Retour sur une guerre des espions qui a opposé, pendant un demi-siècle, l’Est et l’Ouest. Berlin sera longtemps le terrain de jeu favori des deux grands blocs.
2 mai 1945. Le conflit mondial connaît ses dernières heures. Pourtant, les vainqueurs ne sont déjà plus des alliés. Car, sur les ruines d’un Berlin coupé en deux, un face-à-face va voir le jour. « Berlin-Ouest n’était pas situé n’importe où, mais en plein cœur du secteur d’influence soviétique, souligne Helmut Müller-Enbergs, historien spécialiste de la guerre froide. C’était une épine dans le pied des Russes. Une bombe à retardement qui n’allait pas tarder à exploser. La ville de Berlin allait-elle être absorbée par l’empire soviétique ou, au contraire, rester libre ? C’était cela, la ligne de conflit entre les services de renseignement américains et soviétiques dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. » Et en matière d’espions, l’Amérique a trente ans de retard, les Soviétiques disposant d’un service de renseignement depuis 1917. Cependant, ce sont les États-Unis qui remportent la première bataille. En 1948, les troupes russes tentent d’étouffer Berlin-Ouest avec un blocus. Mettant en place un pont aérien, les Américains parviennent ainsi à empêcher la ville de tomber sous contrôle soviétique. Mais le conflit entre les deux blocs n’en est qu’à ses débuts.
La Stasi, véritable armée de l’ombre
À Berlin, le KGB a un atout de taille : la Stasi. Dès 1958, Moscou place à la tête du service de renseignement est-allemand l’un de ses hommes : Markus Wolf. Surnommé « l’homme sans visage », l’espion le moins connu à l’Ouest a 5 000 agents dans toute l’Europe et dirige une véritable armée, composée de 90 000 employés et de 180 000 informateurs. Presque 3 % de la population est-allemande. « Wolf était un intellectuel, un de ces maîtres espions de la guerre froide, indique Douglas Selvage, directeur de recherche aux archives de la Stasi. Plus sa carrière avançait, plus il était efficace à espionner l’Ouest, à lui arracher des secrets technologiques. Il avait des espions très haut placés, notamment en Allemagne de l’Ouest. Par exemple, une source dans les services de renseignement ouest-allemands lui fournissait des rapports de l’Otan sur la politique de l’organisation, la stratégie militaire des Alliés et même des documents top secret de la CIA. »
Infiltrés au plus haut sommet de l’État
Une gigantesque collecte d’observations devenue capitale car, au début des années 1970, les États-Unis et l’URSS sont en pleine course à l’armement. Des agents de la Stasi réussissent même à infiltrer le plus haut sommet de l’État. Ainsi, Günter Guillaume entraîna dans sa chute le chancelier Willy Brandt, contraint de démissionner en 1974. « Nous étions plus forts parce que nous avions l’idéologie avec nous, ce qui n’était pas le cas de nos adversaires, explique Georgy Sannikov, ancien agent du KGB. Elle dictait les agissements de tous les agents de nos services secrets (…) Contrairement aux autres, ce sont nos idéaux qui nous motivaient. C’est probablement pour cela que nous travaillions mieux. Nous savions clairement quels étaient les intérêts que nous protégions. »
Pressions économiques, diplomatie secrète et espionnage furent les maîtres mots de cette guerre larvée qui ne se transforma jamais en conflit armé. En pénétrant dans l’intimité des espions, on découvre la face cachée de cette guerre souterraine et idéologique. Et que Berlin fut pendant cinquante ans le décor d’un roman d’espionnage à ciel ouvert.
Amandine Deroubaix
Collection documentaire
Durée 52 min
Réalisation David Muntaner
Production Babel Doc, avec la participation de France Télévisions et de la RTBF
Année 2015
Disponible en audiodescription
#duelsF5