Iran, le réveil d’un géant

Un marché de 80 millions d’habitants, un sous-sol regorgeant d’hydrocarbures, des ressources minières considérables et encore largement inexploitées… L’incroyable potentiel de l’Iran fait tourner la tête des investisseurs du monde entier, mais l’ancienne Perse doit encore et toujours remiser ses rêves d’essor économique et d’ouverture. Depuis la chute du chah et l’instauration de la République islamique en 1979, l’Iran est tout à la fois fermé de l’intérieur, isolé sur la scène internationale et cerné par les conflits. Un régime islamique intransigeant mène le pays d’une main de fer sous l’œil vigilant des Gardiens de la révolution. Leur rôle, gravé dans la Constitution, est de protéger les fondements de la révolution et ils ont construit autour de leur puissance une redoutable machine de propagande idéologique et religieuse.

Dès son arrivée au pouvoir, l’ayatollah Khomeyni fait aussi part de son désir d’élargir son projet théocratique à l’ensemble du monde musulman pour parvenir à une révolution islamique globale, chiites et sunnites réunis sous une même bannière anti-impéraliste et anti-sioniste. L’Irak de Saddam Hussein répond en envahissant l’Iran. Mais la déclaration de guerre du voisin honni ne parvient qu’à exalter le sentiment nationaliste. La population iranienne est galvanisée par un sentiment d’injustice et de légitime défense que son Guide suprême sait transformer en un fervent sentiment d’adhésion populaire à la révolution islamique. Au-delà de ses frontières, l’Iran met en place un système d’alliances, s’appuie sur la Syrie, soutient des groupes armés, au premier rang desquels le Hezbollah libanais, et se voit attribuer la responsabilité d’attentats sanglants et de prises d’otages.

Pointé du doigt et bientôt considéré comme l’un des tenants de l’« axe du mal » par les États-Unis, l’Iran est mis au ban des nations lorsque son programme nucléaire secret est mis au jour. Lassés d’être sous surveillance et ostracisés, les Iraniens tournent désormais le dos aux conservateurs. Malgré l’accession au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad en 2005, les élections des modérés Mohammad Khatami (élu en 1997) et Hassan Rohani (élu en 2013, réélu en 2017) expriment comme jamais les aspirations progressistes de la société iranienne. La dimension autoritaire du pouvoir iranien s’en trouve ces dernières années sensiblement adoucie, tandis que les réformateurs, pragmatiques, multiplient les gages de bonne volonté à la communauté internationale, sur la question nucléaire notamment. Et si l’heure du réveil avait enfin sonné ?

Jean-François Parouty