Plein soleil

Plein soleil est la première adaptation du célèbre Monsieur Ripley, le roman de Patricia Highsmith, récompensé en France en 1957 par le grand prix de littérature policière. Son cynique et distingué Tom Ripley demeure l’un des personnages les plus extraordinaires du roman policier.

Greenleaf, un milliardaire américain, envoie en Italie Tom Ripley, un ami d’enfance de son fils, Philippe. Sa mission, qui doit rapporter gros ? Ramener à San Francisco l’enfant prodigue, celui-là même qui doit en finir avec ses vacances de patachon auprès de Marge, sa jolie maîtresse, incarnée par l’incandescente Marie Laforêt. Mais Tom comprend vite qu’il ne pourra jamais décider Philippe à rentrer au pays.

Le ton est donné dans les premières scènes du film lorsque Tom Ripley, divinement incarné par Delon, achète la canne blanche d’un aveugle pour draguer une fille grâce à son handicap imaginaire, avant de mimer son ami Philippe Greenleaf et d’embrasser son propre reflet dans le miroir. Cet homme double, et sans doute pervers, pourrait bien vouloir usurper l’identité de son ami. Mais pourquoi ?

Les raisons premières se trouvent dans l’enfance des garçons. L’un était riche et distingué et l’autre « trop intelligent pour un pauvre », ce qui ne plaisait pas au père de Philippe. Autant de différences et de mépris qui ont façonné l’esprit de vengeance de Tom, son goût pour l’argent, pour une indispensable revanche sociale et pour la conquête de l’amour impossible.

Quand les deux hommes et Marge embarquent à bord d’un petit voilier, le couple domine clairement Tom, le plaçant en position de souffre-douleur et rendant la tension de plus en plus palpable et insupportable. Mais, peu à peu, Tom, fasciné et vampirisé par son rival qu’il veut égaler, devient à son tour dominateur, manipulateur puis meurtrier. Toute l’attention va désormais se porter, jusqu’à la fin du film, sur cet acteur inconnu, audacieux. Alain Delon entre ainsi dans la légende.

Ce film noir maîtrisé de bout en bout dérange par l’ambiguïté de ses personnages, à la fois attachants et détestables, et par son climat mélancolique et angoissant qui habite chaque séquence, que la mer menace ou pas. Un pur chef-d’œuvre porté par des comédiens hors pair.

France Hatron