80 % des Français se déclarent gênés par le bruit. Très sensible à cette nuisance, Anne Lévy-Chambon a tenté d’en comprendre toute la complexité. Ce film apporte ainsi un nouveau regard sur le bruit et fait le point sur les dernières recherches scientifiques.
Dans nos villes, le bruit est partout, envahissant, entêtant. Les agressions sonores sont devenues invivables pour la réalisatrice Anne Lévy-Chambon. Un test d’inconfort auditif lui révèle son hypersensibilité : tout le monde n’est pas égal face aux décibels ! Certains, bien plus que son volume, n’en supportent pas certaines formes. Ainsi, Aurélie, jeune mère de famille, souffre de mysophonie : tout en elle se hérisse dès qu’elle entend croquer une pomme, un bisou trop sonore ou une main qui frotte sur le pantalon. « L’insignifiant devient insupportable, de telle façon que les gens autour de nous ne peuvent pas le comprendre. » Preuve que le bruit est d’abord affaire de subjectivité…
Une perception toute personnelle
Le dictionnaire le définit comme « un ensemble de sons sans harmonie » : une vérité confirmée par Jean-Julien Aucouturier, chercheur au CNRS et psycho-acousticien à l’Ircam. « Dans le bruit, on ne trouve pas la structure harmonique qui fait que certains sons paraissent harmonieux. » Mais tout est question de perception personnelle. Le son produit par les guitares distordues et volontairement dissonantes d’un groupe de metal, qui privilégie le niveau sonore élevé et les voix saturées, ravit ses fans… et pas du tout Anne Lévy-Chambon !
Si on peut choisir de ne pas écouter certains bruits, d’autres sont imposés par l’environnement. À l’école, 75 % des enfants seraient gênés par celui produit principalement par le bavardage. « Ils se désintéressent de l’enseignement parce qu’ils n’arrivent plus à se concentrer », n’hésite pas à dénoncer Valérie Rozec, du Centre d’information et de documentation sur le bruit. Elle évoque une « surdité psychologique ». En Belgique, des expériences sont menées par des associations et des instituteurs pour « rendre les enfants de nouveau sensibles à l’univers sonore » en leur apprenant à chuchoter ou à diminuer les effets du bruit par de petits aménagements dans la salle de classe. En Italie, la chercheuse Daniela Perani étudie les cerveaux de bébés exposés à des sons harmonieux et dissonants, et constate l’appauvrissement de leur activité dans le second cas. Mais le stress que génère le cri du bébé a une fonction vitale : « Quand on est dans une situation de danger, explique le chercheur en neurosciences Luc Arnal, pour s’assurer d’obtenir une réaction de la part des autres, il faut déranger leur cerveau… Le cerveau est préparé pour se défendre. » Or, l’audition est le seul sens qui permet de rester en alerte.
Des stratégies pour vivre avec
Cependant, lorsque le stress s’installe, il faut apprendre à vivre avec. Le moine bouddhiste Matthieu Ricard, qui pratique la méditation depuis quarante ans, est un sujet de prédilection pour les neurologues. Il a dû développer des stratégies pour ne pas se laisser atteindre par le bruit. « Ce n’est pas une anesthésie. Les choses sont laissées telles qu’elles sont, sans attraction ni répulsion. »
Parallèlement aux techniques de méditation, une nouvelle technologie risque de révolutionner notre environnement : le contre-bruit actif. Ce procédé, développé par la société Technofirst, permet de réduire jusqu’à 90 % les nuisances sonores, comme dans la carlingue d’un avion. En attendant, notre perception du bruit dépend beaucoup de notre attitude. « Dès que ça a du sens pour nous, relativise le philosophe Francis Wolff, ce n’est plus du bruit, ce sont des sons. »
Anne-Laure Fournier
Documentaire
Durée 52 min
Auteurs Anne Lévy-Chambon et Serge Coffe
Réalisation Anne Lévy-Chambon
Production ASLC et EGO Productions, avec la participation de France Télévisions
Année 2016