
Entre février et octobre 1917, la Russie connaît une période marquée par l’insurrection populaire. Basé sur des images d’archives et des extraits des chroniques d’un journaliste français installé à Petrograd, ce film revient, un siècle plus tard, sur ces neuf mois de troubles et d’aspirations démocratiques qui ont précédé la révolution bolchevique.
En février 1917, l’armée impériale russe, qui se bat contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie depuis près de trois ans, manque cruellement de munitions, d’équipement, de nourriture… Les offensives ennemies ont fait des centaines de milliers de victimes parmi ses troupes, pourtant jusqu’alors réputées invincibles. Loin du front, à Petrograd, les conditions de vie sont elles aussi de plus en plus difficiles, comme en témoigne Claude Anet, le correspondant du journal Le Petit Parisien : « Ces jours derniers, les queues sont interminables à la porte des boulangeries ; il n’y a plus de farine ; on entend des protestations monter de la foule ; les femmes tremblent de froid, les enfants s’évanouissent. » Installé dans la capitale impériale, l’actuelle Saint-Pétersbourg, le journaliste français ne sait pas encore qu’il a rendez-vous avec l’histoire. Pendant plusieurs mois, il va assister en direct à l’un des bouleversements majeurs du XXe siècle. Ses chroniques, précieuses, illustrent le cours des événements, tout au long de ce documentaire.
Des tensions de plus en plus fortes
Entrée dans la modernité en quelques années, la Russie tsariste, dirigée d’une main de fer par Nicolas II, conserve des inégalités criantes : à la campagne, malgré le bon rendement des terres agricoles, les paysans ont du mal à survivre ; en ville, les ouvriers sont exploités et traités à peine mieux que des animaux. Tout soulèvement est sévèrement réprimé. Les opposants au régime, dont certains déjà célèbres, militent depuis l’étranger, à l’instar de Léon Trotski, qui a trouvé refuge aux États-Unis après s’être évadé de Sibérie, ou de Lénine, exilé en Suisse. Héraut de la pensée marxiste, ce dernier ne croit pas pouvoir vivre « assez longtemps pour voir la révolution ». Pourtant, elle est en train de germer à Petrograd même, où deux mondes se font face, séparés par la Neva : la rive nord abrite les quartiers ouvriers (Vyborg), tandis qu’au sud se concentrent les organes du pouvoir. Dans la cité des tsars, la situation ne cesse d’empirer, comme le décrit Claude Anet, à la fin février : « La crise des transports est aiguë, le charbon n’arrive pas en quantité suffisante et des usines travaillant pour la défense nationale ont dû ralentir la production ou fermer. »
La révolution en marche
Faute de matière première, des milliers de salariés se retrouvent ainsi sans travail. Très vite, la révolte gronde et se propage sur l’ensemble de la ville. En l’absence du tsar, pour contenir les débordements, on isole les quartiers populaires en fermant les ponts sur la Neva. Mais on oublie qu’à cette époque de l’année, le fleuve est gelé ! Après les femmes, qui descendent en masse dans la rue, ce sont plus de 200 000 personnes qui manifestent le 24 février. La révolution est en marche.
Tandis qu’à la Douma — le Parlement —, les députés s’insurgent enfin contre le tsar, dans une salle voisine, soldats et ouvriers élisent 600 délégués pour les représenter : le soviet de Petrograd. Nicolas II se voit contraint d’abdiquer. Pour ceux qui ont contribué à renverser le régime, il s’agit désormais de gouverner et de concilier deux visions de l’avenir : celle des députés de la Douma, d’une Russie capitaliste et libérale, et celle des membres du soviet, à majorité socialiste, qui aspirent à plus d’égalité et de justice. Le premier gouvernement provisoire prend en quelques semaines des mesures extraordinaires. L’espoir est immense. À New York et à Zurich, Trotski et Lénine, enthousiastes, prennent le chemin du retour…
Beatriz Loiseau

Documentaire
Durée 52 min
Auteur-réalisateur Bernard George
Narration Philippe Torreton
Production Cinétévé, avec la participation de France Télévisions
Année 2017
#lacasedusiecle