Rencontres à XV décortique depuis vingt-cinq ans le rugby sous tous ses aspects. Vitrine tant de l’élite que du niveau amateur, le programme fête son millième numéro et propose pour l’occasion un sommaire spécial. Jean Abeilhou, son présentateur historique, nous en dit plus. Entretien.
Comment expliquer la longévité de Rencontres à XV ?
À la création du programme, il y avait une réelle attente de voir à la télévision un programme entièrement dédié au rugby. France Télévisions est le diffuseur des compétitions majeures de ce sport et la Fédération française a, elle aussi, toujours œuvré pour la présence à l’antenne de ce magazine.
D’autre part, Rencontres à XV couvre l’actualité du rugby amateur, du terroir, des féminines et des jeunes. Cet éclairage sur la pratique de ce sport dans les milieux ruraux a donc fortement contribué à entretenir l’intérêt des téléspectateurs attachés aux valeurs locales du rugby.
Avec le haut niveau, la mise en avant du rugby des terroirs constitue donc l’autre spécificité de ce programme.
Oui, et cela permet d’aborder des sujets passionnants. En rugby, quel que soit le niveau auquel vous jouez, vous pouvez être champion de France. De la catégorie des quatrièmes séries à celle du Bouclier de Brennus. Cela n’existe dans aucun autre sport. Chaque année, à la fin du mois de juin, nous couvrons donc les huit finales des différents niveaux. Nous pouvons ainsi suivre la vie du rugby dans les petits villages.
Pour ce qui est de l’élite, nous réalisons aussi des rubriques originales. Pendant le Tournoi des 6 Nations, nous allons à la rencontre des anciens internationaux ayant joué le Tournoi des années 1960 aux années 1990. Ils nous racontent ainsi les matches les ayant le plus marqués. On s’intéresse aussi à ce qu’ils sont devenus. Cette séquence, qui nous a notamment permis de rencontrer Serge Blanco, Jean-Pierre-Rives, Walter Spanghero, ou Jean-Pierre Garuet-Lempirou, a été rendue possible grâce aux archives de l’INA.
Quel est le sommaire de ce millième numéro ?
Nous proposerons un retour sur les trois dernières décennies de rugby, avec les sujets les plus mémorables des années 1990, 2000 et 2010. Il s’agira de revoir des reportages qui reflètent le mieux l’identité de l’émission. Nous allons ainsi rediffuser un document sur la 1re ligne du Club athlétique de Bègles-Bordeaux Gironde (CABBG) de 1991, composée par les fameux « Rapetous » (en raison de leur virulence excessive sur le terrain) qu’étaient Vincent Moscato, Serge Simon et Philippe Gimbert. Le jubilé de Pascal Ondarts, ainsi qu’une compilation de séquences de vestiaires tournées en pros et amateurs, agrémenteront également le programme. Autant d’images privilégiées, impossibles à tourner de nos jours dans le milieu professionnel.
Nous reviendrons aussi sur le destin de petits clubs ayant connu un grand succès, à l’image de Bracieux en Sologne, devenu champion de France en deuxième série. Nous verrons aussi un reportage sur l’essor du rugby à Monaco, avec le prince Albert II. La situation des rugbymen handicapés sera également abordée avec le portrait de Nicolas Crubilé, victime d’un terrible accident lors d’une mêlée. Cet ancien joueur, désormais paraplégique, a monté un centre d’entraînement de rugby. Ce portrait très émouvant traduit, comme beaucoup d’autres, l’esprit de Rencontres à XV.
L’émission a t’elle connu beaucoup d’évolutions ?
Le magazine a été créé par Gérard Fournier en 1991, qui a pris sa retraite il y a de cela 10 ans. L’émission fut d’abord intégrée à un programme multisports de France 3, à 13 heures, une fois par semaine, et la préparation confiée à France 3 Toulouse, qui diffusait déjà un magazine régional de rugby.
D’une durée initiale de dix minutes en multisports sur France 3, l’émission passe à 26 minutes en 1995 dans une version exclusivement dédiée au ballon ovale. Pour autant, Rencontres à XV était proposée à des horaires trop restrictifs, avec des diffusions à 6 heures ou 1 heure du matin en semaine. En 1998, Patrick Chêne décide de positionner le programme le dimanche à 8 heures sur France 2.
On dit que certains sports, comme le foot, ont perdu du sens en raison des enjeux économiques. Le rugby a-t-il évolué positivement ces vingt-cinq dernières années ?
À partir du moment où il est passé professionnel en 1995, le rugby a naturellement subi de profondes mutations. Aujourd’hui, ce sport et les médias n’ont plus du tout les mêmes rapports qu’il y a vingt-cinq ans. Auparavant, il y avait deux caméras lors des conférences de presse contre vingt-cinq aujourd'hui. Pour ce qui est des tête-à-tête avec les joueurs, il est devenu quasi impossible d’en faire. Sauf au niveau fédéral (rugby amateur) où l’on a su conserver une réelle proximité entre les équipes et le public.
La professionnalisation était une étape logique, mais le rugby doit rester vigilant car il repose sur une économie fragile. La plupart des clubs existent grâce à des mécènes. Si, du jour au lendemain, l’un d’eux se retire, le club ne pourra pas subsister. De plus, le rugby pro ne se développe que dans les grandes métropoles. Les anciens clubs champions comme Bézier, Narbonne, Perpignan, Biarritz sont aujourd’hui en Pro D2 et auront du mal à revenir dans l’élite. Il y a une logique économique qui se fait au détriment des secteurs ruraux.
Après vingt-cinq saisons, comment voyez-vous l’émission évoluer à présent ?
Tant que France Télévisions retransmettra les matches de l’équipe de France, Rencontres à XV sera là. Cela sera donc encore le cas jusqu’en 2020 au minimum.
Justement, comment jugez-vous les dernières performances des Bleus en test-matches contre les All Blacks et l’Australie ?
Elles sont pour le moins frustrantes. L’équipe de France pouvait gagner contre l’Australie et elle a perdu de deux points seulement. Elle a ensuite sérieusement perturbé les All Blacks samedi dernier. La prestation offerte lors de ce match fut très intéressante. On sent quelque chose se dégager de cette équipe. Elle parvient enfin à susciter l’engouement des supporters. Guy Novès semble parvenir à imprimer son style. À présent, j’attends avec impatience le Tournoi des 6 Nations (4 février 2017) où l’on jouera d’entrée face à l’Angleterre, le grand favori du Tournoi. A priori, le genre de grand match qui nourrit la légende du rugby.