Pour la rentrée de « Place au cinéma », Dominique Besnehard a sélectionné un film qui sent encore bon les vacances : « Conte d’été », d’Éric Rohmer. Ce troisième volet du cycle des « Contes des quatre saisons » du réalisateur, sorti en 1996, est une chronique estivale et sentimentale plus profonde qu’il n’y paraît.
Rentrée cinéma sur France 5 sous le signe de la Nouvelle Vague. Dominique Besnehard propose de (re)découvrir Conte d’été d’Éric Rohmer. Après Conte d’hiver et Conte de printemps, le réalisateur s’attaque donc à la période estivale avec une Bretagne idyllique en toile de fond. Nouvelle Vague oblige, la forme du film a quelque chose de déstabilisant au premier abord : le 16 mm et son format 4/3, l’absence de figurants professionnels et le tournage en extérieurs donnent à ce Conte d’été des airs de film de vacances amateur. Des plans fixes, pas de musique off et des dialogues très littéraires parachèvent de lui donner un aspect unique et envoûtant.
Malgré un érotisme discret — les corps se tournent autour et ne font que se frôler —, la quête du sentiment prévaut sur la passion. À la manière d’un personnage sorti d’une pièce de Marivaux, Gaspard (Melvil Poupaud) semble plus motivé par l’amour que par le sexe. Le langage prude et suranné n’est certainement pas celui des jeunes étudiants des années 1990 (on parle de « bagatelle » et d’« amoureuse »). Mais Rohmer n’a rien d’un naturaliste et Conte d’été n’a pas pour ambition de croquer les mœurs d’une certaine jeunesse. La forme particulière du film le rappelle, chez lui tout est affaire de dialogue et seule la vérité énoncée compte, comme pour souligner l’universalité du jeu de la séduction.
Finalement, le personnage de Gaspard se perd dans l’honnêteté de son propre discours. Comme si, pour Rohmer, le langage de l’amour était changeant et détenait une vérité éphémère. Ce qui est avancé par Gaspard au début du film est rendu caduc à la fin. Une tergiversation sentimentale qui résulte de sa lutte à rester de bonne foi face à chacune de ses prétendantes. Car en choisir une signifie trahir les deux autres. Ce qui crée une certaine gravité, contraire à la légèreté que supposent les amourettes d’été. On prend donc beaucoup de plaisir à voir ce personnage manier le pragmatisme amoureux, et finir par se défiler quand il se rend compte qu’une telle chose n’existe pas !
Ludovic Hoarau
Film (France)
Durée 113 min
Réalisation Éric Rohmer
Production Les Films du Losange
Année 1996
Avec Melvil Poupaud, Amanda Langlet, Gwenaëlle Simon, Aurélia Nolin…
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