Aujourd’hui en France, plus d’un enfant par jour naît sous X. Entre liberté de la mère et besoins légitimes pour ces enfants de connaître leurs origines, Mayotte La 1ère se penche sur le douloureux problème des naissances dans le secret avec une fiction suivie d’un débat animé par Carole Gaessler.
Résumé
Sophie Humbert, célèbre avocate pénaliste à Bordeaux, décide d’assurer bénévolement la défense de Gabriel Etchegaray. Jeune délinquant sans envergure, il vient d’avouer le meurtre du policier Bertrand Malik. Personne dans l’entourage de Sophie ne comprend son choix. Pourquoi prendre en charge une telle affaire, destinée à Inès, sa belle-fille, jeune avocate. Seule, Sophie sait qu’en sauvant ce gamin, c’est elle-même qu’elle sauvera... quitte à devoir affronter le jugement et le désaveu de sa propre famille et mettre en péril la carrière de son mari, Olivier.
La fiction sera suivie d’un débat animé par Carole Gaessler.
Chaque année, environ 600 femmes accouchent sous X. Des mères qui ne peuvent ou ne veulent pas assumer leur enfant. La France est l'un des rares pays où une femme a le droit de garder le secret de son accouchement et de son identité. Naître sous ce secret, c'est être l'enfant de quelqu'un mais la fille ou le fils de personne, jusqu'à ce que l'on soit adopté. Des années plus tard, souvent à un moment charnière de sa vie d’adulte, la personne abandonnée éprouve l’irrépressible besoin de savoir… Dans ce cas, qui protéger : la femme qui accouche sous X ou l'enfant qui a le droit de connaître ses origines ?
Depuis 2002, la loi a évolué. Le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé pour aider les « nés sous silence » dans leur quête. Jean-Pierre Bourély, son secrétaire général, sera sur le plateau de Carole Gaessler, aux côtés de Maele Le Goff Gautier, cadre sage-femme qui accueille ces mères de naissance et prend soin des bébés qu’elles laissent derrière elles. Nathalie Lancelin, psychologue spécialisée en périnatalité, entend chaque jour la honte sourde d’avoir été abandonné ou, à l’inverse, celle d’avoir abandonné. De part et d’autre, le même sentiment : la culpabilité.
Entretien avec Odile Vuillemin
Comment vous êtes vous retrouvée associée à ce projet ?
Odile Vuillemin : J’ai lu le scénario et je suis tombée sur une sublime trajectoire de femme et une belle histoire de résilience. Ça m’intéressait d’aborder un sujet dont on ne parle pas forcément – l’accouchement sous X –, auquel j’étais assez étrangère finalement, et de réfléchir à la manière de le faire sans porter de jugement.
Comment avez-vous fait pour appréhender un tel rôle ?
O. V. : En fait, je plonge assez facilement dans les univers. Mon idée est de transmettre un message sans juger. Dans cette fiction, il n’y a pas de parti pris. Je ne veux pas « spoiler », comme on dit, mais, dans le film, Sophie accouche sous X pour une raison bien précise et douloureuse. Chaque histoire est individuelle et extrêmement personnelle. Certaines sont tellement complexes que c’est difficile de savoir ce qui se passe, ce qu’une personne a vécu… Après, en tant que comédienne, je fais un travail « moléculaire » et individuel, c’est-à-dire qu’en ce qui me concerne il faut partir de l’infiniment petit pour arriver à un message sociétal ; je pars d’une histoire très précise, qui est le cas du personnage, et j’essaie de comprendre ce que ça peut lui faire de se retrouver dans une telle situation et comment il se débat avec ses choix.
Ce n’est pas difficile de se mettre dans la peau d’un tel personnage ?
O. V. : Je ne me pose pas cette question, parce que j’ai l’habitude de me voir proposer des rôles assez intenses, assez forts, depuis L’Emprise (l’histoire, vraie, d’une femme battue accusée du meurtre de son mari). C’est une gymnastique que j’ai apprise au fur et à mesure des tournages, elle n’est pas très différente de celle que j’utilise pour jouer n’importe quel autre personnage, et comme en tant que comédienne je n’ai pas de jugement à avoir pour l’interpréter, il faut juste aller chercher un peu plus loin. Mais la mécanique est à peu près semblable. De toute façon, j’aime bien me plonger dans le vide, j’aime bien tomber, je sais comment me relever. Je n’ai plus peur d’aller sauter sans filet, c’est une forme d’exploration de soi et de l’autre.
Dans ce film, vous êtes très en retenue…
O. V. : Oui, c’est voulu. On en a beaucoup parlé autour du scénario et après avec le réalisateur. Pour moi, pour pouvoir survivre, cette femme a dû tout fermer et se couper de toute émotion. Il n’y a plus rien, c’est un mur. Elle est devenue une espèce de machine de guerre dans son boulot, c’est son mode de survie, d’où cette retenue. Même au niveau du maquillage, il y a une évolution. Au début, il est très appuyé, très masque en fait et, petit à petit, il change, devient plus naturel. Sophie essaie de tout contenir depuis des années et, tout d’un coup, la vie la rattrape, tout se fissure de l’intérieur. Je voulais montrer ce changement plus à travers le physique et un visage qui redevient humain que par des cris, etc. C’est pourquoi elle ne pleure qu’une seule fois, quand elle craque enfin dans les bras de son mari.
