Le Ku Klux Klan est le plus ancien groupe terroriste des États-Unis. Cette société secrète née en 1865 a traversé les décennies et a toujours su renaître de ses cendres. Cent cinquante ans de haine, de racisme et d'horreur. Une histoire cruelle dont les démons hantent toujours l'Amérique.
Naissance d'un empire invisible
Partie 1
En 1865, une poignée de vétérans sudistes de la guerre de Sécession fonde une société secrète : le Ku Klux Klan. Très vite, le Klan fait régner la terreur parmi les Noirs récemment affranchis. Meurtres et lynchages se multiplient. À Washington, le Congrès lance l’offensive contre l'empire invisible, qui est officiellement détruit en 1872. Le Ku Klux Klan renaît en 1915 grâce au film Naissance d'une nation de David W. Griffith. Sous l’impulsion de ses leaders, il s'adapte à une Amérique en pleine mutation et élargit son commerce de haine. Le KKK devient anti-immigrant, anti-urbain, anti-communiste, antisémite et anticatholique… Près de 4 millions d’Américains rejoignent ce qui est devenu une organisation de masse au lobbying très influent. Mais, à la fin des années 1920, scandales et crise économique affaiblissent le mouvement, qui finit par disparaître après la Seconde Guerre mondiale.
Résurrections
Partie 2
Confronté au mouvement des droits civiques, le Ku Klux Klan est de nouveau en ordre de marche dans le sud des États-Unis. Avec la complicité des autorités locales, les partisans de la suprématie blanche se déchaînent dans les années 1960 : attentat contre l’église de Birmingham, assassinats de militants des droits civiques. Leurs crimes choquent l’opinion publique. Sous la pression politique, le FBI passe à l'offensive. Résultat : dans les années 1970, le Klan ne compte plus que quelques milliers d'adhérents. Un nouveau leader, David Duke, tente un temps de lui donner une forme de respectabilité, mais la terreur fait toujours partie de l'ADN de l'organisation. Peu à peu, les Klansmen troquent leurs cagoules contre des treillis et des tatouages à croix gammées... Dans l’Amérique de Donald Trump, le Klan et d'autres groupes suprémacistes gonflent à nouveau leur rang.
2 x 52 min
Un film de
David Korn-Brzoza
Narrateur
Lucien Jean-Baptiste
Conseiller historique
Pap Ndiaye
Productrice
Dominique Tibi
Produit par
Roche Productions
En coproduction avec
ARTE France
Et avec la participation de France Télévisions
Avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l'Image animée, de la Procirep, Société des producteurs et de l'Angoa
2020
Entretien
Avec Lucien Jean-Baptiste, comédien et narrateur du film.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter d’interpréter la narration du film ?
Lucien Jean-Baptiste : J’avais déjà travaillé avec David Korn-Brzoza sur son documentaire au sujet de la décolonisation et je connais donc l’objectivité et le talent avec lesquels il aborde ces sujets sensibles et clivants. Participer à ce projet est l’occasion d’approfondir ses propres connaissances et de découvrir un autre point de vue. Le rôle de narrateur est celui d’un passeur, qui aide à l’entendement. Avec le temps, beaucoup de folklores et de mythes se sont construits autour du Ku Klux Klan. Le clan se résume malheureusement trop souvent à un drap blanc et deux trous pour laisser passer le regard « noir » de ces monstres. De Naissance d’une nation à Django, qu’avons-nous appris sur le KKK ? Prophétiser ou tourner en ridicule, l’approche du mouvement reste incomplète voire mensongère. Faire partie de ce projet était un moyen pour moi de comprendre cette terrible période de l’histoire, cela m’intéressait de savoir (étant en première ligne) qui étaient ces gens et de découvrir finalement le fond de leurs motivations.
Connaissiez-vous l’histoire du KKK ? Qu’avez-vous découvert ?
L. J.-B. : Ce que j’ai découvert, c’est comment les choses ont pris forme, comment un groupe d’hommes se réunissant pour échanger, discuter autour d’un verre a pu atteindre un tel niveau d’horreur. J’ai également découvert l’impressionnant parallèle que l’on peut faire avec la construction des partis politiques d’aujourd’hui, qu’ils soient extrêmes ou non. La communication, avec ses outils marketing naissants, était déjà utilisée avec efficience pour manipuler ou attirer de nouveaux membres, le mécanisme de l’horreur ! Le plus effrayant, c’est que les cendres sont encore chaudes et qu’il suffit de peu pour tout raviver. Alors puisse des documentaires comme celui-ci nous aider à réfléchir pour contenir l’horreur.
En quoi ce film vous touche-t-il ?
L. J.-B. : La bête refait toujours peau neuve. Ce film me touche à deux niveaux. Effectivement, on y voit l’horreur et la monstruosité de ces individus… Alors qu’en 2020 on arrive encore à élire aux États-Unis des personnes qui connaissent l’histoire du KKK mais qui légitiment ses actions. Après, le film montre aussi que le KKK est toujours tombé sur des personnes prêtes à lui résister et qui ont réussi, à défaut de totalement éliminer la bête, à la dénoncer et à la limiter. Le combat continue !
