Susan, l’héroïne cachée de Bir Hakeim

Fille d’une aristocrate anglaise et d’un officier de la Navy, Susan Travers passe son adolescence sur la Côte d’Azur, où sa famille s’installe à partir de 1921. C’est peut-être à cette époque insouciante et heureuse qu’elle conçoit son immense attachement pour la France. Indépendante et moderne, elle mène alors l’existence des jeunes femmes de son rang, tout en rêvant d’aventure. Mais, en août 1939, la survenue de la guerre va bouleverser son destin comme celui de millions d’Européens.

Pour le meilleur et pour le pire

Un temps ambulancière en Finlande pour la Croix-Rouge, Susan décide, après la capitulation de la France, de répondre à l’appel du général de Gaulle. Le 30 août 1940, la voilà partie en train vers le port de Liverpool et une destination tenue secrète. À bord, d’autres filles engagées comme elle dans les Forces françaises libres, ainsi que les hommes de la 13^e demi-brigade de la Légion étrangère, de retour de Norvège. Susan ne le sait pas encore, mais c’est avec eux qu’elle va partager sa vie pendant les années de guerre. Pour le meilleur et pour le pire. Après une tentative de débarquement échouée à Dakar, les légionnaires quittent l’Afrique de l’Ouest pour aller combattre l’armée italienne en Érythrée. Susan les suit en tant que chauffeur du médecin-chef et devient rapidement leur infirmière, leur confidente, leur sœur. Mais aussi l’amoureuse du commandant de bataillon Dimitri Amilakvari, un prince d’origine géorgienne qui lui donnera le surnom qu’elle conservera jusqu’à la mort : « la Miss ». Amilak, comme l’appellent ses amis, l’amuse et restera un proche, mais c’est en Syrie, occupée alors par les soldats de Vichy, que Susan rencontre son grand amour, le colonel Marie Pierre Koenig. Artisan de la défaite des troupes pétainistes en juin 1941, il la prend comme chauffeur et lui fait la cour. Il a 43 ans et est marié, mais qu’importe puisqu’ils coulent des jours heureux.

De la Légion étrangère à la légion d’honneur

Nommé général de brigade, Koenig est envoyé, en février 1942, en plein territoire libyen, à Bir Hakeim, pour faire barrage à l’Afrika Korps de Rommel qui cherche à s’emparer du canal de Suez. Susan refuse de le quitter. Après une interminable traversée du désert, les 3 723 légionnaires établissent un camp retranché, entouré de mines. L’attente commence dans des conditions difficiles puisque les températures montent à 50 °C à l’ombre et sont glaciales la nuit. Susan trompe l’ennui en lisant et relisant le même roman et en prenant soin du véhicule du général. Persuadé de sa supériorité, Rommel lance l’attaque le 27 mai avec 150 chars ; les explosions se succèdent mais les Français résistent et réussissent à repousser les assaillants. Ce n’est qu’un répit. Malgré le manque de munitions, d’eau, de vivres, les légionnaires remplissent leur mission impossible et tiennent deux semaines sous un déluge de feu. Susan est à bout de forces elle aussi. Le 10 juin, Koenig la réveille à la première heure et l’informe qu’il va donner l’ordre à ses troupes de traverser les lignes ennemies. Les chances de s’en sortir sont minces. Lorsque le signal est donné, une longue colonne se met en branle. Au volant de sa vieille Ford, son général à ses côtés, Susan tente de se frayer un passage au milieu des explosions des mines et des obus. Elle récupère même Amilak, dont la voiture a été détruite, et parvient enfin à atteindre les lignes britanniques. Vers 9 heures du matin, les premiers des 2 700 rescapés les rejoignent. La légende de Koenig est née. Le 10 octobre 1942, Susan se voit remettre la croix de guerre, mais sa liaison avec le héros de Bir Hakeim, révélée par la presse, dérange. Pour ne pas nuire à la réputation de Koenig, les deux amants se quittent. La jeune femme tombe dans l’oubli. À croire qu’elle n’a jamais foulé le champ de bataille. Ce n’est qu’à l’âge de 86 ans que la seule femme admise dans les rangs de la Légion étrangère obtient la reconnaissance de la nation française en recevant la légion d’honneur.

Beatriz Loiseau

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LA CASE DU SIÈCLE « LES FEMMES DANS L’HISTOIRE »

Engagée tout au long de l’année en faveur des droits des femmes, France 5 propose, du 18 février au 18 mars, une programmation plus spécifiquement consacrée à des héroïnes. Cinq documentaires inédits sont ainsi à découvrir dans La Case du siècle. Après la trilogie Les Femmes dans la guerre, France 5 proposera les 11 et 18 mars, à 22 h 40, le documentaire en deux parties Simone, Louise, Olympe et les autres – La Grande Histoire des féministes.