It's On – III dresse le portrait des surfeuses polynésiennes. Dans ce documentaire, les surfeuses partagent leurs émotions et leur amour pour ce sport mythique. Des portraits de femmes à la personnalité affirmée, illustrés par des moments inédits sur les plus beaux spots de surf du monde.
En Polynésie française, berceau du surf, la pratique s’appelait auparavant le horue, qui signifie « glisser sur les vagues ». Aujourd'hui, ils sont des centaines à profiter des vagues à Tahiti et des autres îles de Polynésie française au fil des houles.
Dans ce milieu majoritairement masculin, les femmes ont su s’imposer. En surf, longboard, bodyboard, elles excellent dans toutes les disciplines et se font leur place sur les vagues. Dans les légendes comme dans l’histoire contemporaines, les Tahitiennes dessinent ainsi leur propre histoire sur l’océan.
Si les femmes participent à des compétitions mixtes, il existe depuis 2017 à Tahiti une épreuve uniquement réservée à la gente féminine : la Vahine Cup, qui remporte chaque année un succès grandissant, autant en termes de participantes que de spectateurs. Cette compétition est devenue un nouveau rendez-vous du surf à Tahiti.
Ces amoureuses de l'océan ont des profils très différents. Par exemple celui d’une jeune surfeuse originaire de l’île de Huahine qui mène une carrière internationale après avoir été championne du monde junior en 2018. Ou encore celui de Léa, photographe subaquatique de la presqu’île de Taiarapu. Telle une sirène, elle excelle sous les vagues, appareil à la main, et plonge sous les puissants rouleaux de la vague de Teahupo’o pour prendre des clichés incroyables.
D’adolescente à maman, ce documentaire révèle qu’il n’y a pas d’âge pour faire du surf. Il permet de suivre la passion de femmes actives, mères de famille, qui parviennent à trouver le temps d’affronter les vagues pour s’adonner à leur passion. L'occasion de rappeler qu'à Tahiti le surf féminin a définitivement traversé les âges et l'histoire. En témoigne les anciennes légendes polynésiennes, qui déjà, racontaient les femmes surfeuses de l’île.
Un film de
Heiarii Billard
Produit par
Karim Mahdjouba
Production
KMH Media Production
52 min
2020
Contexte : l'épreuve de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024 sur la vague mythique de Teahupo'o
Teahupo’o, qui signifie « le mur de crânes » en tahitien, est un bourg situé à la presqu’île de Tahiti Iti. Il est internationalement connu des surfeurs parce qu’il abrite une vague mythique. Lorsqu’il est redécouvert par les compétiteurs locaux puis internationaux, ce site devient l’un des favoris des pratiquants du monde entier, tel un saint graal. Et c’est là que début 2020, trois semaines avant le confinement, l’équipe de France est venue s’entraîner pour les Jeux olympiques de Tokyo, sans même imaginer qu’ils allaient être repoussés d’un an. Ce documentaire utilise des images de ce spot fabuleux.
Cette vague exceptionnelle se situe après un petit village paisible éponyme où s'arrête la route de la côte ouest de l'île de Tahiti. On ne peut y accéder que par la mer ou à pied en marchant un peu le long d'une plage paradisiaque au sable noir d’origine volcanique, entre le lagon turquoise aux eaux limpides et les montagnes recouvertes d'une végétation tropicale dense.
Outre la perfection de sa forme, sa puissance et ses différentes caractéristiques techniques et esthétiques, cette vague de Teahupo'o a pour particularité de se doter d’une forte énergie en heurtant la barrière de corail et en se déroulant, à la perfection, sous le niveau de la mer. L’eau du lagon est alors aspirée par la vague et la fait gonfler. Elle s’avère donc à la fois technique et dangereuse. Surnommée « la vague parfaite », personnalisée au titre d’une entité vivante, elle est une fierté pour les Polynésiens pour qui elle représente un emblème, en tant que culture du berceau du surf.
L’aspect culturel du surf en Polynésie française a fortement influencé le Comité olympique international pour organiser l’épreuve de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024 à Teahupo’o, alors même que les épreuves féminines ne s’y déroulaient plus depuis 2006. À la suite de cette décision, la Ligue mondiale de surf l’a réintégré dans le circuit féminin professionnel pour 2021.
La place de la femme est donc mise en valeur, et elles ont à nouveau le droit d’affronter la mythique vague de Teahupo'o dans le circuit international, avant les Jeux Olympiques. Johanne Defay, membre de l’équipe de France aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021, a particulièrement apprécié de pouvoir surfer cette vague mythique en 2020.
Une terre de légendes : la surfeuse Vehiatua
Vehiatua est une femme qui a marqué l’histoire du surf, à Teahupo'o (à l’extrémité de la presqu’île de Tahiti). Voici la légende qui a traversé les siècles : Vehiatua était une surfeuse de grande beauté qui venait de Raiatea.
