Stéphane Bern dessine le portrait de Louis II de Bavière, un monarque peu connu, mais dont l’éclat a traversé les siècles. En témoignent aujourd'hui les magnifiques châteaux qu’il a fait édifier et la musique wagnérienne dont il fut le mécène.
L’évocation du nom de Louis II de Bavière convoque spontanément le visage et la grâce de Sissi l’impératrice moult fois immortalisée au cinéma, notamment dans Ludwig ou le Crépuscule des dieux de Luchino Visconti. L’amitié amoureuse entre ces cousins se décrit en quelques mots : romantisme, lyrisme, beauté, art… Une relation qu’illustre à merveille le poème de Charles Baudelaire, L’Invitation au voyage : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » Tel était Louis II, un rêveur, un romantique, un amoureux platonique… Qualités peu nécessaires à un monarque. C’était un prince nostalgique, comme le définit si bien Stéphane Bern.
Louis de Wittelsbach est né le 25 août 1845, jour de la Saint-Louis. Doit-on y voir un signe de son admiration immodérée pour la royauté française ? Peut-être… Il rêve d'une monarchie absolue à la française, mais hérite d'une monarchie constitutionnelle bavaroise. Il envie également l'amour que portent les Français à la liberté d’esprit, aux belles lettres et aux arts. Immodéré, le monarque l’est en presque tout ce qu’il aime. Il va même jusqu’à faire construire un autre Versailles, revu et corrigé à son goût.
Sa passion pour la musique, et surtout celle de Wagner, le pousse aux plus folles dépenses. La mort du compositeur le plonge par ailleurs dans un désarroi total : « Il n’a plus de rêve, quelque chose se casse pour toujours en lui », explique la biographe Isaure de Saint Pierre. À la demande du musicien, Louis II fit bâtir un théâtre à Bayreuth, le Festspielhaus, où se déroule depuis 1874 le fameux festival de Bayreuth, consacré uniquement à l’œuvre de Wagner.
Dès l’enfance, le quatrième roi de Bavière trouve dans la littérature un héros romantique pour lequel il nourrira une sorte de fantasme d’identification. Issu de l’épopée médiévale Parzival de Wolfram von Eschenbach, et plus particulièrement de la légende de Lohengrin, ce héros, aussi appelé « le chevalier au cygne », est un personnage du mythe arthurien. La première fois que le jeune prince assiste à l’opéra, ce sera pour découvrir cette épopée mise en scène par son compositeur préféré, Wagner. Il tombe en pamoison. Certains psychiatres actuels parlent plutôt de crise d’épilepsie.
Enfin, l’architecture se présente comme l’art maître par lequel le jeune roi peut donner vie à ses rêves les plus secrets. Louis II laisse, disséminés en Bavière, de nombreux et magnifiques châteaux. Tous prennent racine dans ses fantasmagories. Il a, par exemple, fait reproduire dans son château de Linderhof la grotte de Vénus, un décor de l’opéra Tannhäuser de Wagner. Il s’installe alors dans une barque et navigue sur le lac sous-terrain en écoutant la musique de Wagner jouée par des musiciens dissimulés derrière les rochers. Le château de Herrenchiemsee, réplique peu ou prou fidèle à Versailles, est resté inachevé car outrageusement coûteux. La galerie des glaces, où ce roi esthète n'a jamais reçu personne, y est en revanche plus longue et plus large que le modèle français. Le château de Neuschwanstein, terminé après sa mort, s’érige sur un piton rocheux isolé et domine le pays, à son image. On dit que le monarque avait demandé, à la fin de sa vie, que ses châteaux soient détruits. Heureusement, le gouvernement n’en a rien fait, bien au contraire : leur ouverture au public a permis de rembourser les dettes de l’État.
Ces excentricités éloignent de plus en plus Louis II de la vie réelle, celle des guerres et des obligations royales, à tel point que son oncle Léopold de Wittelsbach le fit déclarer fou en 1886. Celui que Paul Verlaine considérait comme le « seul vrai roi de ce siècle » est mort mystérieusement le lendemain de son internement...
Diane Ermel
Dans ce nouveau numéro inédit de Secrets d'Histoire, Stéphane Bern nous fait découvrir le destin tragique du roi Louis II de Bavière, un souverain aux allures de prince de conte de fées et pourtant… Mécène de Wagner, son guide spirituel, admirateur de Versailles et de Louis XIV, au point de lui dédier deux extraordinaires châteaux, Louis II, que l’on ne croit préoccupé que de beauté et d’absolu, luttera toute sa vie contre des pulsions que la société en cette fin du XIXe siècle considère comme un crime. Son royaume de Bavière, il le rêve loin des faux-semblants et de la mesquinerie de la cour, caché dans des montagnes qui le protègent d’un monde jugé trop vulgaire. Là, le roi fréquente celle qui lui ressemble, son double, sa cousine Elisabeth d’Autriche, la fameuse Sissi. Et à l’abri des regards, il édifie les décors de ses songes, autant de fantasmes de pierres, dont Secrets d’histoire vous ouvre pour la première fois les portes. De l’irréel château de Neuschwanstein au somptueux Linderhof, ou le grandiose Herrenchiemsee et sa galerie des glaces plus longue que celle de Versailles...
Moins fou qu’on ne le laisse entendre, Louis II préconise la paix face au redoutable Bismarck, animé par un esprit de conquête et il parvient même à sauvegarder l’indépendance de sa monarchie dans cet empire germanique en pleine réunification. On dira de Louis II qu'il est fou, incontrôlable, méfiant, misanthrope... Et prenant prétexte de ses dépenses et de sa manie des bâtiments, on le ridiculisera avant de le mettre à l'écart, de lui ôter tout pouvoir, de le séquestrer, et finalement de lui offrir une mort romantique, mais pathétique, au bord d'un lac noir. Sans que l'on sache s'il s'est suicidé ou si on ne l'a pas un peu poussé...
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Présenté par Stéphane Bern
Réalisé par Dominique Leeb
Proposé par Jean-Louis Remilleux
Producteur délégué Laurent Menec
Une production Société Européenne de Production
Avec la participation de France Télévisions
Avec Isaure de Saint Pierre (Biographe), Elisabeth Reynaud (Biographe), Philippe Séguy (Ecrivain), Jean-Louis Schlim (Biographe), Hortense Dufour (Ecrivain), Christine Mondon (Biographe), Eve Ruggiéri (Journaliste), Sophie Hertford (Biographe), Jean-Paul Bled (Historien), Vincent Meylan (Ecrivain), Jean Ades (Psychiatre), Paul Rauchs (Psychiatre) et Pierre Flinois (Critique musical).