ILLEGITIME

Illégitime

Interview de Thierry Neuvic

Thierry Neuvic incarne Stéphane, un quadragénaire associé à son père et propriétaire d’un tabac de la banlieue défavorisée de Lille. Un personnage déchiré par la culpabilité, écartelé entre son père et sa maîtresse, interprétée par Rachida Brakni…

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le personnage de Stéphane ?
Ce qui m’a touché, c’est ce choix impossible. J’aime beaucoup les personnages qui sont plongés dans des dilemmes inextricables. Renier son père ou renier son amour, c’est impossible. C’est comme demander à un enfant s’il préfère son père ou sa mère, c’est invivable, horrible, c’est un cœur qu’on déchire en deux. C’est un postulat de départ stimulant, car il permet de jouer des émotions d’une richesse folle.

Existe-t-il des similitudes entre Stéphane et vous ?
J’ai grandi dans ces quartiers. L’environnement ne me correspondait pas, je ne comprenais pas la tournure que prenaient les choses. J’ai pris la décision de changer radicalement de vie. J’ai pu avoir le choix que lui n’a pas eu. Cet univers de banlieue, je le connais bien, j’y ai passé beaucoup de temps. Tout ça fait que le projet me touchait particulièrement.

Vous avez retrouvé également pas mal d’« anciens collègues » sur ce film…
Quel bonheur de travailler à nouveau avec Renault Bertrand*, que j’aime énormément et qui est toujours investi dans ce qu’il fait. J’ai également retrouvé Rachida Brakni, que j’apprécie beaucoup aussi. Et puis Guy Marchand ! Je joue son fils, et ça c’est un plaisir sans nom ! Il est extraordinaire, c’est un personnage, un grand acteur, concentré, généreux ! J’avais joué à ses côtés à mes tout débuts dans un épisode de Fargas, je ne sais même pas s’il s’en souvient. Je tournerais encore avec lui demain et après-demain… si on me le demandait.

Quel regard portez-vous sur ce genre de fait divers ?
C’est très compliqué. Dans la mesure où des deux côtés, chacun possède une arme, ça signifie que, quoi qu’il arrive, il y aura un dégât irréversible. Ça pose le problème des quartiers à l’abandon. L’interprétation change selon les endroits où l’on vit. Il y a des endroits où ce fait serait considéré comme un cas de légitime défense, ailleurs non. Comment se placer quand les protagonistes sont des proches ? Si c’est votre père ? Comment voulez-vous juger, décider ? C’est impossible et c’est bien ça qui m’a plu. Stéphane ne condamne pas son père, il ne renie pas non plus son amour. Mais il prend le parti d’une troisième voie en allant dénoncer ceux qu’il juge responsables de ce drame. Quelle autre voie emprunter que celle-là ? Trouver la source de ces maux, c’est tout ce qu’il peut faire. Mais dans des quartiers à l’abandon où les armes circulent, ces choses-là arrivent tous les jours. Si ce n’est pas à lui, c’est à d’autres.

La misère sociale de ces quartiers sert de toile de fond à l’intrigue, mais le scénario ne fait qu’effleurer la question politique. Comment l’expliquez-vous ?
Les personnages eux-mêmes ne se posent pas la question du politique. Eux, c’est de la chair, de l’émotion ! Et c’est ça, la force du film. Ça aurait été curieux que ces personnages se mettent à parler de politique à un moment où l’émotion.

Propos recueillis par Ludovic Hoarau

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