Nus & Culottés

Entretien avec Nans et Mouts

Nus & Culottés a maintenant 10 ans. Avez-vous un souvenir particulièrement marquant ?

Nans : Lors de la saison 6, nous avions un objectif : aller offrir une chanson à Lynda Lemay, la chanteuse canadienne. Jusqu’au dernier jour, nous ne savions pas ce que nous lui interpréterions, ni si nous réussirions à la rencontrer. Par je ne sais quelle magie, on a croisé son chemin et la chanson a finalement été écrite en « cadavre exquis », avec des mots donnés par des passants dans la rue. Quand nous la lui avons interprétée, elle s’est mise à pleurer en disant : « Cette chanson, j’ai l’impression que c’est mon père qui l’a écrite pour moi. » Cette soirée et ses mots nous ont beaucoup émus. Cela reste un souvenir très spécial. 

 

Avez-vous déjà envisagé d’arrêter un voyage ?

Mouts : On vit des moments de découragement et de désespoir dans tous les voyages, mais je ne dirais pas qu’on a été jusqu’à vouloir arrêter. Être deux est une force, alors quand l'un perd espoir ou faiblit, l’autre l’aide à se relever. Et inversement. C’est ce que l’on appelle, entre nous, le syndrome du capitaine.

 

Ça ne se voit pas du tout à l’écran…

Mouts : Les difficultés sont visibles lorsque Jamel (hôte dans l’épisode Prélude pour un glacier - saison 10) appelle tout son répertoire sur le port de Cannes pour nous aider. En vain. Cependant il est vrai qu’on a fait le choix de ne pas tout montrer. Nus & Culottés est un programme qui témoigne de la France qui ouvre sa porte. Si les gens ne le font pas, c’est qu’ils ont une bonne raison, et on va simplement demander joyeusement à la personne suivante.

« Nus & Culottés est un programme qui témoigne de la France qui ouvre sa porte. »
Mouts

Votre caméra est-elle toujours allumée quand vous demandez de l’aide ?

Mouts : Oui, bien sûr ! 

 

À votre avis, cela a-t-il un impact sur la réponse des gens ? La caméra peut-elle inciter à dire « oui » ? 

Nans : Effectivement, c’est une question que l’on s’est posée. Pour y répondre, on a fait ces mêmes voyages sans caméra, et les rencontres ont été du même acabit, voire plus intenses. Le dispositif constitue une charge matérielle et mentale très lourde qui rend potentiellement moins disponible à la rencontre. La caméra peut même se révéler un handicap, car elle suscite parfois de la méfiance. C’est très intime d’inviter deux inconnus chez soi. Cela nécessite une grande confiance. En fait, ce qui est important, c’est l’intention. 

 

Mais êtes-vous toujours des « inconnus » ?

Mouts : Pour beaucoup, on reste des inconnus ! Même si certains nous reconnaissent, cela reste une difficulté car on doit s’assurer qu'ils ne nous accueillent pas à cause de la caméra et avec l'idée de passer à la télé. Auparavant, on était très stricts sur cette règle. Aujourd’hui, on s’autorise davantage à aller chez les gens qui nous connaissent, car on s’est rendu compte que dans tous les cas ils sont bienveillants. 

Comment amener les gens à vous faire confiance ? 

Mouts : Cela passe beaucoup par le sourire et la clarté de nos intentions. Encore aujourd’hui il nous arrive de dire que l’on cherche un logement, alors qu’on a surtout faim. Il y a des demandes qu’on apprend encore à assumer. 

Nans : On a beaucoup travaillé sur la formulation des demandes, ainsi que sur le fait de recevoir un « non » sans le voir comme un rejet.

Mouts : On s’amuse à dire aujourd’hui que la route est notre « espace sacré dans lequel on apprend la liberté ». Concrètement, à être libres de demander quelque chose et laisser la liberté à l’autre de refuser. 

Nans : On pourrait dire que le mantra de Nus & Culottés est « s’il vous plaît ». Au sens propre du terme : si cela vous plaît, si cela vous fait plaisir. 

« On pourrait dire que le mantra de Nus & Culottés est “s’il vous plaît”. »
Nans

Comment gérez-vous tous les témoignages des personnes que vous rencontrez ? 

Nans : Pendant le voyage, nous prenons des temps de pause, qu’on ne filme pas. Nous débriefons au moins deux heures par jour pour partager et mettre des mots sur ce qu’on a vécu. Au début, nous connaissions mal le rythme de notre cœur. Nous enchaînions les rencontres et à la fin nous étions épuisés, et notre cœur anesthésié. Au fil des années, nous avons appris à contrôler ce rythme. Aujourd’hui, nous laissons du temps à la solitude et au silence pour nous rendre toujours disponibles à la prochaine rencontre ou au prochain témoignage que nous recevrons. 

Mouts : Nous avons aussi réappris à pleurer. Lorsqu’on fait face à des témoignages poignants, on ne peut rester insensibles, alors on fait preuve d’empathie. Pour l’un comme pour l’autre, c'est devenu un moyen nécessaire pour évacuer nos émotions. 

 

Vous avez pour habitude d’offrir des cadeaux aux gens qui vous aident. Pouvez-vous nous parler de cette tradition ? 

Nans : C’est un rituel qui paraît anodin mais qui est important pour nous. Lorsque l’on est témoin d’histoires tragiques, le cadeau permet de transformer la lourdeur de ce qu’on a reçu, et qui pèse sur le cœur, en quelque chose de beau. C’est une manière de transformer la souffrance en beauté et, en même temps, de remercier.

Mouts : Nous remercions sincèrement la personne, en lui fabriquant un cadeau qui lui ressemble. Par exemple, pour Stéphane (hôte à Castellane dans l’épisode Concerto pour un glacier - saison 10) : un arbre de papier, fragile, qui ne demande qu’à fleurir. Avant, par fainéantise ou empressement, nous négligions de le faire. Aujourd’hui, on comprend qu'en faisant un cadeau à l’autre, on s'en fait un à nous-mêmes et à la relation. 

 

Gardez-vous contact avec certaines personnes rencontrées sur le chemin ? 

Nans : Nous avons rencontré environ 2 000 personnes et maintenu un contact avec une vingtaine d’entre elles. Au-delà de la complexité de conserver un lien avec toutes, nous aimons garder cet esprit vagabond. Lorsque l’on rencontre quelqu’un, on aime que ce ne soit pas dans le temps, mais dans l’instant. On préfère avoir conscience de la fin, ce qui nous ramène à l’essence même de la vie. 

 

Et le prochain voyage, où est-il prévu ? 

Mouts : C’est encore en réflexion. D’ailleurs, dans notre démarche, il y a quelque chose de très important. C’est la posture du vagabond qui nous habite pendant ces voyages : s’il anticipe ou prépare trop, il passe à côté des miracles. Pour notre équipe comme pour nous, c’est vertigineux. Or, si tout était calé, l’émission n’aurait pas la même saveur. Nous sommes trop souvent rattrapés par nos habitudes sédentaires, nous voulons prévoir, anticiper et figer les choses.

Nans : Il y a plus de moments où nous ne savons pas, où nous n'anticipons rien que l’inverse ! C'est ainsi que la magie opère ! 

 

Propos recueillis par Margaux Karp

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