La méthode révolutionnaire mise au point par le scientifique Alain Gachet permet de découvrir de nouvelles ressources hydriques à l’échelle d’un pays. Diffusé à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, ce documentaire* suit le travail du sourcier 2.0, qui pourrait contribuer à redessiner la carte des équilibres géopolitiques.
En ce mois de juillet 2013, au Turkana, région pauvre et aride au nord du Kenya, l’eau qui vient de jaillir et qui éclabousse les visages riants offre soudain l’espoir d’une ère nouvelle. Jusqu’à l’arrivée d’Alain Gachet, personne n’aurait pu imaginer que l’eau coulait en abondance dans les profondeurs souterraines de ce comté ravagé par les sécheresses. Le géophysicien français, qui a été mandaté par l’Unesco, vient pourtant d’obtenir la preuve par le forage que les résultats de ses analyses étaient justes.
L’ingénieur est l’inventeur du système Watex, qui repère, dans une zone définie, la présence d’aquifères et en établit une carte. Ces formations géologiques retiennent l’eau en profondeur jusqu’à trois kilomètres et permettent sa circulation sous la terre. Épargnée par les pollutions humaines, cette eau douce se mesure en milliards de mètres cubes. Pour la détecter, Alain Gachet a créé un algorithme qui intègre des données transmises par la Nasa. Une fois dessinée la carte des mannes d’eau supposées, son exploration se poursuit sur le terrain géologique.
Les aquifères renouvelables localisés au Kenya, et attestés par des experts, multiplieraient par neuf les réserves d’eau du pays. Il appartient désormais au gouvernement kenyan de prendre les décisions qui découlent de cette découverte. Deux ans plus tard, l’ingénieur retourne sur place pour s’apercevoir que, malheureusement, les investissements indispensables à leur exploitation n’ont pas suivi. Plus grave, les décideurs politiques se soucient peu de cette région qui ne leur apporte aucune voix électorale. Pourtant, 40 % de la population kenyane n’a toujours pas accès à une eau salubre…
Un algorithme au secours des crises humanitaires
Constat amer pour Alain Gachet, qui a choisi de consacrer sa vie à l’exploration des ressources en eau, après une carrière de prospecteur pétrolier chez Elf, puis de chercheur d’or en Afrique et au Moyen-Orient. Ce spécialiste de l’énergie, physicien en nucléaire et mécanique quantique, est avant tout un passionné de géologie et de sciences de la terre. En 1996, il crée RTI, sa propre société d’exploration, installée à Tarascon. L’efficacité de Watex dans de grands projets lui vaut une réputation internationale.
En 2004, la crise du Darfour confronte les responsables du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) à la gestion de l’eau pour subvenir aux besoins des populations. Alain Gachet produit sa carte d’aquifères et, en deux ans, 1 700 puits sont forés au profit de 3 millions de réfugiés au Tchad et au Soudan. Saud Amer, de l’Institut d’études géologiques américain, qui travaille régulièrement avec lui, se rappelle : « Le taux de réussite a atteint 98 % : chaque fois qu’il forait, il trouvait de l’eau… Pour moi, Alain est un très bon scientifique. C’est même un génie ! »
Créer la richesse pour désamorcer les conflits
L’ONU, qui l’a durant quelques années boycotté pour avoir refusé de livrer le secret de son algorithme, fait de nouveau appel à son expertise en 2015. L’Irak, au cœur des conflits du Moyen-Orient, où l’eau a toujours été source de tensions, exige des mesures d’urgence. Le pays qui dépend à plus de 80 % des deux grands fleuves, l’Euphrate et le Tigre, menacés par les pays voisins et Daesh, doit trouver d’autres ressources en eau. « J’aime créer la richesse : c’est le seul élément qui va permettre de désamorcer les conflits. » Sa carte « watexée » du pays va ouvrir des perspectives insoupçonnées. « On ne lutte pas contre la nature, on lutte avec la nature… L’homme a toujours survécu grâce à ses facultés d’adaptation. La technologie nous permet de le faire rapidement. Profitons-en pour fabriquer l’avenir ! »
Anne-Laure Fournier
* Ce film a été primé, en 2016, au festival Pariscience, ainsi qu’au Festival international du film maritime, d’exploration et d’environnement de Toulon.
Documentaire
Durée 70 min
Réalisation Sylvie Boulloud et Nathalie Plicot
Production Ladybirds Films, avec la participation de France Télévisions et de TV5 Monde
Année 2016