Qui es-tu Marianne ?

Elle est fille de Jupiter et Junon, celle qui inspire les révolutionnaires de 1792, pétris de tradition antique. La déesse Libertas est « une femme qui n’est pas esclave, qui vit dans l’insouciance et dans la joie », explique Mathilde Larrère, historienne des révolutions et de la citoyenneté. Cette figure féminine de la liberté devient celle de la République française. Son bonnet phrygien est « le pileus que remettaient les Romains aux esclaves affranchis ». Son prénom évoque ceux de la Vierge et de sa mère, Marie et Anne, qui étaient aussi très fréquents à cette époque. Les représentations de Marianne, tour à tour célébrée et outragée, mais toujours debout, se déclinent à l’infini. Aujourd’hui, redevenue très moderne, elle est brandie comme un étendard de liberté et d’égalité.

Marianne comme expression de la foi républicaine

Pour comprendre comment ce symbole a évolué au fil des secousses de l’histoire, la réalisatrice questionne passionnés, historiens, responsables politiques, artistes ou journalistes. Marianne se raconte ainsi au fil de diverses rencontres, d’archives souvent décalées et prêtant à sourire et d’iconographies la montrant adulée ou détestée… du tableau de Delacroix à la Marianne de la diversité au XXI^e siècle, en passant par la mère nourricière de Daumier ou le buste starisé prenant pour modèle des célébrités. « Dessiner une Marianne, c’est un exercice très compliqué, explique le maître graveur à la Monnaie de Paris Joaquin Jimenez. Elle doit représenter les valeurs de la République en restant féminine, évoquer la force mais aussi la douceur. » Depuis 1880, Marianne s’est imposée comme un « emblème militant de la République en construction ». Aujourd’hui, rien n’oblige les maires à l’exposer, et libre à eux de choisir leur buste. Pour celui qui se définit lui-même comme « le plus grand collectionneur de Marianne », le journaliste Pierre Bonte, « elle est restée à la disposition de tous librement. Il n’y a pas de modèle officiel de Marianne, et chacun peut la représenter telle qu’il la ressent… C’est l’expression de la foi républicaine ». 
Longtemps prisonnière des carcans dans lesquels certains courants avaient voulu l’enfermer, elle incarne à nouveau une figure de combat, érigée symboliquement lors des rassemblements populaires qui ont suivi les attentats de 2015. « C’est une figure plus consensuelle, analyse Guillaume Doizy, spécialiste de l’histoire du dessin de presse et de la caricature, puisqu’elle n’incarne plus les divisions politiques. »
Pour donner une dimension interactive au documentaire, un hashtag a été créé : #NousSommesTousMarianne. Une façon de donner la parole à tous ceux qui se reconnaissent aujourd’hui dans l’idéal de liberté de Marianne.

Anne-Laure Fournier