Fitzgerald-Hemingway — Une question de taille

Quand F. Scott Fitzgerald débarque en 1924 au Havre, la nouvelle est annoncée en pleine page dans l’édition parisienne du New York Herald Tribune. À 28 ans, le jeune écrivain est déjà une célébrité. Plein aux as, il vient mener avec sa femme Zelda une vie de fête dans les hôtels luxueux de la capitale et les villas cossues de la Côte d’Azur. Depuis 1921, avec Hadley, sa première épouse, c’est dans un petit appartement de la rive gauche qu’Ernest Hemingway, 25 ans, fait quant à lui son apprentissage des lettres et de la dèche. Correspondant pour plusieurs journaux, notamment le Toronto Star, le jeune journaliste, qui rêve d’un destin d’écrivain, s’attelle à l’écriture de nouvelles. En 1925, comme Hemingway le racontera dans Paris est une fête (1964), les deux hommes se rencontrent au Dingo American Bar, un bar-restaurant du quartier Montparnasse où se retrouvent artistes et expatriés désargentés. Pendant quinze ans, jusqu’à la mort de Fitzgerald en 1940, tous deux vont entretenir une importante correspondance — une cinquantaine de lettres ont été conservées.

La vie par les deux bouts

Enthousiaste, Hemingway demande conseil à son aîné, plus chevronné. Conquis, Fitzgerald l’encourage à se lancer dans l’écriture d’un premier roman. Il parviendra même à convaincre Max Perkins, son éditeur, de le publier chez Scribner. Mais, au fil des ans, passé le temps des soirées arrosées en compagnie de la jet-set artistique de l’entre-deux-guerres, leurs routes respectives vont les éloigner peu à peu l’un de l’autre. Peu conciliant avec Zelda, qu’il considère « folle » et « destructrice », Hemingway plonge à pleines mains dans le tumulte de la vie et en fait le matériau d’une œuvre que viendra couronner, en 1954, le prix Nobel de littérature. Alors que l’état mental de Zelda s’est détérioré, Fitzgerald de son côté plonge dans la dépression et continue de boire plus que de raison. Rentré aux États-Unis pratiquement ruiné, peinant à achever Tendre est la nuit, il a pourtant toujours à cœur de dispenser ses recommandations épistolaires à son cadet. Au bas d’une lettre où celui qui fut son « meilleur ami » critique des passages du manuscrit de L’Adieu aux armes, son deuxième roman, Hemingway annote un « Kiss my ass » éloquent...

Christine Guillemeau

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RETOUR AUX SOURCES

Après avoir consacré un documentaire à ceux qui ont croisé la route de l’auteur de Gatsby le magnifique (Scott Fitzgerald, retour à Babylone, 1998), Claude Ventura* exhume pour ce nouveau film-enquête des photos et des images d’archives émouvantes et rares. Ce portrait croisé de deux des plus grands auteurs américains de « la génération perdue », comme l’avait appelée leur amie Gertrude Stein, est également nourri des nombreuses lettres qu’ils ont échangées pendant près de quinze ans. Le comédien Mathieu Buscatto lit celles écrites par Ernest Hemingway et le metteur en scène Stanislas Nordey celles de F. Scott Fitzgerald.

* Les Garçons de Rollin (France 3, 2013), Cinémas, cinéma (France 2, 1988-1992).