Le documentaire Vichy, la mémoire empoisonnée revient sur l’un des épisodes les plus sensibles et traumatisants de l’histoire de France. Mais, au-delà du régime de Vichy en lui-même, ce film de Michaël Prazan s’intéresse à l’héritage embarrassant laissé par la France occupée, et plus précisément celle qui a collaboré. Entre procès, législation vichyste et chasse à l’homme, la page de ce passé ô combien dérangeant n’a jamais été entièrement tournée. En seconde partie de soirée, le documentaire Au nom de l’ordre et de la morale pénètre une autre réalité tout aussi sombre en évoquant les milliers d’arrestations arbitraires qui eurent lieu en Suisse jusque dans les années 1980.
Vichy, la mémoire empoisonnée
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle signe une ordonnance qui déclare le régime de Vichy nul et non avenu. Pour autant, rien ni personne ne parviendra à occulter cet épisode dramatique de la mémoire collective. Le documentaire Vichy, la mémoire empoisonnée recense les multiples conséquences que la collaboration française a eues sur les plans sociaux, politiques et historiques. Les tumultes liés à cette ultime compromission surgissent dès la fin du conflit, avec les procès de Pétain et de Laval. Alors que le premier condamné à mort est gracié par de Gaulle, le second n’échappe pas à son sort et sera fusillé au terme de son procès. « En accordant la grâce à Pétain, de Gaulle veut montrer aux Français qui se sont compromis, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre eux, que la page est tournée », estime l’historien Tal Bruttmann. « La force du Général a été de faire croire aux Français qu’ils étaient dans le camp des vainqueurs alors qu’ils ne l’étaient pas », explique pour sa part l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter. En marge de la justice officielle, une autre, tout aussi implacable, se met à régner : on dénombre ainsi près de 10 000 personnes accusées de collaboration tuées par pendaison, lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement lynchées. Sans compter les nombreuses femmes tondues en place publique, livrées à la vindicte pour avoir censément couché avec des nazis.
« Lois, décrets, mesures civiles…, nombreuses sont les dispositions adoptées sous ce régime qui ont perduré par la suite. Au même titre que certaines institutions, comme la police nationale. »
Même après l’émotion de la fin de la guerre, la collaboration continuera à tenir, d’une façon ou d’une autre, une place incontournable dans la société française. Lois, décrets, mesures civiles…, nombreuses sont les dispositions adoptées sous ce régime qui ont perduré par la suite. Au même titre que certaines institutions comme la police nationale.
Mais c’est surtout grâce à l’activisme de certaines personnalités que la France sera contrainte de regarder en face la question de Vichy. Ainsi, Serge et Beate Klarseld mèneront un combat médiatique et surtout judiciaire pour faire comparaître devant les tribunaux d’anciens collaborateurs, comme Paul Touvier. D’abord gracié de sa double condamnation à mort par Pompidou en 1972, une plainte pour complicité de crime contre l’humanité le visant est déposée par des associations de résistants en 1973. S’ensuit une cavale de l’ancien chef de la milice de Lyon qui alimentera régulièrement les pages des journaux, jusqu’à une arrestation tardive en 1989. Le soutien apporté aux anciens collaborateurs pose aussi question, et cela, jusque dans les plus hautes sphères de l’État, concernant notamment les liens entre Mitterrand et René Bousquet. Ou encore en considérant la lenteur de nombreuses procédures judiciaires intentées à leur encontre. La condamnation tardive de Maurice Papon, nommé préfet au lendemain de la guerre, et suspecté d’avoir autorisé la déportation de 6 690 Juifs, alors qu’il était haut fonctionnaire sous Vichy, en est l’un des meilleurs exemples.
Yannick Sado
Durant des décennies, jusque dans les années 1980, des milliers de jeunes Suisses ont été jetés en prison sans procédure judiciaire, stérilisés, placés de force dans des familles d’accueil ou en maison de rééducation... Leur crime ? Une conduite jugée menaçante par une société éprise d’ordre et de conformisme.
Sur la base de témoignages, d’archives personnelles et de documents d’époque, ce film raconte le calvaire de ces enfants et décrypte un système politique et social qui a conduit des citoyens bien sous tous les rapports à en éloigner d’autres, au nom de valeurs morales.
À 22.45.
Film de Bruno Joucla et Romain Rosso