Spéciale C politique / C polémique

Ce n’est pas la première campagne présidentielle que vous suivez (Ségolène Royal en 2007, François Hollande en 2002). Mais celle-ci ne ressemble à aucune autre. Qu’en montrez-vous ?

Karim RIssouli : Tout le monde s’accorde à dire que c’est une campagne hors norme, historique. Que ce soit avec Macron, Le Pen, Mélenchon ou le Fillon d’aujourd’hui — qui n’est pas le même que celui d’hier —, cette élection va accoucher d’un monde nouveau. Pour plusieurs candidats, on est même à la fin d’une République.

Dans le film, nous allons à la fois raconter la fin d’un monde politique, ce que Mélenchon appelle le « dégagisme » : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Alain Juppé, Manuel Valls… des hommes politiques de premier plan il y a encore six mois et qui sont aujourd’hui derrière nous. Et aussi l’avènement d’un nouveau monde avec des personnalités politiques incarnées par Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Vous êtes trois réalisateurs. Comment construisez-vous ce film ?

K. R. : On travaille tous les trois sur C politique le dimanche. Camille Girerd est notre reporter politique qui prend en charge les sujets coulisses. Florent Maillet est le rédacteur en chef images et très bon monteur (Un jour, un destin). Mon rôle est d’interviewer les principaux candidats à la présidentielle, ceux qui ont une chance d’accéder au pouvoir. Mais ce film ne raconte pas seulement la politique d’en haut : il y aura aussi beaucoup de séquences sur le terrain avec les militants, tournées par Camille. On a choisi de faire des focus sur certains endroits de France qui incarnent le combat politique de 2017. On raconte également le monde d’avant — qui existait depuis quarante ans — avec ces primaires complètement folles où personne n’imaginait Fillon ou Hamon sortir vainqueurs. Personne ne sait ce qui va se passer, mais ce sera une élection historique. J’ai hâte d’être au 23 avril au soir pour connaître l’état réel du pays, car pour l’instant on sent les dynamiques mais pas le poids véritable de chaque candidat. L’entre-deux tours va être passionnant !

Quels sont les moments forts de votre film ?

K. R. : Nous avons tourné à Amiens auprès des salariés de l’usine Whirlpool qui va fermer en 2018 et cristallise les traumatismes. On y voit le Front national qui essaie de capter le désespoir des ouvriers, La France insoumise de Mélenchon avec le candidat François Ruffin, également journaliste et réalisateur. Amiens, c’est aussi la ville natale de Macron, qui dit vouloir se saisir de ce dossier-là. Autre moment fort : le renoncement de François Hollande. On l’a vécu en direct avec une section de militants socialistes en Seine-Saint-Denis qui étaient sous le choc. On a filmé aussi les coulisses du grand rassemblement de Mélenchon place de la République, et sa sortie après le meeting. Et je peux déjà vous prédire que le 23 avril et le 7 mai seront des moments forts ! Ce film sera nourri de la matière amassée depuis huit mois et tout ce que nous allons tourner jusqu’au 7 mai au soir, où je serai, je l’espère, auprès de la ou du nouvel élu(e).

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier

Quel(le) que soit le ou la candidat(e) élu(e), il incarnera une nouvelle ère pour la France. Quelles thématiques avez-vous envie d’aborder deux jours après son élection ?

Bruce Toussaint : Cette soirée est construite à l’image de France 5 : le documentaire, puis l’analyse et le décryptage. Je vais me servir du documentaire pour interroger mes invités, mais ce ne sera pas un débat d’experts et d’éditorialistes consacré à l’arrivée de ce(tte) nouveau(elle) président(e). Avec déjà deux jours de recul, l’idée est d’aller un peu plus loin. Cela nous permettra de nous projeter sur le type de présidence qui nous attend, les défis, les grands enjeux — nationaux et internationaux —, en tentant d’expliquer pourquoi cette élection historique aura un impact au-delà de nos frontières. On va vraiment essayer de comprendre ce « nouveau monde » et prendre de la hauteur pour s’intéresser à l’avenir.

Vous ne connaissez pas encore le nom de vos invités. Mais qui essayez-vous d’avoir sur le plateau ?

B. T. : L’idée est de s’inscrire dans la continuité de C polémique, où j’aime recevoir des intellectuels, des philosophes, des historiens, des sociologues… c’est-à-dire demander à des penseurs, qui ont du recul, de nous apporter leur regard sur cette élection. Il est très important de se démarquer dans l’avalanche de commentaires qui vont suivre le second tour et de proposer des commentaires de la part de personnes qui ne seront pas appelées à s’exprimer à ce moment-là.

Après des mois d’émissions de débats autour de la campagne, comment arrive-t-on à ce genre de soirée ?

B. T. : On est pressés de connaître le dénouement. Cette campagne a été tellement atypique, extraordinaire, et a donné lieu à tellement de controverses et de projections que l’on a envie de passer à l’étape suivante : le commentaire du résultat. Je considère qu’il y a eu trop d’événements et de surprises pour ne pas en envisager d’autres à l’occasion des premier et second tours : tout est possible. Ça m’intéresse d’autant plus de présenter ce débat que, pour la première fois, on va pouvoir prendre du recul après le cyclone de cette campagne et de cette élection. Donc j’espère qu’on pourra se poser les bonnes questions, et surtout avoir les bonnes réponses !

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier