Condamnés à de courtes peines, de nombreux détenus sont aujourd’hui placés sous bracelet électronique. Un emprisonnement à domicile qui permet d’échapper à l’enfermement entre quatre murs mais n’est pas toujours facile à vivre.
« C’est un peu la prison dehors. C’est vraiment mieux que les 9 mètres carrés d’une cellule, mais psychologiquement c’est compliqué de se dire qu’on a un fil à la patte tous les jours, qu’on doit respecter les contraintes, ne pas se tromper dans les horaires. Il y a un stress quotidien… C’est plus compliqué que ce que je pensais. » Jérôme Kerviel sait de quoi il parle. Après avoir effectué une partie de sa peine en détention, il a été autorisé à la terminer sous bracelet électronique. Pendant neuf mois, l’ancien trader a ainsi porté à la cheville un dispositif relié à un boîtier, destiné à contrôler sa présence au domicile dans les termes fixés par le juge. Une situation pas si facile à gérer.
Car, si pour certains ce « boulet moderne » permet de désengorger les établissements pénitentiaires, de favoriser la réinsertion et de lutter ainsi contre la récidive, les détenus, eux, sont contraints à une autosurveillance de tous les instants. Dès la première minute de retard, une alerte est transmise aux agents du pôle « alarme » chargés de rappeler à l’ordre le fautif et de rapporter l’incident auprès du juge d’application des peines. L’ombre de la prison n’est jamais loin.
Une prison sans les murs
Pire, l’intrusion de l’administration dans l’intimité du foyer pèse lourd. Selon Tony Ferry, philosophe et conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, « avec le placement sous bracelet électronique, qu’il faut porter vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il s’agit d’emménager au domicile du condamné et même sur son propre corps ». Chaque année, quelque 25 000 personnes effectuent une peine sous bracelet électronique pour conduite en état d’ivresse, violence, vol, trafic de stupéfiants ou encore non-paiement de pension alimentaire… L’anxiété quotidienne liée aux contraintes horaires et psychologiques conduit un certain nombre de détenus à demander leur retour en prison ! D’autres, comme Kassem, devenu animateur sportif, prennent cette mesure comme un « choix » qui permet de « travailler, de commencer à faire tout de suite des choses pour (soi) ». Idem pour Christophe, qui voit « plus comme une chance que comme une peine » ses six mois sous bracelet.
Mais le magistrat Serge Portelli met en garde contre ce qu’il considère comme les possibles « prémisses d’un danger terrible et d’une société assez effrayante. Des prisons partout, ça coûte trop cher. L’idéal pour un dictateur, et il y en a beaucoup, c’est un peuple qui se surveille lui-même et qui est surveillé sans trop de matériel pour l’emprisonner. Tous les systèmes qui existent aujourd’hui participent de ce régime potentiellement totalitaire ».
Beatriz Loiseau
Documentaire
Durée 52’
Auteure-réalisatrice Imen Ghouali
Production Step By Step Productions, avec la participation de France Télévisions et de Planète + CI
Année 2016