Au cœur de l'affaire Jamel Leulmi

Au premier abord, l’affaire paraît pliée d’avance, tant les preuves accablent le prévenu. En 2009, Jamel Leulmi se trouve à Marrakech avec Julie Derouette, qu’il est censé épouser. En pleine nuit, alors qu’ils empruntent une route dans deux voitures différentes, le véhicule de la jeune femme est projeté en dehors de la chaussée. Extirpée de sa voiture, Julie raconte avoir été violemment frappée avant de perdre connaissance. À son réveil à l’hôpital, on lui apprend qu’elle souffre d’une double fracture de la colonne vertébrale qui lui laissera des séquelles à vie. Se souvenant qu’elle avait signé des contrats d’assurance-vie au bénéfice de Jamel Leulmi pour un montant de près de 6 millions d’euros la veille du voyage, Julie s’interroge : y aurait-il un lien entre ces contrats et l’accident dont elle a été la victime ? D’autant que les enquêteurs constatent que la première femme de Leulmi avait disparu dans des circonstances similaires, et qu’elle aussi avait souscrit de juteux contrats d’assurance-vie au profit de son mari.

Après une condamnation en première instance de Jamel Leulmi à trente ans de réclusion pour meurtre et tentative d’homicide, Christophe Hondelatte et ses équipes ont suivi l’intégralité du procès en appel de Jamel Leulmi. L’occasion de reprendre un dossier riche de plus de 1 500 pages. L’occasion aussi de revenir sur des zones d’ombre pouvant semer le trouble dans l’esprit des observateurs. On notera à ce titre la personnalité déconcertante de Julie Derouette, érotomane et par moments affabulatrice, dont l’attitude ira jusqu’à laisser penser qu’elle aurait mis en scène son accident.

« Ce que j’aime dans le fait divers, c’est que les gens révèlent autre chose que les apparences qu’ils donnent d’eux-mêmes. Cela vaut pour l’accusé, mais aussi pour les parties civiles et les victimes. À partir du moment où le crime est commis, on va fouiller dans les vies de tout le monde. » Crime et châtiment s’emploie cependant à convaincre autant sur le fond que sur la forme. Car, au-delà des révélations sur la personnalité équivoque des protagonistes, le document s’appuie sur une mise en scène soignée à l’esthétisme irréprochable.

« En terme d’écriture, de réalisation, nous avons utilisé les codes du polar et de la série. France 3 nous donne les moyens de faire des émissions avec une forte valeur ajoutée », reconnaît Marion Baillot, la coréalisatrice.

« Nous avons passé une année sur cette affaire. J’ai commencé à y travailler au mois de novembre 2015. Il s’agit de l’un des films les plus forts de ma carrière... Nous nous devons d’être très sélectifs dans le choix des affaires, car nous n’abordons que des histoires avec un contenu conséquent », poursuit Christophe Hondelatte. Autant dire que l’intime conviction du public de France 3 devrait être mise à rude épreuve tout au long de la saison.