Diffusé tous les samedis, Tout compte fait propose de décrypter les rouages d’une nouvelle économie qui bouscule notre quotidien. Pour mieux comprendre la société d’aujourd’hui et de demain, Julian Bugier, aux commandes du magazine depuis un an, tente chaque semaine de capter un instantané des tendances émergentes d’un monde en mouvement. Explications.
Vous êtes aux commandes de Tout compte fait depuis septembre 2015. Un an après son lancement, quel bilan tirez-vous de l’émission ?
Un bilan positif ! D’abord, parce que nous avons réussi notre pari : installer une marque et un nouveau magazine qui n’existaient pas sur les antennes de France Télévisions. Nous avons aussi eu des retours très positifs des téléspectateurs, tant sur la qualité des reportages que des angles choisis. Et puis, le bilan d’audience est, de mon point de vue, plutôt satisfaisant puisque nous sommes parvenus à maintenir le niveau d’écoute sur la case horaire. Vous savez, pour installer une émission, il faut du temps. Après avoir marqué son identité, défricher les terrains propres aux nouveaux usages de la société de consommation, nous attaquons aujourd’hui la deuxième phase : tenter de conforter ce succès et… monter en puissance !
Comment s’annonce justement cette seconde saison ? Y a-t-il eu des ajustements ?
Il y en a en permanence. Mais nous gardons notre socle, notre ligne éditoriale qui fait le sel de l’émission : décrypter les tendances émergentes de cette nouvelle économie du quotidien, ce qui permet, par le prisme de la consommation, de raconter les grandes évolutions de la société. Alors que nous traitions trois thématiques par émission la saison dernière, nous nous concentrons désormais sur la réalisation de deux sujets. Cela nous permet de creuser davantage, d’être plus exhaustifs, ce qui implique un travail d’enquête plus important. Voilà pourquoi je parlais de « monter en puissance » : à nous d’aller plus loin dans le questionnement. Enfin, la nouveauté de la saison réside aussi dans un sillon que nous allons continuer de creuser : multiplier les « hors-série » consacrés à des marques ou des phénomènes d’entreprises. Un principe que nous avions testé au printemps dernier avec un numéro dédié à Airbnb, ce mastodonte de l’économie de partage qui a bouleversé nos usages de voyage, de tourisme… Mais aussi des pans entiers de notre économie, avec parfois des points positifs, mais aussi des questions polémiques, comme celle de la concurrence déloyale.
Qu’est-ce qui vous inspire dans le choix des sujets abordés ?
Tout simplement, ce que l’on observe du monde qui nous entoure. Je fais moi-même partie de cette génération qui a des usages qui évoluent, que ce soit pour le transport, le tourisme, l’épargne, l’habitat. Ma première « référence » est donc d’abord ma vie, et celle des gens qui m’entourent au quotidien. Ensuite, il s’agit d’être curieux, de s’informer, de regarder ce qui se fait en France, chez nos voisins européens mais aussi un peu plus loin. Car Tout compte fait se doit aussi d’être une fenêtre sur le monde. De rendre compte des initiatives qui sont menées dans d’autres pays, de tous ces nouveaux comportements de consommation susceptibles d’être de nombreuses sources d’inspiration. Et puis, avec toute l’équipe de l’émission, on fonctionne un peu comme une start-up – ce qui fait sens au vu des sujets que l’on traite –, sur un mode collaboratif de création où chacun apporte des idées, ses intuitions, des fulgurances, ses questionnements.
Tout compte fait tente de capturer cette société en mouvement. Que dit l’émission de notre monde actuel ?
À l’heure où notre société, souvent torturée, se questionne sur le sens du partage, de la vie en collectivité et du lien social, l’émission laisse poindre que nous sommes peut-être arrivés au bout de la société de consommation individualiste. Avec l’économie de partage, par exemple, les gens préfèrent mettre leurs biens en collectivité. Contrairement aux idées reçues, notre société de consommation peut donc créer du lien. Et puis, aujourd’hui, nous sommes de moins en moins dans la « possession ». Alors que dans les années 70-80, le leitmotiv était d’acheter et de posséder toujours plus – véritable gage de réussite sociale –, nous allons aujourd’hui à rebours de tout cela. Avec les nouvelles tendances autour de l’écologie, on n’achète plus forcément sa voiture ou sa perceuse. On utilise les biens des autres. Ce qui annonce peut-être la fin de la propriété individuelle des produits manufacturés.
Vous avez choisi de présenter les plateaux en immersion…
Oui, la mise en forme de l’émission créée une identité, une marque, une intention aussi. Quand on a vocation à raconter le quotidien des gens, on éprouve naturellement le besoin d’être au plus près d’eux, sur le terrain.
Quels seront les prochains thèmes abordés dans l’émission ?
Nous consacrerons un hors-série à Uber. Une émission traitera aussi de la révolution des vies connectées, avec tous ces réseaux de voisinage présents dans pas mal de communes de France et qui deviennent même un argument marketing pour les agents immobiliers. Nous travaillons également sur un numéro autour des citoyens qui se battent contre la grande distribution, avec notamment la mise en place des drives fermiers, et de ces coopératives d’agriculteurs qui proposent la vente en direct. Nous y dresserons le portrait d’un activiste américain qui lutte contre le gaspillage alimentaire.
En plus de Tout compte fait, votre emploi du temps est bien chargé : JT, soirées continues, éditions spéciales de la rédaction…
Oui ! Comme nous rentrons dans une période politique, je serai régulièrement présent au Journal le jeudi soir lorsque David Pujadas animera L’Émission politique. Les spéciales de la rédaction, pour les commémorations ou sur les faits d’actualité – comme nous l’avions fait cet été pour le Brexit – occupent une partie importante de mon emploi du temps. Et puis, il y a cet exercice que j’aime beaucoup : l’animation des soirées continues, ces grandes soirées construites autour d’un film et d’un débat, et qui font l’ADN du service public. Raconter la société en mouvement, voilà ce qui me motive. Ce qui est formidable dans ce métier, c’est de pouvoir passer d’un exercice à l’autre, de ne pas rester figé dans un seul rôle. France 2 m’offre cette chance. Voilà pourquoi je dis souvent que cette chaîne est ma maison d’adoption !
Propos recueillis par Céline Boidin-Lounis
Présenté par Julian Bugier
Produit par Enibas Productions - Nicolas Hélias et Frédéric Francès