MANGER MIEUX POUR VIVRE MIEUX

Aventures de médecine : Manger mieux pour vivre mieux

Magazine - Inédit - MARDI 01 AOÛT 2017 A 20H25 - Sur Martinique 1ère

13 % de la population mondiale adulte (650 millions de personne), selon une étude récente, bientôt 20 % : l’obésité est considérée comme le mal du siècle et un enjeu majeur de santé publique, du fait des maladies cardio-vasculaires et de la mortalité qui en découlent. Entre rencontres, explications, anecdotes, histoire médicale, Michel Cymes dévoile pour nous quelques-uns des fils entrelacés de la nutrition, de la santé, de la médecine et du plaisir.

Côté rencontres, deux personnes confrontées à l’obésité et arrivées à un moment important de leur parcours constituent un fil rouge. À 14 ans, Shirel pèse près de 100 kg. Mauvaises habitudes alimentaires, perte de confiance, etc., elle est dans l’impasse, les régimes successifs, certains draconiens, n’ayant eu d’autres effets que d’aggraver son repli sur elle-même. Il est temps d’agir avant qu’il ne soit trop tard. L’adolescente entre pour sept mois à l’hôpital pédiatrique de Bullion en Région parisienne. Un programme : réapprendre à s’alimenter de façon équilibrée, faire du sport et restaurer l’image qu’elle a d’elle-même. Un défi : perdre une quinzaine de kilos. À 53 ans, Didier pèse 132 kg. Diabétique, souffrant d’hypertension, d’apnée du sommeil, etc., ce restaurateur et grand amateur de bonne chère a déjà frôlé la mort. Il entre à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, pour y subir une opération de chirurgie dite « by-pass » – réduction de deux tiers de son estomac et court-circuit intestinal. Pour lui, il ne s’agit pas d’une simple option mais d’un dernier espoir de survie. Dans un cas comme dans l’autre, on le voit, « manger mieux » n’est pas une simple injonction hédoniste, et « vivre mieux » signifie d’abord « vivre plus longtemps ».

Mais ce numéro est aussi l’occasion d’allers-retours avec le passé et d’un parcours buissonnier mené par Michel Cymes en compagnie de médecins, d’historiens, d’anthropologues... Si la surcharge pondérale, à un degré ou à un autre, fait désormais figure d’épidémie mondiale – avec un Français sur deux en surpoids et un sur six souffrant d’obésité, notre pays n’est pas parmi les mieux lotis –, elle n’est pas tout à fait une nouveauté dans l’histoire de l’humanité. La Vénus de Lespugue, première représentation (25 000 ans avant notre ère) en trois dimensions de formes féminines très, très généreuses est, pour le professeur Alain Froment, du musée de l’Homme, sans doute un fantasme de fertilité. Nos ancêtres du pré-Paléolithique (de - 7 à - 3 millions d’années), essentiellement végétariens, ne risquaient guère l’embonpoint. Non plus que ceux du Paléolithique (- 3 millions à - 10 000 ans), luttant contre le refroidissement climatique à l’aide de viandes cuites. En revanche, au Néolithique (sédentarisation, élevage, stratification sociale, alimentation à base de céréales et de lait...), tout bascule, si on ose dire, et débute l’histoire des kilos en trop. Et celle des régimes alimentaires ? Sans doute pas encore (pendant longtemps, être gros, c’est être puissant) mais ce n’est pas d’hier non plus. C’est un certain William Banting qui inaugure cette vogue en 1863. Cet ordonnateur des pompes funèbres de la cour d’Angleterre, complexé par son poids, trouve un sauveur en le docteur William Harvey (pourtant ORL !). Sa Letter on Corpulence, publiée alors qu’il s’est délesté de 30 à 40 kg et dans laquelle il détaille son régime, sera un best-seller en Europe, adopté, dit-on, par Napoléon III ou Émile Zola.

De l’obésité au diabète – l’une de ses maladies corolaires –, on retrouve, par l'un de ces étranges hasards de l’histoire, un autre Banting – Frederick, celui-là –, Canadien, chirurgien orthopédiste, têtu et ingénieux, récompensé d’un prix Nobel plus qu’amplement mérité : la substance qu’il parvint, dans des conditions étonnantes, à isoler dans les années 20 et qu’il nomma l’insuline sauve, chaque année, la vie de 440 millions de malades dans le monde. L’exemple du diabète montre bien, du reste, qu’en matière d’alimentation, c’est-à-dire finalement de chimie, l’équilibre est de rigueur et que les carences et les excès font tout autant de ravages. C’est ainsi que l’on apprendra, dans ce numéro d’Aventures de médecine, comment un remède de grand-mère à base de cendres d’éponge mit, en 1820, Jean-François Coindet, médecin genevois, sur la piste du traitement du goitre, comment fut inventée, puis oubliée, la teinture d’iode et comment les « crétins des Alpes » et deux médecins généralistes sont responsables de l’apparition du sel iodé sur les tables et dans les cuisines du monde entier. On apprendra encore pourquoi le Béribéri (qui n’est pas une danse indonésienne) a donné son nom à une vitamine et même comment un confiseur parisien, sous la Révolution française, inventa la conserve alimentaire, remède au scorbut… et à l’envie de consommer des fruits et légumes toute l’année.

L’alimentation étant à mi-chemin du plaisir et de la santé, il n’est pas étonnant que le surpoids interroge à la fois la diététique et la médecine. Et tandis qu’à Eugénie-les-Bains, le chef Michel Guérard relève le défi d’une gastronomie respectueuse du corps (sauce béarnaise sans beurre, vinaigrette allégée en huile, desserts sans sucre), à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière s’esquissent de nouvelles pistes – traitement génétique de certaines formes d’obésité, modification de la flore intestinale à l’aide de médicaments pré et probiotiques – et donc de nouveaux espoirs...
 

Christophe Kechroud-Gibassier

Un film de Jean-Marie Pernaud et Marie-Sophie Tellier avec Timothée Dereix
Réalisé par Bernard Faroux
Sur une idée originale de Michel Cymes
Rédacteur en chef : Gaël Chauvin
Produit par Pulsations
Avec le soutien du CNC et France Télévisions