Hugo Clément, journaliste et producteur de la série documentaire porteuse d'espoir Sur le front, présentera le dimanche 5 juin une nouvelle enquête de son émission, consacrée aux oiseaux. Comme pour chaque numéro, il nous emmènera au plus près de ceux qui se battent pour protéger nos écosystèmes. « Porte-parole » de France Télévisions pour l'environnement, il nous explique.
Le 5 juin est une journée symbolique, c’est la Journée mondiale de l’environnement. Mais une Journée mondiale de l’environnement, est-ce suffisant ?
Non, ça ne suffit plus. C’est tous les jours qu’il faut se soucier de l’environnement, car il est dans chaque pan de notre vie quotidienne et dans chaque décision prise au niveau politique. L’environnement, c’est nous et tout ce qu’il y a autour de nous, c’est ce qui nous permet de vivre. Il faut en parler dans les médias, tous les jours, le plus possible.
Sur le front aborde des thématiques très précises ou des situations particulières dont, parfois même, nous ne connaissions pas l’existence. Les problématiques autour des oiseaux par exemple. Alors, comment choisissez-vous vos sujets ?
Même si nous faisions une émission par jour, nous n’aurions pas fait le tour de toutes les problématiques environnementales. Nous sélectionnons donc rigoureusement les sujets, en essayant de nous focaliser sur les situations au sein de l’Hexagone et sur des sujets qui touchent et qui concernent les Français dans leur quotidien, notamment pour leur faire comprendre qu'ils peuvent agir à leur niveau sur certaines situations. Nous avons une équipe de journalistes qui enquêtent en permanence, mais il y aussi des scientifiques et des militants d’association de défense de la nature qui nous contactent pour nous alerter sur des sujets précis.
Sur le front : le titre de l’émission est évocateur. Pouvez-vous nous expliquer le choix de ces termes : « combattant », « front » ?
Ces termes correspondent à la réalité. En ce moment même, une guerre pour l’environnement et la préservation de notre planète est en train d’être menée. Lorsque des groupes armés veulent profiter des ressources que d’autres essayent de protéger, on assiste à de réelles situations de guerre. Dans la jungle guyanaise où des militaires français affrontent des orpailleurs illégaux ou au Congo dans le parc des Virunga où des rangers sont victimes d'embuscade, des gens sont tués. Même si elle ne ressemble pas à une guerre classique, cela en est bel et bien une.
Les termes sont volontairement “choc”, pour attirer l’attention et inciter à la mobilisation. Car c’est aussi une guerre contre nous-mêmes, contre nos modes de vie qui ne sont plus soutenables. Si on ne se mobilise pas aujourd’hui et si on ne remporte pas cette bataille, c’est toute l’humanité qui sera perdante, à court, moyen et long terme.
Parmi ces combattants, qui n’ont comme seule volonté de préserver notre terre, vous avez notamment rencontré Victor Noël (Sur le front : Où sont passés nos oiseaux ?), un jeune adolescent de 17 ans, passionné par les oiseaux et engagé pour leur protection. Comment s’est passée votre rencontre ?
Assez simplement ! Son nom a rapidement été évoqué lorsque nous cherchions des activistes qui se mobilisent pour les oiseaux, tout en ayant des connaissances scientifiques. Mettre en lumière Victor Noël était légitime car il possède une expertise sur le sujet. Bien qu’étant un profil atypique, par son jeune âge, c’est un passionné. Il a déjà écrit deux livres ! Sa connaissance des oiseaux est impressionnante, il est capable de tous les reconnaître à leur chant. C’est un garçon touchant et surtout, sincère dans son engagement. À mon sens, il représente l’avenir de la protection des oiseaux en France. Il n’a que 17 ans !
Aujourd’hui, comme l’explique Vincent Bretagnolle (biologiste au CNRS), « on tient à bout de bras une population (les oiseaux) grâce à des efforts de conservation très importants. On ne fait qu’acheter du temps ». On est donc sur une corde raide…
Concernant les oiseaux, nous sommes malheureusement en train de tomber dans le gouffre.
Les chiffres sont alarmants : le nombre d’oiseaux des champs a chuté de 40% en 30 ans. Si l’on continue à ce rythme, même les oiseaux les plus communs, qui ont toujours évolué autour de nous et qui nous ont habitués avec leurs chants à l’environnement sonore que l’on connaît, disparaîtront. La situation est plus qu’alarmante car les oiseaux jouent un rôle fondamental dans la chaîne du vivant. C’est une espèce qui donne une indication sur l’état de santé des écosystèmes. Si les oiseaux vont mal, alors les écosystèmes aussi.
La question est : comment activer le freinage d’urgence ? Pour cela, il faudrait mettre un terme aux pratiques que l’on sait néfastes, à savoir l’agriculture intensive et l'artificialisation des sols, la destruction des habitats, la chasse des espèces en déclin…
Dans cet épisode, on assiste à de belles situations de solidarité, de jeunes qui s’engagent par exemple pour la protection des oiseaux.... Tout cela vous donne-t-il de l’espoir pour la suite ?
Bien sûr ! Il y a beaucoup de motifs d’espoir. Comme Victor Noël, certains ont pris le problème à bras-le-corps et se mobilisent. Des dizaines de milliers de citoyens participent à leur niveau, par exemple en installant très simplement des nichoirs chez eux, ou en changeant leur régime alimentaire pour se tourner vers les produits issus de l’agriculture biologique et consommer moins de viande (les pesticides et la monopolisation des sols par les monocultures destinées à l’élevage intensif sont les facteurs principaux de déclin des oiseaux). De nombreux agriculteurs changent aussi leurs pratiques. Parallèlement, de nombreux scientifiques commencent à hausser la voix pour alerter sur l'urgence de la situation et faire réagir les dirigeants français et étrangers.
Nous pouvons éviter la catastrophe, mais c’est dès maintenant qu’il faut agir car le temps nous est compté. Plus on attend, plus il sera difficile d’inverser la tendance. C’est un combat qui n’est pas perdu, mais il est urgent et il faut le mener à fond dès aujourd’hui.
Propos recueillis par Margaux Karp
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