Lors d’une visite à Tahiti, elle apprit que se préparait une fête dédiée au horue à Teahupo'o. Elle décida d’y participer. Les vagues étaient belles et écumaient lorsqu’elles venaient déferler sur le rivage. Les tambours battaient. Des jeunes filles et des jeunes garçons arrivèrent, couverts de fleurs, s’interpellant, dansant, joyeux. Ils disparaissaient sous les vagues, réapparaissaient derrière elles. Ils nagèrent aussi loin que possible, montant sur une grande vague pour se laisser porter jusqu’au rivage. Debout sur leurs planches, ils ressemblaient à des oiseaux. Des cris et des applaudissements les accueillaient lorsqu’ils arrivaient en flèche. C’était vraiment un beau spectacle. Lorsque le soleil s’éleva plus haut dans le ciel, le doux vent du sud-ouest se leva.
Vehiatua dit à ses amies : « Voici notre vent. Regardez ! ». Vehiatua et ses amies se levèrent. Elles étaient belles, elles avaient été massées d’huile de coprah : le monoï. Attachant leurs feuilles de ti (cordyline) autour de leurs tailles et de leurs cous, elles prirent leurs planches et, méprisant les quolibets, elles s’avancèrent dans la mer.
Ayant nagé bien au-delà du point de départ habituel, elles attendirent une grosse vague.
Du rivage, la foule vit Vehiatua se lever comme si elle marchait sur la mer. Elle dégagea ses cheveux qui avaient été attachés serrés, les laissant se répandre sur son corps en s’écriant d’une voix qui se répercuta au loin. « Je suis Vehiatua, ite matai, l’enfant des vents, celle qui monte sur les flots de Taaroa »
Le monoï faisait briller sa peau dans l’eau. Ses cheveux recouvraient son corps. Elle avançait avec ses amies, comme de beaux oiseaux glissant sur l’eau qu’éclairait le soleil.
Lorsqu’elles approchèrent du rivage, spontanément les applaudissements éclatèrent, la foule s’exclamait : « Quelle beauté ! » ; et de plus en plus ils applaudissaient jusqu’à ce que tout cela résonne jusqu’aux oreilles du roi Teihe moe roa.
— Qui applaudit-on ainsi ? demanda-t-il.
— Vehiatua ite matai, Vehiatua des vents, la belle chevaucheuse des vagues qui est venue, avec ses trois compagnes, des îles Sous-Le-Vent à Teahupoo pour la compétition.
— Allez, ordonna le roi, dites au peuple qu’il n’y a qu’un roi à Teahupoo, c’est moi, Teihe moe roa i Matahihae. Tahiti ne doit pas savoir qu’un autre que moi a été applaudi à Teahupo'o. Dites à cette personne qu’à partir de maintenant elle ne s’appellera plus Vehiatua ite matai.
Désormais ce nom sera le mien. Elle doit quitter Teahupoo immédiatement.
Depuis lors, le roi prit le nom de la surfeuse, afin que les applaudissements lui reviennent.
Mais l’histoire en a voulut autrement et la légende a traversé les siècles jusqu’à nos jours. C’est bien une vahine de Raiatea et non le roi qui avait excellé dans les vagues. Aujour'dhui, Huahine, l'île voisine de Raitea, héberge une future légende : Vahine Fierro. L’une des plus
célèbres surfeuses polynésiennes, qui en a fait son métier.
Compétitrice à l’échelle internationale, ce petit bout de femme est une star et une fierté en Polynésie française et, à l'image de la princesse Vaehiatua, elle écrit sa propre légende sur la vague de Teahupo'o.
Histoire : un sport historiquement polynésien
Le triangle polynésien est délimité par la Nouvelle-Zélande à l’ouest, l’île de Pâques à l’est, Hawaii au nord. En son cœur : la Polynésie française où le surf est pratiqué depuis des siècles.
En son sein, l’île de Tahiti bénéficie de conditions géographiques et climatiques qui offrent des vagues nombreuses et variées. Le rapport ancestral à la mer fait partie de l’histoire polynésienne. Venus d’Asie, ces navigateurs aguerris avant notre ère ont réussi à traverser l’océan sur des pirogues à voile, dotées de balancier, ancêtres des catamarans. Sachant particulièrement maîtriser la glisse, ils ont également inventé ce qui deviendra le surf.
L’ancêtre du surf, le horue, fait donc partie intégrante du patrimoine de la Polynésie. Pratiqué debout ou couché sur une planche de tronc d’arbre ou d’écorce, il était encouragé des rois mā’ohi (polynésiens). Les matériaux rendaient la pratique particulièrement pointue, ce qui permettait de valoriser les compétiteurs et d’asseoir l’autorité de certains chefs. Des épreuves étaient organisées pour améliorer leur rang et leur statut au sein de la communauté. James Cook est le premier européen à avoir vu cette pratique en 1778, relatée ensuite dans le journal de bord de James King.
Suite à la colonisation, quand il s’est ouvert au monde, le horue polynésien a pris le nom de surf, du mot anglais qui décrit les vagues déferlantes.
Après la colonisation, après des décennies d’interdiction de pratiquer leurs langues et leurs rites, les Polynésiens se sont réapproprié leur histoire et leur culture. Le surf fait aujourd'hui partie des fiertés locales recouvrées.
La discipline, élevée au rang d’art de vivre, s’est ensuite popularisée à travers le monde grâce à un Polynésien, le Hawaïen Duke Kahanamoku, multiple médaillé en natation au Jeux Olympiques, entre 1912 et 1924.