisode 8 : L'Étoile filante
À l’opéra de Marseille, lors d’une représentation de Romeo et Juliette, le danseur étoile Cyril Dubois est foudroyé sur scène. Qui a empoisonné Roméo ? Noémie, qui l’aime à la folie et a peur qu’il la quitte pour une ballerine plus jeune qu’elle ? Serge Vassar, le charismatique maître de ballet, qui craignait que Cyril ne prenne sa place ? Le ballet est une grande famille, unie, soudée et… muette. Tout le monde a peur d’en être exclu et se tait. Caïn ne peut compter sur personne, même pas sur le frère de Cyril, l’ostéopathe officiel de la troupe, qui connaît pourtant les secrets les plus sombres des danseurs. Et il y en a. Dévoués corps et âme à leur art, ils sont aussi dévorés par l’ambition, la compétition. Astreints à une discipline de fer et vivant dans un monde clos, leur passion est exacerbée par une course folle contre le temps, un sentiment d’urgence : pour briller avant de s’éteindre, les étoiles sont prêtes à tout, y compris s’en prendre à Caïn…
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Réalisé par Bertrand Arthuys
Scénario et dialogues de Claude Scasso
Avec Bruno Debrandt, Julie Delarme,Frédéric Pellegeay, Smadi Wolfman,Mourad Boudaoud, Hélène Seuzaret