Le Seigneur
des anneaux

J.R.R. Tolkien aurait pu mener une vie tranquille de professeur de langues anciennes à Oxford, écrire de savantes études que n’auraient lues que ses savants confrères. Mais il adoraient les contes de fées comme personne, il avaient des enfants et il n’aimait rien tant que leur raconter des histoires, des tas d’histoires, des histoires sans fin. L’une d’elles, qu’il se hasarde à publier en 1937, connaît un succès inattendu. Voilà « Bilbo le Hobbit ». Un petit être appartenant à une espèce à la fois imaginaire et familière, mesurant à peine un mètre de haut, débonnaire, casanier, aimant le confort, la bonne chère et le tabac à pipe (un Anglais miniature, en somme) et évidemment entraîné à son corps défendant dans des aventures extraordinaires peuplées de nains, de trolls, de maléfices et de trésors gardés par des dragons... dont il ramène un petit anneau magique qui a la faculté de rendre invisible son porteur.
 Lorsque son éditeur réclame à l’auteur une suite à ce récit, il ne se doute pas de ce qu’il va provoquer. Car Tolkien travaille depuis vingt ans sur l’histoire et la mythologie d’un monde, « La Terre du Milieu », ressemblant à une autre dimension du nôtre et dotée de son histoire parallèle. Tolkien y déverse le contenu de son savoir (débordant) et de son imagination (débridée), mêlant la philologie anglo-saxonne, la mythologie scandinave, les langues finnoise et galloise, inventant des langues et des dialectes, cartographiant ses régions, faisant l’inventaire de sa flore et de sa faune, dressant des généalogies de rois...
Dans l’intervalle, et à travers les années de guerre, il est passé du conte pour enfants au roman épique pour adultes, sombre, violent, cruel et nostalgique, faisant de l’anneau de Bilbo l’enjeu et le prétexte d'une autre guerre mondiale entre le Bien et le Mal. Et si le Bien finit par triompher, sa victoire ne marque pas moins la fin d’un monde, l’achèvement du troisième âge de la Terre du Milieu... Mais pas l’achèvement du grand œuvre de Tolkien, qui ne cessa d’y travailler jusqu’à sa mort en 1973.
 Certains lecteurs ont délaissé ce livre de chevet de leur jeunesse. D’autres ne s’en pas tout à fait remis. C’est le cas du cinéaste Peter Jackson, qui raconte avoir lu les trois volumes d’une traite à 17 ans. Les rumeurs qui circulèrent dès 1995 à propos de son intention d’adapter la trilogie avaient de quoi susciter l’excitation... et les craintes des fans, plutôt échaudés par une première adaptation signée en 1978 du réalisateur d’animation Ralph Bakshi. Jackson était condamné au succès ou au ridicule. La Communauté de l’Anneau, sorti sur les écrans en 2001, rassura heureusement la plupart des gardiens du temple. Avec Les Deux Tours, le second volet de la trilogie, le réalisateur continue de prouver qu'il est à la hauteur de ses ambitions en offrant une véritable scène d'anthologie (une bataille finale pour le moins époustouflante !) au cinéma d'aventure. La preuve que peu d’œuvres littéraires n'avaient à ce point rendez-vous avec le septième art...