Vous jouez le rôle d’une femme à deux étapes différentes de sa vie. Ce n’est pas compliqué de passer de l’un à l’autre ?
O. V. : Si, c’est super dur. Les scènes sont tournées dans n’importe quel ordre en fonction des décors. Déjà, ce n’est pas le même maquillage et puis ce n’est pas du tout la même énergie, ni le même regard. Passer de 17-20 ans à 40 dans la même journée, ça demande une gymnastique cérébrale et physique assez sportive. Ce n’est pas du tout le même personnage.
Propos recueillis par Beatriz Loiseau
Bio express
Après des études en sociologie, psychologie et langues étrangères, Odile Vuillemin suit des cours de théâtre et décroche un premier rôle dans le film Le Doux Amour des hommes, de Jean-Paul Civeyrac. De 2009 à 2016, elle interprète le rôle de Chloé Saint-Laurent dans Profilage. Elle est, notamment, au générique de Podium, de Yann Moix, d’Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet, au cinéma et Les Crimes silencieux sur France 3 en 2017.
Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Rattaché au ministère des Solidarités et de la Santé, le CNAOP a été créé par la loi du 22 janvier 2002. Son objectif est de faciliter l’accès aux origines personnelles des personnes nées sous X, en recueillant des renseignements relatifs à l’identité des parents de naissance, mais aussi des renseignements non identifiants relatifs à leur santé, l’origine géographique de l’enfant et les raisons et circonstances de l’accouchement sous X. Il favorise le rapprochement de l’enfant et de ses parents de naissance, uniquement si la personne en fait la demande.
Accouchement sous X. La possibilité d’accoucher sous X est inscrite dans le Code de la famille depuis 1941 et dans le Code civil depuis 1993. Le premier cadre législatif remonte à la Révolution française en 1793. Si une femme envisage de demander la préservation du secret de son admission et de son identité à la maternité, aucune pièce d’identité ne lui sera alors demandée. Après l’accouchement, l’enfant est remis à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Durant deux mois, la mère peut revenir sur sa décision.
Filiation. L’accouchement dans le secret n’empêche pas la filiation. Depuis 2006, une femme peut indiquer son identité dans l’acte de naissance de l’enfant à l’état civil dans les trois jours suivant la naissance. À l’inverse, elle peut donner son identité à l’hôpital, mais refuser qu’il soit porté sur l’acte de naissance. Si la filiation n’est pas établie, la mère de naissance peut donner à l’enfant trois prénoms, le troisième servant de nom de famille. Si la femme ne veut pas établir de filiation, un correspondant du CNAOP ou une personne de la maternité l’invite à laisser son identité dans le dossier de l’enfant. À défaut, elle peut laisser des informations dans un pli fermé.
Pli fermé. Au moment de l’accouchement, la mère est invitée, par un correspondant départemental du CNAOP ou un membre du personnel de la maternité, à laisser son identité sous pli fermé, dans une enveloppe qu’elle fermera elle-même. Elle est seule à connaître les informations qu’elle a décidé de laisser dans ce pli. Il est recueilli au moment de la naissance ou ultérieurement par le correspondant départemental du CNAOP et conservé fermé par le conseil général. Il est transmis au CNAOP si l’enfant formule une demande d’accès à ses origines personnelles. Il est ouvert uniquement par un membre du CNAOP.
Communication de l’identité. Si le CNAOP est saisi d’une demande d’accès aux origines personnelles par l’enfant, il commencera par savoir si la mère accepte de lever le secret de son identité (dans le cadre du respect à la vie privée). Dans l’éventualité où la mère est décédée au moment où l’enfant engage sa démarche, l’identité de la mère lui sera automatiquement communiquée s’il en fait la demande. Néanmoins, si, à l’occasion d’une précédente demande de l’enfant d’accéder à ses origines personnelles, la mère s’était opposée à la communication de son identité, celle-ci ne pourra en aucun cas lui être communiquée après le décès.
En savoir plus sur cnaop.gouv.fr
Odile Vuillemin : Sophie Humbert
Nicolas Briançon : Olivier Merle
Michèle Bernier : Chantal Etchegaray
Louis Duneton : Gabriel Etchegaray
Daphné Dumons : Inès Merle
Franck Beckmann : Paul Etchegaray
Éric Bougnon : commandant Lioret
Majid Berhila : Khalil
Marc Citti : Francis Benhamou
Fiche technique
90 min
Réalisé par Thierry Binisti
Écrit par Négar Djavadi et Johanne Rigoulot
Productrice Abrafilms : Emmanuelle Samoyault
Productrice Barjac Production : Laurence Bachman
Musique originale : Axelle Renoir et Sathy Ngouane
Coproduit par Abrafilms et Barjac Production, avec la participation de France 3
Unité fiction France 3 : Anne Holmes, Pierre Merle