Le nouveau numéro d’Aventures de médecine est consacré à la greffe. Michel Cymes narre la naissance et l’essor de la greffe d’organes et part à la rencontre d’Alexandra et d’Antonia, sur le point d’être opérées. Instructif, édifiant, et surtout bouleversant.
Au-delà des prouesses chirurgicales, la transplantation et la greffe représentent avant tout un acte d’amour et de générosité entre un donneur et un receveur. En France, 55 000 personnes vivent grâce à un don d’organe, un chiffre qui augmente grâce aux progrès de la médecine. Et quels progrès !
C’est à partir des années 40 et 50 que les opérations de transplantations et de greffes vont connaître un essor grâce à l’ingéniosité, l’audace et la pugnacité de médecins, tels, entre autres, le Dr Metras à Marseille, le Pr Hamburger et le Pr Dausset à Paris. Encore aujourd’hui, la médecine connaît des progrès spectaculaires grâce au Pr Brännström, en Suède, avec la greffe de l’utérus qui a permis à quelques femmes d’être mères.
Si la greffe, potentiellement perçue à l’époque comme un acte contre-nature, a depuis été reconsidérée, elle continue de susciter quelques réticences parmi la communauté médicale. La greffe d'utérus, précisément, aussi inattendue que particulière entre une donneuse vivante et une receveuse, a posé un dilemme éthique. Les risques, tout autant que les bénéfices, étaient alors inconnus des médecins, et trois vies étaient en jeu : celles de la donneuse, de la receveuse et du futur bébé. Fort heureusement, le succès de la greffe, couronné par une naissance, a balayé toutes ces réticences et, après la Suède, le Royaume-Uni et la France ont commencé à leur tour des essais cliniques.
N’importe quel organe peut être transplanté et greffé, mais cela n’est pas toujours aussi simple. Il faut se heurter à la difficulté de l’opération, aux conséquences possiblement néfastes avec le rejet du greffon, mais aussi à l’évolution des mentalités concernant le don d’organes.
Aujourd’hui, des résistances sont encore présentes : donner des organes d’un proche décédé reste encore difficile à concevoir ou à accepter. Dans chaque hôpital, une équipe d’infirmières et médecins est spécialement dédiée à la tâche, éminemment complexe, de demander à la famille son accord pour le don d’organes*. Si cette dernière refuse, l'équipe n’insiste pas. En revanche, lorsque la famille du défunt accepte, un processus se met en place pour alerter l’équipe médicale et chirurgicale, mais surtout la personne en attente d’une greffe. C’est ce qu’il s’est passé pour Alexandra et Antonia. Ces deux patientes, que Michel Cymes a rencontrées, sont sur le point d’être opérées, l’une d’une double greffe de poumons, l’autre d’un rein. Si la première opération est risquée, la seconde est devenue « courante ». La première reçoit des organes d’un patient décédé qui avait accepté de son vivant de donner ses organes, la seconde reçoit le rein de son mari vivant. Grâce à ces dons, Alexandra et Antonia reprennent petit à petit vie, car il s’agit bien de vies sauvées. Si elles n’avaient pas reçu de nouveaux organes, un sort plus qu’incertain leur était réservé. Et c’est là que le bât blesse. Si la médecine fait d’énormes progrès, elle ne peut rien contre la pénurie de greffons.
Mona Guerre
* Selon la loi, toute personne ne s'étant pas opposée au don d'organe peut être prélevée. Mais en pratique, on demande toujours l’accord de la famille.
Chaque année, grâce aux greffes, les chirurgiens transplanteurs sauvent 5 000 personnes en France. Un geste chirurgical fou, impensable il y a seulement 60 ans, mais qui permet aujourd’hui de bouleverser le destin de milliers de patients condamnés.
C’est ce que nous allons découvrir avec Michel Cymes dans ce nouveau numéro d’Aventures de médecine, en suivant le combat de deux patientes, Antonia et Alexandra, pour qui la greffe est devenue une urgence vitale.
Ce combat, nous allons le vivre aussi aux côtés des équipes médicales et chirurgicales, lancées dans une course contre la montre pour la survie d’un greffon, puis dans le défi d’un acte chirurgical magnifique mais très risqué.
Ces chirurgiens au sang-froid impressionnant sont les héritiers de pionniers hauts en couleur qui ont osé remplacer un organe défaillant par une machine, puis par un autre organe sain prélevé sur un autre homme… Un siècle d’audace médicale qui est encore en train de s’écrire, nous le découvrirons, en rencontrant un pionnier actuel, auteur d’une grande première pour le moins surprenante : une greffe d'utérus.
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Une collection documentaire inédite sur les révolutions médicales présentée par Michel Cymes
Sur une idée originale de Michel Cymes
Un film de Gaël Chauvin et Perrine Dutreuil avec Timothée Dereix
Réalisé par Bernard Faroux
Rédacteur en chef Gaël Chauvin
Produit par Pulsations
Avec la participation de France Télévisions
Des patientes courageuses
La vie d’Alexandra ne tient qu’à un souffle. Ses poumons sont usés par une hypertension artérielle pulmonaire et par une maladie rare, le syndrome de Buckley, qui la contraignent à vivre sous oxygène en permanence.
Quand Michel Cymes la rencontre, cette mère de famille de 36 ans vient d’arriver à l’hôpital Marie-Lannelongue au Plessis-Robinson. C’est là que va se dérouler la greffe des deux poumons qui représente son seul espoir de survie.
