Morts sous X

Qui songe à emporter une pièce d’identité pour effectuer une petite course au coin de la rue ou faire son jogging dans le parc ? Et pourtant… À la suite d’un banal accident, d’un malaise, d’un égarement, parfois d’un suicide, de nombreuses personnes sont enterrées sous X chaque année. Des hommes et des femmes condamnés pour l’éternité à l’anonymat le plus complet, parce qu’au moment de leur décès ils n’ont sur eux aucun document permettant leur identification. Combien sont-ils exactement ? Impossible de donner un chiffre exact puisqu’en France il n’existe pas de fichier national les recensant. Ce qui est sûr, c’est que derrière chaque lettre X il y a un être humain dont souvent la famille attend le retour. Mais comment est-il possible de mourir sans nom à l’heure de la surinformation, dans un monde où l’on peut être suivi à la trace partout ?

Faire parler les corps

Les corps retrouvés et non identifiés sont envoyés dans un institut médico-légal (IML) pour être autopsiés. En effet, depuis 2012, un certain nombre de prélèvements sur ces cadavres sont devenus obligatoires. Les tests ADN et les empreintes digitales transmis aux bases de données regroupant les auteurs de crimes et délits permettent de faire le rapprochement avec une personne disparue. Tout comme le relevé dentaire adressé aux magazines professionnels des chirurgiens-dentistes. « La difficulté est que si le mort ne figure pas dans les fichiers de police et de gendarmerie, il y a très peu de chances qu’on l’identifie. M. et Mme Tout-le-Monde, qui n’ont jamais eu affaire à la justice, ont peu de chances d’être retrouvés », explique Jean-François Feray, chef de division au Service central de renseignement criminel.

L’insoutenable attente des familles

Ceux à qui l’on redonne une identité sont rendus à leur famille, mais les autres, que deviennent-ils ? Selon Véronique Denizot, premier vice-procureur du parquet de Lyon, « on les inhume en général sous X dans les trois semaines, un mois. Pour éviter les frais de conservation à l’IML, qui coûtent entre 100 et 200 € le premier jour et 70 € les suivants… » En principe, les investigations se poursuivent, mais, pour les familles de disparus, les choses ne sont jamais simples. D’autant plus qu’« on a des espèces de frontières administratives virtuelles. D’un tribunal à l’autre, d’un commissariat à l’autre, on ne communique pas », commente l’avocate Corinne Herrmann, spécialisée dans le droit des victimes. Martine, tout comme Hélène, ont ainsi enquêté de leur côté, remué ciel et terre pour trouver leurs proches et arrêter enfin de vivre dans « une attente insoutenable ».

Beatriz Loiseau