Fini les vacances. Deux ans après sa disparition tragique, le plus sociopathe des détectives est de retour au bercail pour sauver l'Angleterre. « Pour résumer, je dirais : Pas mort ». Nous nous en doutions déjà bien un peu, mais il va y avoir des gens plutôt surpris. Troisième saison de la brillante série de la BBC signée Steven Moffat et Mark Gatiss. Avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman.
On se souvient qu’à la fin de la saison 2, Sherlock Holmes, au terme d’un combat mortel contre son sinistre ennemi Moriarty, disparaissait en se jetant du haut de l’immeuble Reichenbach à Londres — bel exemple de la méthode d’adaptation-transposition des créateurs de la série, La Chute du Reichenbach évoquant et détournant les chutes (d’eau) de Reichenbach où le détective était censé avoir trouvé la mort dans la nouvelle originale d’Arthur Conan Doyle. Évidemment, quelques images furtives nous avaient mis dans la confidence : tandis que le pauvre John Watson pleurait sans espoir son ami défunt, nous savions qu’il nous faudrait, quant à nous, seulement nous résoudre à un peu de patience.
Du reste, Steven Moffat, Mark Gatiss et la BBC eurent la bonne idée de faire circuler sur Internet à la fin de l’année 2013, quelques jours avant le lancement de la troisième saison, un hilarant mini-épisode de Noël titré Many Happy Returns et mettant en scène quelques indices d’un retour imminent du détective. The Game is Back On, prévenait un tabloïd de façon sibylline...
« Le jeu reprend » donc lorsque Mycroft Holmes (Mark Gatiss lui-même) sauve son frère cadet d’une très mauvaise passe, quelque part en Serbie, pour lui enjoindre de revenir aux affaires. Un réseau criminel menace la capitale anglaise et prépare une attaque de grande envergure... Avant toute chose, le détective décide de reprendre contact avec ses amis, à commencer par son ancien colocataire. Il choisit évidemment bien mal son moment — Watson, vieilli par le deuil et par une moustache qui lui va aussi bien qu’une casquette à la reine Elisabeth, s’apprête à demander la main de sa petite amie —, quant à la manière, eh bien, c’est la sienne : de l’humour et une totale absence de tact. Les retrouvailles s’avèrent plutôt fraîches et quelque peu... heurtées.
Si l’épisode Le Cercueil vide (The Empty Hearse) démarque habilement la nouvelle La Maison vide (The Empty House), il est aussi le prétexte pour Gatiss, qui signe seul le scénario, à quelques plaisanteries métafictionnelles. Ainsi, les différentes versions proposées de la méthode utilisée par Holmes pour survivre à sa chute présumée mortelle s’avèrent des hypothèses ayant réellement fleuri sur des sites de fans de la série après la diffusion de la saison 2. Quant à M. et Mme Holmes, qui font ici une brève apparition, avant de revenir plus longuement dans le troisième épisode, ils ne sont autres que M. Et Mme Cumberbatch... Pour couronner le tout, Amanda Abbington, qui interprète Mary Morstan, petite amie et bientôt épouse de Watson, est à la ville... la compagne de Martin Freeman !
Le mariage de John et Mary occupe justement une grande partie de l’épisode Le Signe des Trois, adaptation éblouissante (signée Stephen Thompson, Steven Moffat et Mark Gatiss) mais assez tirée par les cheveux du roman Le Signe des Quatre, antérieur à la nouvelle La Maison vide. Dans ce bouleversement de la chronologie holmésienne, il faut sans doute voir un indice un peu inquiétant ou un vrai-faux lapsus des scénaristes... Car si dans Le Signe des Quatre de Conan Doyle, Watson se marie bien, dans La Maison vide, il est déjà veuf. Et alors, si Mary Morstan est déjà morte, qui est vraiment, chez Moffat et Gatiss, celle qui devient madame Watson ?
Il faudra attendre le troisième épisode de la saison (écrit par Steven Moffat seul) pour le savoir. Son dernier coup d’éclat (His Last Vow) fait explicitement référence à la nouvelle Son dernier coup d’archet (His Last Bow) mais adapte plutôt librement Charles Auguste Milverton, enquête elle-même inspirée de la vie d’un célèbre escroc et maître-chanteur de l’époque victorienne, Charles Augustus Howell. Dans cet épisode, qui met en scène l’affrontement de deux intellects et de deux « palais mentaux », le Danois Lars Mikkelsen, très inspiré, incarne un salaud particulièrement abject et réjouissant. Par moments, il volerait presque la vedette à Benedict Cumberbatch. Il rachète en tout cas pour de nombreux fans le départ de la série d’Andrew Scott, BAFTA Award du meilleur acteur dans un second rôle en 2012 pour son interprétation survoltée de l’infâme James Moriarty. Mais patience...
Quelque part à mi-chemin entre les adaptations les plus fidèles de l’œuvre de Conan Doyle (la palme revient sans aucun doute à la série produite entre 1984 et 1994 par Granada Television pour ITV, avec l’indépassable Jeremy Brett) et les enquêtes fantaisistes et apocryphes (le chef-d’œuvre La Vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder se place largement en tête), Sherlock renouvelle à chaque saison l’exploit de mettre d’accord à la fois les holmésiens les plus pointilleux et les nouveaux venus dans l’univers du détective. Cela tient sans aucun doute à un mélange assez peu courant de respect, de liberté et d’intelligence, à cette fraîcheur de gamins iconoclastes et érudits qui ont longuement et patiemment démonté l’horloge pour la remonter à leur façon.
Christophe Kechroud-Gibassier
Deux ans après sa mort, Sherlock a été innocenté de toutes les accusations qui pesaient contre lui. Des fan-clubs ont fleuri un peu partout et nombreux sont ceux qui ne croient pas à sa disparition. Quand Sherlock revient à Londres après une mission en Serbie, il décide d'aller retrouver John lors de son rendez-vous avec sa fiancée Mary Morstan. Sherlock espère obtenir son aide pour empêcher un réseau terroriste de commettre un attentat à Londres...
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Réalisé par Jeremy Lovering.
Scénario de Mark Gatiss.
Avec Benedict Cumberbatch, Martin Freeman, Una Stubbs, Rupert Graves, Mark Gatiss, Amanda Abbington, Andrew Scott et Louise Brealey.