Symbole de la lutte pour l’accès à l’éducation des filles, prix Nobel de la paix en 2014, à 17 ans, Malala Yousafzai poursuit un combat qui a failli lui coûter la vie. Mêlant témoignages, images d’animation et d’archives, ce documentaire suit la jeune fille dans son quotidien d’exilée politique, de militante, mais aussi de simple adolescente. Diffusé dans Le Monde en face, il sera suivi d’un débat de trente minutes animé par Marina Carrère d’Encausse.
Qu’est-ce qui vous intéressait particulièrement chez Malala ?
Davis Guggenheim : Quand les producteurs Laurie MacDonald et Walter Parkes m’ont proposé le sujet, je n’étais pas sûr que je pourrais raconter cette histoire. Mais j’ai ensuite fait des recherches sur Malala et je me suis alors rendu compte de la relation très forte entre son père et elle. J’ai trouvé que c’était une magnifique histoire de filiation et j’ai alors voulu comprendre comment cette fille ordinaire était devenue si autonome, si responsable.
Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre avec elle ?
D. G. : Tout le monde ressent la même chose après une rencontre avec Malala. Elle est tellement posée et présente, mais plus encore, il émane d’elle une force qu’aucun mot ne peut décrire.
Votre film va au-delà de l’interview, on est dans l’intimité de cette famille. Comment avez-vous procédé pour qu’ils se livrent ainsi ?
D. G. : C’est ma façon d’envisager tout documentaire. Dans le cas de ce film, j’ai eu la chance que Malala et Ziauddin me fassent confiance, à moi et à toute mon équipe. Ils nous ont ouvert leur cœur et se sont mis à nu devant les caméras. Ils ont été surpris quand, pour le premier rendez-vous, je me suis assis avec eux, seul, sans cameraman. Je les ai juste interviewés avec un petit magnéto. Et je crois que ça apporte une dimension intime au film.
Pourquoi avoir opté pour des séquences en animation ?
D. G. : Trop souvent, le Pakistan et le monde musulman en général sont représentés par des images de terreur qui, à force, ont simplifié et déformé notre vision de cette partie du monde. La vallée de Swat, où a grandi Malala, était un paradis, et quand vous entendez Malala et son père la décrire, c’est avec romantisme et lyrisme. L’animation était donc la meilleure façon de traduire leurs souvenirs à l’écran.
Qu’est-ce que ces dix-huit mois de tournage vous ont apporté ? Avez-vous tissé des liens particuliers avec la famille Yousafzai ?
D. G. : Certains documentaristes pensent que l’on ne doit pas créer de liens personnels avec les personnes impliquées, parce que cela risque de modifier votre point de vue. J’ai une autre philosophie. Je pense que mon rôle est avant tout d’aider les gens à raconter leur histoire. Si nous devenons proches, cette intimité transparaît dans le film. Je suis si fier que nous soyons devenus amis, que nos familles partagent des dîners, des rires et des chansons. C’est ça le pouvoir du récit : qu’un juif américain de Californie puisse tisser des liens avec une famille pakistanaise musulmane !
Quelle vie mène Malala aujourd’hui ? On sent, en regardant le film, son désir de retrouver une vie « normale » d’adolescente…
D. G. : L’objectif de Malala, aujourd’hui, est avant tout de devenir une bonne élève. Elle pense que c’est son premier job. Comment pourrait-elle représenter des millions de jeunes filles qui ont besoin d’éducation si elle ne donne pas elle-même le bon exemple ? D’ailleurs, le jour où je l’ai vue le plus heureuse, c’était quand elle a obtenu haut la main ses examens scolaires.
Qu’est-ce qui vous touche ou vous impressionne le plus chez elle ?
D. G. : Sa gentillesse.
Propos recueillis par Beatriz Loiseau
Documentaire
Durée 90 min
Réalisation Davis Guggenheim
Production Little Room / Participant Media / Image Nation Abu Dhabi
Année 2015
#LMEF
Après la diffusion du film, Marina Carrère d’Encausse recevra sur le plateau du Monde en face trois invités, parmi lesquels :
Chékéba Hachemi. Première femme diplomate en Afghanistan ; auteure de L’Insolente de Kaboul (éd. Anne Carrière), fondatrice et présidente de l’association Afghanistan libre, qui aide à créer des écoles pour les jeunes filles de son pays.
Zohra K. Victime des islamistes radicaux en Algérie, auteure de l’ouvrage Jamais soumise — 20 ans dans l’enfer de l’obscurantisme (éd. Ring).
Fiche technique
En détails
« Je raconte mon histoire, non parce qu’elle est unique, mais parce qu’elle ne l’est pas. C’est l’histoire de beaucoup de filles. »