Les intervenants
Adam Green
Adam Green est professeur d’histoire africaine-américaine et d’histoire urbaine à l’université de Chicago. Il est aussi en charge du programme d’histoire orale sur la présidence de Barack Obama. Il est l'auteur de Selling the Race : Culture and Community in Black Chicago, 1940-1955.
Avery Rollins
Avery Rollins a travaillé trente ans au FBI. Il a grandi et fait ses études dans le Mississippi. Il était à l’université au moment où James Meredith a été admis sous protection militaire à l’Université du Mississippi. C’était le premier étudiant afro-américain. Rollins avait alors 24 ans.
Bernard Lafayette Jr
Bernard Lafayette Jr, militant des droits civiques proche de Martin Luther King et partisan de la non-violence. Pendant l’été 1961, il participe aux « Freedom Rides » avec des militants qui descendent dans les États du Sud pour faire appliquer les droits des Noirs et les enregistrer sur les listes électorales. C’est à cette occasion qu’il est menacé par le Ku Klux Klan qui lutte pour maintenir la ségrégation.
Bill Baxley
Bill Baxley, ancien procureur de l’État d’Alabama (1971-1979). À l’âge de 28 ans, il devient le plus jeune procureur de l’histoire des États-Unis. Sa première action en tant que procureur a été de réouvrir l’enquête de l’attentat de l'église baptiste de la 16e Rue, qui avait entraîné le décès de quatre fillettes afro-américaines. Le meurtrier a finalement été arrêté. Son implication contre le Klan lui a valu de nombreuses menaces.
Cecil Moses
Cecil Moses est un ancien agent de FBI où il a travaillé pendant quarante-deux ans. Il était en poste à Jackson, Mississippi, en tant que street level special agent. Il collectait des informations pour avoir les noms des membres du Klan. Grâce à un informateur, il a trouvé la cachette de la liste des membres. C’est comme ça qu’il a pu démanteler le KKK dans le Mississippi, à savoir 5 500 membres, dont des policiers et des bikers. Il était aussi l’agent du FBI chargé de la division de Charlotte, Caroline du Nord, lors du massacre de Greensboro.
Chris Buckley
Chris Buckley est un ancien membre du Klan. Après avoir servi dans l’armée en Afghanistan pendant trois ans, il a décidé de rejoindre les Georgia White Knights après les attentats du 11 Septembre. Il en est devenu rapidement Imperial Nighthawk. Après trois ans dans le Klan, il en est sorti grâce à Arno Michaelis, un ancien néo-nazi qui fait aujourd’hui de la prévention. Il fait partie de l’association « Parents for Peace » qui lutte contre l’extrémisme.
Dale Long
Dale Long est un des survivants de l’attentat de l'église baptiste de la 16e Rue. Il connaissait les victimes et était présent dans l’église le jour de l’attentat. Il jouait de la clarinette dans l’orchestre de l’église (comme l'une des quatre victimes). Il avait 11 ans à l’époque et était accompagné de son petit frère.
David Cunningham
David Cunningham est professeur à l’Université Washington de Saint Louis, Missouri. Spécialiste du Vieux Sud à l’époque des droits civiques. Il est l’auteur de Klansville, U.S.A. : The Rise and Fall of the Civil Rights-Era Ku Klux Klan (2013) sur le Klan des années 1960, adapté en documentaire sur la chaîne PBS, et de There’s Something Happening Here. The New Left, the Klan, and FBI Counterintelligence (2005) sur la traque du Klan par le FBI.
Elaine Frantz
Elaine Frantz est historienne de la violence, du genre et de la race au XIXe siècle. Elle a récemment publié un livre sur le Ku Klux Klan après la guerre civile : Ku-Klux : The Birth of the Klan during Reconstruction (University of North Carolina Press, 2016) qui interroge les origines de la naissance du Ku Klux Klan dans la période de la reconstruction qui a suivi la guerre de Sécession.
Linda Gordon
Linda Gordon est professeure d’histoire à l’université de New York, auteure du livre The Second Coming of the KKK : The Ku Klux Klan of the 1920s and the American Political Tradition (2017) qui retrace l’histoire du deuxième Ku Klux Klan dans les Années folles. Elle est aussi spécialiste du féminisme (ouvrages sur l’histoire du contrôle des naissances aux États-Unis, sur la photographe Dorothea Lange...).
Mark Potok
Mark Potok est un journaliste et expert de l’ultra-droite basé à Montgomery, Alabama. Il a travaillé pour le Southern Poverty Law Center, ONG spécialisée dans la surveillance des groupes d’extrême droite, pendant plus de vingt ans. Il donne régulièrement des conférences en Amérique du Nord et en Europe pour alerter l’opinion sur la montée de l’extrémisme.