C’est une épreuve très risquée (car la greffe pulmonaire est encore aujourd’hui celle qui rencontre le plus d’échecs), mais la jeune femme va l’affronter avec un courage remarquable, une détermination qu’elle conservera même après la chirurgie lorsqu’il lui faudra réapprendre à respirer, à marcher, à redevenir une maman comme les autres.
Antonia souffre d’insuffisance rénale chronique. Elle ne survit que grâce à la dialyse qui filtre son sang, 3 fois par semaine, pendant 4 heures. Mais son corps est usé. Son cœur a même commencé à donner des signes d’alerte.
Son seul espoir : un nouveau rein. Et c‘est son mari Michel, amoureux comme au premier jour après 20 ans de mariage, qui va le lui offrir, malgré sa phobie des blouses blanches !
Mais la greffe s’annonce compliquée, car les artères d’Antonia durcies par le diabète (dont elle souffre depuis toujours) risquent d’être impossibles à suturer. L’équipe de l’hôpital Necker est la seule à avoir accepté de tenter le tout pour le tout, sans assurance de succès…
L’impossible greffe pulmonaire
Son histoire a commencé dans les sous-sols de la faculté de médecine de Marseille, dans les années 40, avec un chirurgien audacieux : le Dr Métras. Il venait, la nuit, avec son épouse tenter l’impossible sur des animaux, auxquels il greffait des poumons, avec l'espoir de réussir un jour à sauver ses patients qui mouraient de tuberculose.
Mais après avoir posé les bases de la greffe pulmonaire, il a fallu plus de 40 ans pour que celle-ci fonctionne sur l’homme. Pour quelles raisons ? Nous le découvrons en traversant l’Atlantique à la rencontre du Dr Cooper, le premier chirurgien thoracique qui a percé le mystère et réussi, dans les années 80, la première transplantation pulmonaire au monde.
L’étrange Noël du Pr Hamburger
Le Pr Hamburger (le père du chanteur Michel Berger) dirigeait le service de néphrologie de l’hôpital Necker à la fin des années 50, lorsqu’est arrivé dans son service un jeune homme mourant, privé de ses reins : Marius Renard. Face à la mère du jeune homme, prête à tout pour le sauver, le médecin va prendre une décision : prélever l’un des reins de Mme Renard pour le greffer à son fils.
De l’acte d’amour incommensurable ou de l’exploit technique, on ne sait ce qui a le plus passionné la France de cet hiver 52. Mais ce que l’on sait, en revanche, c’est que cette histoire, au dénouement inattendu, a marqué le début de l’aventure des greffes avec donneur vivant.
Le génie d’un médecin bricoleur
Avant que la greffe rénale ne soit tentée, un homme s’était ému du sort épouvantable des insuffisants rénaux, qui mouraient dans d’atroces souffrances. Cet homme était médecin de carrière, mais bricoleur dans l’âme. Il s’appelait Willem Kolff et pendant que la Seconde Guerre mondiale faisait rage, dans un petit atelier de Kampen aux Pays-Bas, il s’était mis en tête de construire une machine qui remplacerait les reins.
Avec des bouts de ficelle, des morceaux d’avions et quelques mètres de boyau de saucisses, il allait donner naissance à l'appareil de dialyse qui sauve encore aujourd’hui des milliers de personnes en attente de greffe.
L’énigme des rejets
Alors qu’il travaillait avec acharnement dans son réduit poussiéreux de l’hôpital Saint-Antoine, à la fin des années 50, personne n’aurait cru que Jean Dausset obtiendrait un prix Nobel. Et pourtant, 30 ans plus tard, l’hématologue reçoit les honneurs pour avoir élucidé le mystère de l’après-greffe : pourquoi les organes transplantés finissaient toujours par être rejetés ?
La compatibilité ou l’incompatibilité entre deux êtres, c’est lui qui en a eu l’intuition et qui l’a démontrée, avec l’aide de dizaines de volontaires qui ont accepté une expérience folle, menée sur un coin de bureau dans des conditions rudimentaires : recevoir sur l’avant-bras des petites greffes de peau prélevée sur un autre !
Un bébé grâce à une greffe d’utérus
C’est une greffe à peine croyable qui ne se pratique pour l’instant qu’en Suède, dans le cadre d’un protocole expérimental : la greffe d’utérus.
Pour la première fois, une télévision française a pu rencontrer tous les protagonistes de cette histoire digne d’un film de science-fiction. Lolita, née sans utérus, a pu porter l’enfant dont elle avait toujours rêvé, grâce à l’incroyable générosité de sa sœur, Linda, qui lui a fait don de son utérus. Un don qui n’aurait jamais été possible sans l’audace d’un chirurgien gynécologue Mäts Brannström. Très controversé à cause du risque que ces chirurgies non vitales font courir à ses patientes, il reste le premier au monde à avoir réussi à transplanter des utérus, et à donner naissance à des bébés en pleine forme.
Dans les coulisses méconnues du don d’organe avec les infirmières coordinatrices de prélèvements
Ce sont elles qui doivent trouver les mots pour aborder le don d’organe avec des familles sous le choc. Ce sont elles qui coordonnent toutes les équipes de chirurgiens préleveurs. Encore elles qui accompagnent le donneur, après les prélèvements, jusqu’à la chambre funéraire. Sans elles, aucune greffe avec donneur mort ne serait possible, et pourtant leur métier d’infirmière coordinatrice de prélèvements reste méconnu.
Pour la première fois, nous avons pu découvrir tous les aspects de leur travail de l’ombre, en suivant Céline Collange et Magali Lemains de l’hôpital Bicêtre (Ap-Hp). Un métier dur et formidable, fait de larmes, d’urgence et d’espoir.